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Ulver est un ovni musical. Évoluant à leurs débuts dans la scène black metal, les Norvégiens ont définitivement délaissé ce style à la fin des années 90 en se tournant vers des contrées bien distinctes où la musique se veut avant tout expérimentale, électronique et ambiante. Autant dire que peu de groupes peuvent aujourd’hui se targuer d’une telle ouverture musicale. Je ne m’épancherai pas ici sur la deuxième période musicale du groupe, en cela que l’album que je vais vous chroniquer n’en fait pas partie. Car c’est bien de metal dont il est ici question avec Bergtatt - Et geventyr i 5 capitler ! Et pas n’importe lequel... un black metal novateur et assez différent de celui que pratiquaient des groupes contemporains tels Emperor, Darkthrone ou Mayhem, qui ont tous les trois sorti un album en 1994, c'est-à-dire la même année que le Bergtatt d’Ulver.

Premier album des Norvégiens, Bergtatt inaugure une trilogie qui s’achèvera trois ans plus tard avec la sortie de l’album Nattens Madrigal. Alors que la scène black metal engendre des groupes viscéraux prompts à déverser une rage non contenue, le premier-né des Norvégiens ne se classe pas vraiment dans cette catégorie. Leur musique se veut en effet nettement moins agressive et cherche à y intégrer des éléments que l’on ne retrouve pas habituellement dans le black metal, à savoir un chant clair (voire même très clair, en partie du fait des 17 ans du chanteur lors de l’enregistrement) et des instruments folkloriques tels que la guitare acoustique ou la flûte. Si Ulver fait montre d’originalité, c’est en utilisant conjointement ces derniers éléments avec les attributs propres au black metal, à savoir un chant hurlé et des rythmiques rapides parsemées de blast beat à la batterie. Ajoutez à cela une atmosphère magique et mélancolique et vous obtenez un mélange pour le moins étonnant. Si l’on s’écarte encore un peu plus du schéma traditionnel, c’est aussi en partie grâce au son, ce dernier étant particulièrement lisse et clair, à mille lieux du raw black metal. Un gros effort de production donc, soulignant l’évolution du groupe depuis sa précédente demo (Vergnatt), où le son y était particulièrement atroce.

Difficile à l’écoute de cet album de s’imaginer ailleurs que dans les forêts norvégiennes, à l’image de cette petite fille, personnage central du conte qui nous est ici raconté, errant sans fin dans les montagnes et assaillie par des forces obscures… sa fuite éperdue est d’ailleurs audible dans le chapitre III de l’album (Capitel III - Graablick Blev Hun Vaer) : le bruit des brindilles écrasées par les pas, des halètements et une mélodie au piano qui résonne au loin… on s’y croirait, vraiment. L’immersion est grande, les mélodies à la guitare électrique sont accrocheuses et le chant hurlé de Garm d’une noirceur infinie (que l’on retrouvera plus noir encore dans l’excellent Nattens Madrigal). Ajoutez à cela des lignes de basse savamment élaborées et vous obtenez ici un des morceaux les plus réussis de l’album. La guitare acoustique, bien que faisant de timides apparitions (mis à part dans l’interlude Capitel IV - Een Stemme Locker qui me fait d'ailleurs penser au groupe américain Agalloch), augure déjà d’un Kveldssanger, les Norvégiens ne se privant pas de l’utilisation de cet instrument dans cet album.

Mais malgré toutes ses vertus, cet album reste perfectible. J’en ai pour preuve les transitions quelque peu brutales entre les passages calmes et ceux plus agressifs : on aurait aimé des transitions un peu moins bancales. Le chant clair enfin, trop pur, peut-être un poil surmixé, et qui pourrait en rebuter certains. Mais n’est-ce pas ces quelques défauts qui font le charme d’un album ? Car indéniablement, Ulver parvient à délivrer ici un album de grande qualité, où le black metal côtoie des parties à la fois folkloriques et atmosphériques. Les réfractaires au black metal pourraient peut-être même y trouver leur compte, tant ce disque me paraît accessible… je n’imagine pas meilleur album pour s’initier à ce style d’ailleurs !

8,5/10.

0 Comments 11 mai 2010
Whysy

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