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Ce n’est pas de la mélancolie, mais un élan de nostalgie plus fort qu’à l’accoutumée, plus élancé, plus persistant, qui paralyse et anesthésie, rouvre des cicatrices et libère en secret les délicats effluves de délicieux souvenirs… Présent et passé se confondent, et la mémoire, triste cinématographe, se met en marche et déroule le film choisi d’instants révolus, de réminiscences incertaines, de souvenirs heureux que le temps s’est chargé de rendre plus lisses, plus doux, plus parfaits… Les scènes défilent alors sans que l’on puisse vraiment les contrôler, et une douleur lancinante se manifeste à intervalles irréguliers, tandis que les mots, les images reviennent à la vie, les odeurs des promenades nocturnes, les soirs d’été…Et les amours passés, consumés par les flammes de l’éternité.

Second album d’un groupe danois demeuré dans l’ombre et l’oubli, « A world to drown in » fait partie de ces chef d’œuvres ignorés, si rares, si difficiles à découvrir, que l’aura de la musique qu’ils contiennent s’en voit magnifiée, sublimée. Blazing Eternity a débuté en 1993 sous le nom d’ « Ancient Sadness ». Seul témoignage de cette lointaine époque, une démo, « Tragedies », s’apparentant au Black Metal et aujourd’hui, comme il se doit, introuvable. Puis, en 2000, un premier album, solidement ancré dans un Doom/death encore assez cru, mais déjà personnel et terriblement mélancolique, « Of times and unknown waters ». Enfin, en 2003, sous la houlette du dieu vivant Markus Stock (Empyrium, The Vision Bleak), un nouvel enregistrement, ultime témoignage du groupe à ce jour, signé chez « Prophecy Productions », maîtres de la musique folk et du Metal triste : « A world to drown in », dont je vais vous parler aujourd’hui.

Comment décrire précisément la musique du groupe sans tomber dans la surenchère de compliments et de révérences ? En commençant peut-être par parler des rares influences vraiment notables qui l’imprègnent. Personnellement, je recommanderais avant tout cet album aux fans du « Martyre » de Saturnus (le grand Kim Larsen, guitariste, intervient ici en guest sur les deux titres les  plus « metal » de l’album), et à ceux du « Projector » de Dark Tranquillity (car bien qu’étant meilleur, le timbre de Peter T. Mesnickow peut évoquer son confrère suédois). Le titre « (Don’t) let the world » est particulièrement proche, dans son refrain, mais aussi dans ses arrangements, de cet autre album mythique. Et comme pour l’album de Saturnus susnommé, « A world to drown in » est la bande originale idéale d’un bon bain chaud relaxant à la lueur d’une bougie, ou d’une promenade dans la nature au crépuscule… Des instants de profonde détente et de douces rêveries.

Cet opus garde encore les influences d’un passé doom, mais s’il se maintient dans les tempos lents, il a visiblement tout oublié de la lourdeur plombée et de la bruine grisâtre de ses anciens amours. Ici, le jeu de batterie est subtil, plus enlevé, l’électrique possède un son très clair, très personnel, très lumineux, et seul le chant clair (magnifique) trouve sa place dans ce recueil, trop intimiste pour se complaire ne serait-ce qu’un instant dans l’agression sonore. Bien sûr, quelques riffs et rythmiques solides se présentent par moments à point nommé (sur l’excellent morceau-titre ou sur la semi-ballade « (Don’t) Tell the World », au break bien senti), mais sinon, on sort presque du carcan du Metal pour entrer dans un univers atmosphérique extrêmement éthéré, délicatement ambient. L’une des raisons pour lesquelles cet opus n’a pas été très bien accueilli par les fans de son prédécesseur, d’ailleurs…

Ici, la formule gagnante, ce sont des arpèges électro-acoustiques résonnant largement, des nappes de claviers discrètes en fond, des refrains relativement mémorisables, des lignes de chant sublimes (quelle maîtrise ! quelles émotions…) délivrant des textes nostalgiques, presque ésotériques car très imagés. Cependant, il faut bien l’avouer, cet album possède deux petits défauts : une certaine homogénéité, notamment dans le son, et une légère tendance à tomber dans le mièvre un poil trop sucré. C’est le reproche que je ferais notamment à « Stars in July », qui, malgré son sublime duo chant masculin/chant féminin, paraît trop édulcorée pour être totalement sincère, et la reprise de Love Shop, malgré son entêtant et excellent solo final, qui était finalement légèrement dispensable. Sachez cependant que les autres morceaux de cet album sont de purs manifestes d’émotion proprement irrésistibles : « Cover me with your eyes » est l’une des plus belles chansons que j’ai entendu de toute ma vie, avec son solo à tirer les larmes, « A world to drown in » ferait presque headbanguer et possède un refrain tout à fait énorme, « Monument » distille lentement, plus lourdement une mélancolie hypnotique…. Bref, quel album, mes enfants… Quel album !!!


Et dire que le groupe a osé nous laissé orphelin après un tel déploiement de génie…. Argh, ya vraiment des injustices sur terre ! J’aimerais conclure en disant que tout le monde se doit d’essayer cet album au moins une fois, mais il est évident que la musique de Blazing Eternity ne pourra pas plaire à tout le monde… Cependant, si vous aimez des groupes comme Saturnus, Havayoth, Autumnblaze ou Anathema, ou bien que vous cherchez tout simplement une musique de fond éthéré pour un moment de calme, de romantisme, voire d’intimité (j’ai essayé : succès garanti), la troupe danoise signe ici l’ambiance parfaite que vous cherchez. Un album en tout point admirable, par une formation trop vite disparue.  



Gounouman

0 Comments 17 juillet 2009
Whysy

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