Vous recherchez quelque chose ?

Chose que je n'aime pas faire, je me vois forcée de parler de moi à la première personne pour commencer cette chronique. Tout simplement pour clarifier quelques points, avant d'être taxée d'une quelconque fermeture d'esprit en ce qui concerne le domaine musical. Ayant dans mon répertoire musical moult genres qui n'ont souvent rien à voir les uns avec les autres, y compris quelques sympathiques airs du genre musical proposé dans la chronique du jour, je réfute toute accusation me qualifiant de metalleuse qui ne sait pas apprécier l'expérimentation, ou encore le croisement entre deux styles antinomiques, du moins en apparence.
Donc, la chronique du jour va porter sur «Bikers Welcome! Ladies Drink Free» de Buck Satan & The 666 Shooters, projet américain derrière lequel se cache en réalité Al Jourgensen, frontman de Ministry. Donc, de la part d'un tel homme et d'une telle renommée, on est en droit d'attendre quelque chose. Et puis l'idée de mélanger metal et musique country n'est pas franchement une mauvaise idée, ça pourrait même être bien fait.

Sauf qu'au ton de cette introduction, vous comprendrez parfaitement une chose : cet opus n'est pas la réussite attendue. Au contraire, c'est tout à fait décevant. Le frontman aurait pu nous offrir quelque chose d'agréable, qui aurait fait son petit effet. Innovant, ça c'est certain, Buck Satan & The 666 Shooters, d'une certaine façon, l'est. Mais innovant, ce n'est pas forcément bon.

Musicalement, nous sommes donc dans le croisement d'une musique country qui en reprend l'essence et les traditions (ambiances festives pour le coup réussies, on s'imagine le petit retour en arrière effectué. Dépaysement total mais trop superficiel), les quelques instruments que l'on aimerait entendre sont bien là (harmonica sur «What's Wrong With Me» et son ambiance far-west, violon, etc etc), mais le tout reste trop quelconque : même pour de la country, la démarche n'est pas assez convaincante et ne se contente que d'offrir quelque chose en retenue, qui ne s'affranchit jamais des conventions d'un style ou d'un autre, voulant en croiser plusieurs mais nous offrant tout simplement un mariage qui, bien souvent, ne s'y prête pas («Down the Drain» pseudo-country, pseudo-rock ou encore «Sleepless Night and Bar Room Fights» cacophonique).

Si plusieurs collègues chroniqueurs ont criés au génie rien qu'au seul nom du gus sus-nommé, ou à la démarche plutôt osée, sur Heavylaw on ne mange pas de ce pain-là, et force est de constater qu'à force d'accorder plus d'importante au fond qu'à la forme, les apparences nous montrent qu'elles sont parfois trompeuses. Sous des airs enjoués se cache une musique manquant tout bonnement d'inspiration et se répétant à la longue, au fur et à mesure. Une forte linéarité s'installe, oppressante et profondément ennuyeuse. Profondeur d'ailleurs, c'est tout ce qui manque ici à l'ensemble, qui sonne creux et désespérément vide. La vacuité de l'album est recouverte par cet ornement mi-country, mi-rock sudiste, teinté de «metal», qui n'est qu'un arbre tentant de recouvrir une forêt à moitié déracinée. S'il nous est impossible de reprocher au sieur Jourgensen d'être un mec qui n'ose pas prendre des risques (sur ce coup-là, j'te tire mon chapeau cow-boy), il est fort dommage de voir que ceux-ci ne sont pas pleinement assumés.

Il y a cependant une certaine ambiance de far-west bien sympathique qui se retrouve là-dedans. C'est déjà un point que l'on était en mesure d'attendre, et qui nous est accordé. C'est déjà un bon début mais il manque sérieusement une consistance. Alors qu'on aimerait se retrouver dans le bar, l'harmonica nous transportant, en tenue de danseuse au milieu de la foule, c'est plutôt le scénario du mec vivant dans son 2 pièces à New-York, un harmonica poussiéreux à la main et un chapeau de cow-boy pour retrouver ses potes au Buffalo Grill que l'on s'imagine.
En plus de cela, la voix de notre frontman, si elle est agréable avec son timbre de voix si reconnaissable (l'un des seuls points positifs), n'est ici pas suffisamment portée sur l'émotion pour nous faire rêver. Toujours en retenue, tout comme la musique, on aimerait l'instant où tout se lâche. Moment qui ne vient pas, malgré l'entrain, le rythme endiablé d'un opus au goût d'inachevé.

Pourtant, on a en face de nous de bons moments. «Medicination Nation» est de qualité, avec un refrain frais et le chant tantôt suave, tantôt rocailleux d'Al. On aimerait plus de morceaux de ce calibre, qui font fière allure par rapport à un «Quicker than Lickor» maladroit et mal composé, qui donne envie de lui faire manger son harmonica surjoué.

Enfin, pas la peine de s'épiloguer trop longtemps. Peut-être que cela plaira à certains, mais sous prétexte d'originalité et de renommée, il n'est pas question de fermer les yeux sur un «Bikers Welcome! Ladies Drink Free» trop générique pour que la pilule soit digérée correctement. Elle a ce petit goût amer, celui qui reste après avoir fait la découverte d'un projet sur le papier intéressant, au potentiel certain, mais à la réalisation maladroite. Buck Satan & The 666 Shooters est, au moins, un projet tout à fait original (pour du rock/metal, pas pour de la country). Mais on aimerait que le tout soit plus osé, plus poussé et plus aventureux. Et c'est tout à fait possible, alors mon cher Al, remue toi, tu as du travail.

0 Comments 29 décembre 2011
Whysy

Whysy

Read more posts by this author.

 
Comments powered by Disqus