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En ce mois de septembre 2010, le vent venu du nord s’est levé à nouveau, descendant sur l’Europe. Il a quelque chose de funeste ce souffle froid qui arrive. Deux ans après son dernier réveil, il se rappelle à notre bon souvenir et traîne dans son sillage une vague de tristesse et de rancoeur. Un hiver précoce s’annonce. Et les norvégiens, réglés pour la circonstance comme des coucous suisses, en sont le premier signe. Fuyez, cachez-vous ou agrippez-vous à vos albums de Korpiklaani (ou à tout ce que vous avez de dansant et de festif), parce qu’après le passage d’Enslaved, il ne restera pas grand chose ou plus grand monde.

Ainsi, deux ans après, la sortie de Vertebrae, les musiciens de Bergen nous présentent Axioma Ethica Odini, leur dernier né. Un nom bien étrange qui sied à merveille au groupe qu’est Enslaved. C’est à dire à part dans la scène metallique actuelle. Enslaved (dont le nom est un hommage à la chanson “Enslaved in Rot” issue d’une démo d’Immortal) a été fondé en 1991 par Grutle Kjellson et Ivar Bjørnson. Comme la plupart des groupes norvégiens apparu à la même époque, Enslaved est un groupe de black bien ancré dans ses racines nordiques. Et puis le temps a passé et les musiciens ont choisi d’évoluer. Exit le logo illisible et le black brut de décoffrage, Grutle et Ivar recrutent du sang frais (Ice “Jeneconnaispaslestshirts” Dale en 2002, Cato Bekkevold à la batterie en 2003 et Herbrand Larsen aux claviers et au chant clair en 2004) et s’engagent sur le chemin du progressive black metal, genre qui, il faut le dire, ne coulait pas de source au premier abord.

En 2004, sort l’album Isa qui marque le renouveau du groupe amorcé avec Below The Lights l’année précédente. Alors soyons clairs, Enslaved ne tourne pas le dos à ses origines (on ne passe pas soudainement du coq viking à l’âne heavy) mais il pousse un peu plus loin son évolution augmentant petit à petit l’importance du chant clair. Depuis, la musique d’Enslaved est devenue vraiment mélodique mais, chose étonnante, elle parvient à rallier nouveaux et anciens fans. Ces derniers saluant l’audace du combo nordique : un pari pas vraiment gagné d’avance (surtout dans le milieu de Black metal) . Une chose est certaine les norvégiens n’ont de cesse de prouver qu’ils peuvent toujours mieux faire.

Axioma Ethica Odini ne déstabilisera pas les fans : Grutle et sa bande appliquent la même recette que pour l’album précédent. On a donc droit à des chansons épiques dans lesquelles les deux vocalistes Grutle et Herbrand se répondent. La violence dont fait toujours preuve le premier est contre-balancée par la légèreté du second. Cependant Herbrand Larsen est de plus en plus présent et ses parties vocales ne sont plus de simples habillages destinés à adoucir l’oeuvre. Au contraire, son chant appuie les instruments et met en lumière les détails (“Lightening”), tout en véhiculant une image de puissance tranquille. Le claviriéste apporte une touche rassurante à Enslaved en général et à Axioma Ethica Odini en particulier. A cause de tant de calme, l’ensemble en devient presque planant (“Raidho”). Et ce n’est pas rien de le dire surtout quand l’album reste, dans l’esprit, aussi féroce. L’opposition avec Grulte est d’autant plus saisissante qu’elle est réussie. Ainsi, le bassiste-hurleur n’a rien perdu de son mordant. Son timbre rappeux résonne au plus profond de l’auditeur pour lui secouer les tripes (“Waruun” et son refrain qui semble provenir des tréfonds de la Terre).

Comme son grand frère Vertebrae, Axioma Ethica Odini est un album terriblement envoûtant qui n’a pas vraiment les pieds sur terre. La musique d’Enslaved a conservé son esprit viking et son caractéristique, presque lancinant mais toujours efficace. Par le passé, certains ont pu reprocher à Enslaved d’amortir la puissance des guitares et de renier ce qui fait la marque du metal. C’est peut-être encore vrai ici : l’album est plutôt calme. On aurait aimé parfois plus de violence, que la tempête se déchaîne une bonne fois pour toutes et qu’on en prenne plein les oreilles. Cela n’arrive jamais. C’est la même remarque pour la batterie, qui dans le lointain, donne le tempo à l’album sans vraiment s’imposer. Mais, Ivar et Ice Dale, en soignant toujours autant leurs partitions, assurent des mélodies discrètes mais percutantes (“Night Sight”, “Lightening”), qui fonctionnent incroyablement bien. Et malgré toutes nos réticences, nos critiques et notre mauvaise foi, nous sommes obligés de nous rendre à l’évidence : si nous fredonnons les chansons c’est parce qu’elles nous plaisent. Au final, on a envie de passer l’album encore et encore.

En sa qualité d'album riche, Axioma Ethica Odini ne se laisse pas apprivoiser facilement. Sa densité, peut le rendre un peu hautain mais il me faut surtout pas se fier à son apparente indifférence. Enslaved joue avec les codes et les effets. Ce qui compte c’est l’ambiance, ce qui se dégage de la musique. Ce que l’on ressent. Force est de constater que les norvégiens ont des leçons à donner dans ce domaine : leur nouveau disque joue parfaitement son rôle. Il remue des impressions, des pensées, attire et hypnotise. Son petit côté mélancolique (“Axioma”), presque étouffé, s’inscrit comme un fil conducteur tout au long de l’écoute. Cet opus n’a rien de gai ou d’optimiste (le rythme des chansons augmentant encore ce sentiment) mais une certaine plénitude s’en dégage.

Tout cela laisse une étonnante impression de facilité. Comme si l’album coulait de source. Certains titres tirent leur épingle du jeu (“Ethica Odini”, “Spirtual” et “Lightening” notamment) quand on aurait aimé que d’autres durent plus longtemps (raaah cette fin abrupte de “Night Sight”) mais malgré tout les titres forment un bloc harmonieux. Un bel ensemble qui se conçoit comme un tout, tant, même en tenant compte des petits défauts ici et là (un son de batterie trop faible), Axioma Ethica Odini s’écoule dans un unique mouvement, nullement ralenti par la longueur des morceaux (à part “Axioma” ils durent tous plus de 5 minutes).

Rien de vraiment nouveau sous le ciel norvégien. Axioma Ethica Odini s’inscrit dans la lignée des précédents albums du groupe notamment Vertebrae dont il est l’humble successeur. Mais là n’est pas la question. Le plus important est de savoir si l’alchimie va fonctionner encore une fois. Enslaved réussit, sans coup férir semble-t-il, à atteindre son but. Grâce à son atmosphère particulière et à son exécution sans faille tant au niveau de la musique que du chant, Axioma Ethica Odini est un bonheur pour les oreilles. Année après année, les musiciens d’Enslaved prouvent (comme s’ils avaient encore besoin de le faire) qu’on peut toujours compter sur eux. C’est pourquoi, tout ce qu’on souhaite c’est qu’il se lève encore et encore, ce vent norvégien, aussi froid soit-il !

Hold on, don’t fade away
Don’t be afraid to bleed, afraid to dream
Let the elders enlighten the path
They have cried for you, died for you

Nola

0 Comments 16 septembre 2010
Whysy

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