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Une soirée de solitude hivernale, un regard, une chanson, une photo ternie, ou parfois un rien, qu’importe après tout ce qui conduit à la mélancolie. Ce sentiment de tristesse parfois inexplicable est une douleur contre laquelle toute lutte est vaine, elle envahit notre être comme coulant dans nos veines. Les regrets, les espoirs brisés, rejaillissent alors au point qu’ils semblent avoir empli toute notre existence passée. Pourtant, je n’ose imaginer une vie sans respirer au moins une fois le parfum des fleurs du mal, les seules qui permettent de sublimer l’écoute de bons nombres d’albums. Puits de pensées sans fond, la mélancolie est aussi la source des plus grandes inspirations, l’origine même de grands albums, ceux dont l’émotion nous submerge.

À l’écoute d’A World Full Of Grey, je me suis laissé aller à penser que cet album pourrait bien être de ceux-là. Il n’est point question de doom ou autre genre musical dont l’essence même est la déprime systématique, mais bien de power prog mélodique. Le premier titre, searching for forgiveness, commence par une douce mélodie au piano teintée de nostalgie par les craquements d’un vieux vinyle. Rapidement, les grosses guitares plombent une atmosphère déjà très chargée émotionnellement. Voilà, la trame principale de l’album est posée : une succession de mélancolie et de puissance. Non, succession n’est pas le mot adéquat tant ces deux vecteurs se lient et se délient tout au long de l’album. Antagonistes ou imbriqués, la mélancolie et la puissance sont ici maniées avec une main de maître jusqu’au dernier titre, breath again, grand final d’espoir qui nous libère, non sans violence, de la sombre emprise de cet album.

Danni Cecati (chanteur de Pegazus de 1996 à 1999), utilise tout un panel vocal dans le but de contribuer lui aussi à ces enchevêtrements d’ambiances. Déchaîné du début à la fin, il use avec succès de tout ce qui est en son pouvoir pour parvenir à retranscrire de l’émotion. Il n’hésite pas à s’orienter, dès que cela devient nécessaire, vers un chant bien plus hurlé particulièrement marquant sur whisper of the soul. Il en rajoute encore sur a world full of grey, jusqu’à se morfondre en grognements avant de crier haut et fort ses lamentations. Quelle prestation ! Il y a du Geoff Tate dans ce chanteur tout comme il y a du Queensrÿche dans Eyefear. J’aurais cependant à redire au fait que Danni Cecati se contente trop souvent d’envolées lyriques prévisibles pour clore des lignes de chant qui auraient pu être améliorées. Quant au refrain de haunted memories, très speed metal, il est bon mais nuit toutefois à la mélancolie de l’album.

Le clavier est un instrument clef chez Eyefear. Le piano, omniprésent sur la ballade changes, nous offre de touchantes interventions sur la plupart des autres titres, comme lors d’un break absolument divin sur searching for forgiveness. Pour le reste, je regrette que le groupe ne se soit pas attaché les services d’un vrai orchestre symphonique à l’instar de Serenity, autre bonne surprise power prog de cette année. Je n’ose imaginer comment un tel orchestre aurait pu, ça et là, remplacer un clavier souvent trop pauvre pour élever comme il se doit la dimension dramatique de certains morceaux. Je pense spécialement à the eyes tell no lies et ses parties de clavier trop inhibées incapables de combler le vide émotionnel qui se crée dès que la voix de Danni Cecati s’estompe.

À l’avenir il va falloir compter sur le power prog de Eyefear. La bande à Con Papazoglou (ils ont quand même des noms à coucher dehors ces australiens), guitariste et principal compositeur, en est déjà à son troisième album et continue irrémédiablement sa montée en puissance. A World Full Of Grey, à l’image de Danni Cecati, m’a séduit par son audace et la tristesse envoûtante de ses compositions, au point de lui accorder un 8/10.
[right]Chris[/right]

0 Comments 23 juin 2007
Whysy

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