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Il y a peu de temps j’ai chroniqué le premier album d’Essence et maintenant c’est sur le groupe de heavy doom américain Argus que je me penche. Sans avoir pris des actions chez les groupes se réclamant du champ lexical de l’industrie automobile, je me permets de souligner cette coïncidence qui me fournit une introduction gratuite. Je vais simplement tâcher d’éviter les blagues à base de cote pour plus de sûreté. Parce qu’au delà des blagues courues d’avance, le plus important c’est la musique, non ?

Attirée par l’étiquette plutôt alléchante de l’album, je découvre Argus avec cet album. En fait, Boldly Stride The Doomed est le deuxième opus des américains. Leur premier album éponyme est sorti en 2009 et pour leur seconde production les américains originaires de Franklin en Pennsylvanie, appliquent la même recette : du heavy fortement teinté de doom.

Le doom est, pour moi, un genre humble et peu démonstratif. La plupart des maîtres du genre sont des groupes discrets dont on entend peu parler.  Si on prête peu attention au genre il est facile de passer à côté même si la nouvelle vague de groupes death/doom tentent une percée sur le devant de la scène. Préférant de loin le caractère plus “classique” du doom sans death,  je me représente le doom comme un genre musical discret mais bourré de talent à l’image de groupes comme Cauchemar ou Church of Misery. C’est un peu cette impression que laisse Argus après l’écoute. Boldly Stride The Doomed est donc un disque pas forcément tape-à-l’oeil mais qui possède un côté serein qui, sinon fascine, du moins retient l’attention. Légèrement plus dynamique que certains groupes de doom, Argus devrait convaincre ceux qui jugent le genre trop mou. Rien de très rapide, ni de très énervé dans les instrumentations d’Argus cependant (faut pas pousser Lee Dorrian dans les orties quand même) mais c’est toujours bien rythmé et ça n’empêche pas l’opus d’avoir son petit caractère.

Un caractère qui lui vient en partie du timbre puissant de Butch Balich le chanteur qui, avec force et rudesse, s’adresse aux auditeurs. Son chant tout en rondeurs participe pleinement à l’ambiance de l’album. Le bougre a du coffre et n’hésite pas à s’en servir pour apporter la force nécessaire aux lignes de chant. On s’en rend compte dès la seconde chanson : directement ou presque il nous envoûte. Argus étonne par la qualité de son chanteur à la voix rugueuse qui sied si bien à la musique. Les refrains gagnent ainsi en ampleur. “Wolves of Dusk” reflète toute la hargne du groupe mais aussi tout son désespoir, comme sur le titre “The Ladder” par exemple.  Puisque Butch Balich donne également ses accents tragiques à Boldly Stride The Doomed. Sur “Pieces Of Your Smile”, le chanteur crée toute l’étendue dramatique du titre par la seule intensité de sa voix alors que derrière les musiciens un air tranquille et répétitif. L’occasion de prouver une fois de plus qu’on ne rigole pas avec le doom, genre pas vraiment enjoué s’il en est.

Cependant, le chant n’est pas le principal élément d’Argus. Les américains privilégient, en effet, les longs passages instrumentaux moins énervés que le chant. On a droit à des mélodies travaillées qui ronronnent doucement. Ainsi dès l’introduction “Abandoning The Gates of Byzantium” l’auditeur comprend à quelle sauce il va être mangé. De chanson en chanson, on est plongé dans un doom heavy drôlement efficace ponctué de soli (“Wolves of Dusk” ) qui ne donnent jamais l’impression de trop en faire et qui pourtant sonnent de la meilleure façon. Pas de morceau vraiment rapide, Argus n’en a pas besoin. Les américains prennent leur temps et usent des codes du genre pour faire durer le plaisir. Le groupe et sa musique possèdent un petit côté nonchalant qui ajoute encore à l’air candide du disque.

Ne méfier de l’eau qui dort toutefois, puisque Boldly Stride The Doomed regorge de petites pépites aux nombreuses références. Ainsi la chanson “Durendal” qui commence par l’appel désespéré du chevalier en perdition propose sa propre version de la chanson de Roland et de la vengeance de Charlemagne. Un beau moment mélancolique durant lequel Roland/Butch rend ses dernières forces avec superbe et panache. Sans aucun doute une des chansons les plus réussies de l’album. Le titre éponyme est aussi un morceau de bravoure et compte un air qui retient l’oreille. L’énigmatique “42-7-29”, dont les rythmes lents et incisifs accompagnent l’auditeur, convainc par sa mélodie diffuse qui tapisse joliment le fond et enrichit la musique.

On pourrait regretter la batterie très (trop) en retrait parfois (“The Ladder”) et le côté trop uniforme de l’album qui le rend un peu difficile à digérer vers la fin malgré la présence de “Pieces of Your Smile” et de ses 11 minutes qui aiguisent l’intérêt grâce à son riff entêtant suivie par ’instrumentale “The Ruins of Ouroboros” qui termine l’écoute en douceur. Mais Argus propose des titres denses et plutôt longs qui, travaillés de bout en bout, donnent une impression de maîtrise. Et puis, l’ensemble sent tellement bon le parfum d’autrefois qu’il serait ingrat de bouder son plaisir. Rien d’innovant dans ce Boldly Stride The Doomed mais ce n’est pas ce qu’on demande, ni ce qu’on attend. Dans ce cas, ce qui enchante c’est la lourdeur et la délicieuse lenteur du passé.

Argus construit avec modestie un album qui s’avère au final fort réussi malgré quelques petites longueurs qui traînent vers la fin de l’album. Des mélodies recherchées, des refrains bien trouvés portés par une voix énergique et musclée font de ce Boldly Stride The Doomed un album subtil. Une belle découverte en somme que je vous recommande. Comme quoi le hasard fait quelques fois bien les choses.

Nola

0 Comments 27 avril 2011
Whysy

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