Salut Andy ! Tout d'abord, je dois t'avouer que je même si je connaissais The Tangent je n'étais pas vraiment familier de ton travail, jusqu'à Le Sacre du Travail, un sacré choc ! Cet album semble très différent, tu le ressens également ?

[En français] C'est vrai Guillaume, je voulais faire quelque chose d'un peu différent - et c'est normal. The Tangent existe depuis dix ans, nous avons publié six albums, avec une progression - oui, il y avait une progression bien sûr, mais cette fois je voudrais faire un changement plus important. Je crois c'est un peu trop facile de continuer sur la même route - pour moi et aussi pour le genre. Après beaucoup de préparations, j'ai décidé de commencer ce morceau avec tous ses risques. Alors je le ressens aussi - c'est différent! Très différent, mais avec des choses très familières aussi!


Parle moi de la création de cet album, et des parties orchestrales. Elles étaient à l'origine du projet ?

Oui, elles étaient là au début. J'ai commencé avec une petite suite pour orchestre, dans le but de faire (plus tard) une adaptation "Rock" de la même musique. Je crois que ça a bien fonctionné. J'avais beaucoup de soucis naturellement, c'était un peu un saut dans l'inconnu. Heureusement, la plupart des critiques sont très positives - alors, c'est un soulagement pour moi!


Il me semble que la deuxième partie est la plus expérimentale, en plus de la magnifique introduction. La troisième est plus technique, un peu comme les grandes années de Yes ou ELP, quand la musique était dense et complexe. Et la cinquième, classic prog, avec une superbe mélodie et des accords puissants. Mais cette deuxième partie est une anthologie de sons et de mélodies, j'ai l'impression que la majorité de tes ambitions expérimentales s'y regroupent. Qu'en penses-tu ?

[Andy s'excuse et répond en anglais, vu la complexité de la question] Pour moi c'est une seule pièce, je n'avais pas vraiment pensé à quelles parties étaient plus ou moins expérimentales bien que je constate effectivement que la dernière partie « Evening TV » ressemble plus au Tangent que l'on connaît. Celle qui a été la plus difficile à mettre en place est effectivement la deuxième, « Morning Journey & Arrival ». Je voulais que ce morceau puise dans différents styles : rock, pop, classique, jazz, funk et progressif et que toutes les influences soient prises en compte, parce la pièce parle de « tout le monde » [Everyone]. C'était un sacré challenge de lier les différentes parties sans user de découpage et de collage : je voulais qu'elles s'enchaînent naturellement, j'espère que ça a fonctionné !


Oh oui, ça a parfaitement fonctionné ! Mais il peut être difficile de se plonger une pièce de 20 minutes, même pour ceux qui en ont l'habitude : est-ce que tu as envisagé de la découper, puisqu'il y a des structures assez différentes ?

Il EST difficile de s'y plonger, mais la musique a une façon de récompenser ceux qui parviennent à dépasser ces obstacles. Pour moi, les morceaux qui étaient plus « difficiles » quand j'étais jeune sont aujourd'hui mes favoris et je les préfère nettement à tout ce que j'ai pu écouter de « facile ». Je n'ai pas envisagé de la découper, en fait j'ai même considéré l'idée de faire un seul morceau avec les cinq parties, sans coupure.


Le sacre du travail, un titre intéressant pour l'auditeur français et amateur de Stravinsky que je suis. J'adore les paroles françaises dans la cinquième partie, c'est toi qui les a écrites ? Pourquoi cette « french touch » ?

[Retour au français] J'ai habité en France, c'est mon pays préféré au monde. J'ai habité au du Massif Central, 50 km au nord de Rodez en Aveyron. Après ça, j ai habité quelques mois dans le Gers, à Auch. La France me manque beaucoup naturellement, et de temps en temps je me surprend à penser en français. Une autre langue peut être comme un autre instrument pour le compositeur alors j'ai fréquemment utilisé le français dans mes paroles de chansons. Quant le titre, effectivement c'est un hommage à Stravinsky, il avait voulu donner un titre français à son chef-d’œuvre "Le Sacre Du Printemps". "La langue des arts" je suppose.


Corrige-moi si je me trompe mais il y a un sentiment communiste ou au moins socialiste qui se dégage des paroles de l'album. Les rites du travail, le matérialisme et la vie en communauté font écho à l'URSS, et je le dis d'une façon positive. Vu que tu as écris des paroles anti-Thatcher dans les 80's et que tu as déclaré considérer que la "réalité" [reality] était le meilleur sujet pour un morceau prog, est-ce intentionnel ?

[Retour à l'anglais] Oh oui, je suis assurément dans un courant de pensée de gauche et je n'en fais aucun secret ! Je suis socialiste et je considère le socialisme comme très différent de ce qu'est le parti travailliste [Labour Party] aujourd'hui au Royaume-Uni. Ces mecs étaient socialistes, mais maintenant ils ne sont qu'un parti centriste et c'est quelque chose que je n'accepte pas. Je n'étais vraiment pas favorable à Thatcher, ni à Sarkozy d'ailleurs. Je voulais écrire de ce point de vue et faire que ma musique reflète la réalité du monde dans lequel  nous vivons.

Parlons un peu du groupe : sacré « all-star band » que tu as là ! C'était volontaire, ou juste un heureux hasard ?

Très joli line-up n'est-ce pas ? Eh bien, ce sont tous des amis, le seul que je ne connaissais pas vraiment est Gavin Harrison et c'est un ami de Jakko [Jakszyk]. Je l'ai rencontré pendant l'enregistrement de l'album et c'est un mec très sympa. Tous les autres avaient déjà travaillé avec moi donc il n'y avait pas vraiment de nouveauté, simplement un très bonne équipe cette fois.


Le duo Gavin Harrison – Jonas Reingold est incroyable : à propos de Gavin, va-t-il rester avec The Tangent, tant que Porcupine Tree est en pause ?

Gavin était avec nous en tant que musicien de session. Nous n'avons pas considéré ce line-up comme étant vraiment un groupe, c'était surtout un projet musical [recording project]. Si l'opportunité d'une tournée se présente je demanderai bien sûr aux gars s'ils sont disponibles. Certains le seront, d'autres non. Ce sont tous des gens très occupés et il n'est pas garanti qu'ils puissent tous se libérer !!


Rikard Sjoblom, qui t'avais invité à faire la narration de l'introduction du dernier album de Beardfish, est venu faire la narration de l'introduction de Le Sacre du Travail. Un choix délibéré, de ne pas le faire chanter ni jouer d'un instrument ?

Rikard est si bon à chanter ou jouer d'un instrument que j'aurais pu rentrer chez moi et le laisser faire l'album. Je voulais avoir quelque chose à faire, merci bien !!! C'est un mec super et un très bon ami. C'est toujours un plaisir de le voir ainsi que les gars de Beardfish.


Que peux-tu me dire des productions prog récentes ? Quels albums as-tu apprécié ces derniers temps ?

Pas tellement en fait, mais j'ai adoré le Steven Wilson. Après toutes ces années à sous-entendre que le retro prog n'était pas une si bonne idée, il nous offre un album de... retro prog ! Ça m'a bien fait marrer ! Et c'est un excellent album. En ce moment j'écoute beaucoup les hollandais de Sky Architect et un groupe allemand appelé Argos qui m'a vraiment fait tourner la tête, leur dernier album « Cruel Summer » est génial. J'écoute souvent les Flower Kings ou Magenta et je sais que le premier album de Maschine sera incroyable.


J'ai l'impression que l'Angleterre est au cœur du mouvement prog à nouveau, quand j'écoute ton album mais aussi Lifesigns, Wilson ou le dernier Steve Hackett, même s'il faut admettre que la scène scandinave reste toujours très forte. Qu'en penses-tu ? The Tangent fait aussi partie de ce renouveau ?

Oui l'Angleterre vit une certaine renaissance récemment. Il fut un temps où tout sonnait comme un ersatz de Genesis ou Marillion, et les américains ou scandinaves nous battaient à plates coutures ! Ce qui est vraiment bien c'est que maintenant anglais ne se ressemblent plus. Nous ne faisons pas du Magenta. Magenta ne sonne pas comme Big Big Train. Bbt ne ressemble pas à Steven Wilson et Wilson ne sonne pas comme... Maschine !! Oui The Tangent fait partie de ce mouvement j'en suis sûr, ou au moins je l'espère !


Quelles ont été tes inspirations pour la création des parties orchestrales ? As-tu écouté le Three Fates project de Keith Emerson par exemple ?

Non je n'ai pas écouté Three Fates mais les travaux précédents de Keith, ainsi que les pièces orchestrales de Jon Lord et bien sûr le Snowgoose de Camel, tous ont été des influences majeures.


Dernière question, quels sont tes héros musicaux, et plus précisément dans le domaine du clavier prog ?

Van Der Graaf Generator 1969-1976 est sans doute mon groupe préféré de tous les temps. Peter Hammill est mon compositeur favori, avec le groupe et en solo jusqu'au début des 90's. Depuis je ne suis pas vraiment allé plus loin en ce qui le concerne, puisque je considère avoir eu le privilège d'entendre et vivre leurs meilleures années et je n'ai jamais voulu constater leur crépuscule. Un inspiration majeure et une contribution capitale à la musique européenne du 20ème siècle.
Dave Stewart de National Health est mon claviériste préféré. Une de mes premières influences, je l'ai étudié intensément et encore aujourd'hui je trouve son travail fascinant. En plus de Dave j'aodre les travaux de Keith Emerson avec The Nice et ELP, Neal Morse, Chick Corea, Hugh Banton, Tomas Bodin et Rikard Sjoblom, que des musiciens merveilleux. Et Lalle Larsson est si bon qu'il mérite à peine de vivre.

Merci beaucoup Andy!

[Retour au français] Merci beaucoup mon ami, et j’espère que mes essais avec la Langue de Molière étaient assez compréhensibles pour vous. Je te demanderais de faire la correction pour ne pas passer pour un idiot!!