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Rappelez-vous: il y a tout juste deux ans, le groupe français Memories of a Dead Man nous proposait son deuxième album V.I.T.R.I.O.L. A la fois vif et piquant, l’opus avait su convaincre la chroniqueuse pourtant difficile (surtout quand on s’aventure dans les tréfonds pas toujours heureux du metal moderne) que je suis.  Et voilà que Memories of a Dead Man remet le couvert avec Ashes of Joy qui sort ce mois-ci chez Season of Mist.

Si quelqu’un voulait parler de Ashes of Joy très simplement, sans emphase, il vous dirait certainement que ce nouvel opus de Memories of a Dead Man est comme un oignon annonçant un hiver rigoureux : il a de multiples couches qu’il convient d’éplucher au fur et à mesure des écoutes. Mais je ne suis pas sûre que cet argument ne vous pousse à donner une chance aux français ; tout au plus aurez-vous envie d’une soupe.  Il faut, en effet, prendre son temps et utiliser beaucoup d’adjectifs qui semblent contradictoires si on veut bien tout comprendre à la musique des français.

Pour ceux qui sont déjà familiers avec l’univers étrange et planant de Memories of a Dead Man, ce nouvel opus ne vous surprendra pas. Dans la continuité du précédent opus, Ashes of Joy navigue avec assurance sur des rythmes ondulants, tantôt caressants, tantôt plus engagés. Pour ceux qui découvrirait le quintet avec ce disque voici quelques clés qui vous aideront, j’espère, à décoder l’écoute.

La musique de Memories of a Dead Man est complexe, changeante mais toujours sans concession. Jamais satisfaits, les musiciens varient les mélodies et les genres, attisent notre intérêt et changent brutalement de cap. C’est ce qui arrive sans doute quand on revendique aimer à la fois le groupe Tool et les parties de pétanque. La rencontre des deux crée forcément quelque chose d’hybride, de singulier. Et au milieu de cette alternance de rythmes imprévus, de ces fausses pistes, Ashes of Joy est un album réussi grâce à l’assurance sans borne avec laquelle le groupe déploie les morceaux. L’association du prélude couplé au morceau « Aurora », avec sa mélodie relaxante en arrière-plan, illustre parfaitement l’aisance et le sang-froid du groupe qui n’a pas peur de se frotter à des chansons décousues mais pleines de sens.

Impulsif par moments (« The Fall of DoG Maelstrom Involution »), plus tendre à d’autres (« Draft The Second »), Ashes of Joy laisse une impression décalée d’aliénation contenue. Les mid-tempos, très présents, exacerbent ce sentiment (le break de « Melancholia », « La Nausée »). Toujours mises en avant, les guitares aident à guider l’auditeur, font en sorte que personne ne se perde en chemin, et éveillent à chaque instant ou presque la curiosité.  Les mélodies sont très prenantes, presque envoûtantes comme c’est le cas sur « The Swan’s March ». Ben D et Tony G font preuve de beaucoup de retenue, même dans l’expression de leur folie et savent varier les plaisirs ce qui donne à Ashes of Joy sa saveur particulière.  « Going Out With The Whore's Saliva » et « The Fall of DoG Erase My Eyes » par exemple terminent Ashes of Joy avec une puissance dosée sans doute un peu plus classique mais qui parvient à créer son petit effet.

La voix de Pierre D sied parfaitement à l’univers un peu décalé du groupe. En charge des paroles, le chanteur varie l’intensité et la brutalité de son chant au gré des titres et souvent même au sein des chansons (« The Fall of DoG Maelstrom Involution », « Melancholia », « The Swan’s March »). Si les variations multiples sont aussi erratiques que les mélodies, elles donnent Ashes of Joy une partie de sa spontanéité, rappelant constamment la dualité de la musique de Memories of a Dead Man, jouant perpétuellement avec les limites des genres. Difficile, dans ces conditions, d’identifier les meilleures chansons de l’album tant chacun peut y trouver son bonheur (à titre personnel « The Fall of DoG Maelstrom Involution », « Aurora » et « Wounded Knee » font partie de mes préférées). Mais c’est aussi la grande force de Memories of a Dead Man : au milieu du chaos apparent, il est possible de s’adresser à tous et notamment de faire naitre un sentiment diffus, comme sorti de nulle part, de mélancolie.  

Une fois encore, Memories of a Dead Man sait proposer un album à fleur de peau, écorché mais reposant, tranchant mais subtil, bref un disque à part, un peu difficile à apprivoiser peut-être mais qui saura plaire à ceux qui ne se complaisent pas dans la facilité.  Au milieu d’un amas de groupes formatés et parfois ennuyeux à force de toujours se ressembler, Memories of a Dead Man a le mérite de vouloir jouer avec les symboles et désorienter nos habitudes. Si c’est un peu de nouveauté que vous cherchez, Ashes of Joy devrait vous convaincre.  Il est facile d’y trouver quelque chose qui nous attire mais plus intéressant encore,  il est fort probable que ce quelque chose soit inattendu et surprenant. Encore et toujours cette éternelle dualité.

Nola

0 Comments 13 avril 2014
Whysy

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