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"A écouter fort, les lumières éteintes...", telles sont les recommandations de Marillion. Trois ans après la sortie de leur précédant album ("Holidays In Eden"), mais surtout 5 ans après le remplacement du charismatique chanteur "Fish" par un petit nouveau dénommé Steve Hogarth, Marillion nous livre en 1994 un très ambitieux concept-album. En effet, alors que les albums précédant étaient allègrement descendus par les critiques, le groupe a balayé tout scepticisme quant à sa possibilité de survivre à la perte de Fish. Marillion venait de réaliser un chef d’œuvre d’une unité parfaite, sombre et mélancolique, mais surtout sans faiblesse et passionnant d’un bout à l’autre. "Brave" est un élément à part dans la discographie du groupe, qu’il faut absolument écouter dans sa globalité, sans jamais le morceler, afin de s’imprégner de son ambiance si particulière : tout semble lointain, perdu sans aucun espoir de rémission.  Cet album s’inspire d’un fait divers des années 80, où la police retrouve une fille d’une vingtaine d’années, perdue et amnésique, sur un pont de Londres. L’histoire de cette fille, et l’extrapolation de son passé, servent de trame à Hogarth pour relater le mal-être adolescent tout au long de l’album.  Une corne de brume, des clapotis… Le décor est planté dès les premières secondes : cet album sera sombre et brumeux (dans le bon sens du terme), mais incroyablement puissant. Nous voilà perdu et hagard un petit matin de Novembre sur un pont enjambant la Tamise. Bon d’accord, il y a d’abord ces premières nappes au synthé made in Eric Serra pour "Le Grand Bleu"… Riez ! Moquez vous ! Ca sera bien la dernière fois. Deux minutes suffisent pour écraser ce petit sourire narquois sur votre joli minois. Le synthé des nineties se tait, laissant la place à un piano accompagné d’une voix désespérée. Cette association voix/piano est un des grands fils rouges de cet album, conférant ainsi une unité savoureusement mélancolique à l’ensemble.  Cette petite ouverture introduit "Living With The Big Lie", excellent morceau de part l’enchainement des émotions, passant par la mélancolie, le ressaisissement, le désespoir et enfin la rage. On prend ici conscience que le groupe utilise toute sa science musicale pour surprendre constamment l'auditeur, alternant les intensités, effectuant des virages à 180° inattendus... Bref, loin de nous perdre ou de nous donner la nausée, cette intelligence d'écriture empêche la lassitude de s'installer.  Cette volonté, palpable pendant tout l'album, est confirmée par "Goodbye to all that" avec ses différents mouvements clairement affichés. L'autre point intéressant de ce titre est un ultime rebondissement introduisant parfaitement "Hard as love". Cette transition représente bien l'effort mis sur l’unité et l’imbrication des différents titres de "Brave", même si "Hard as love" se détache du reste par son aspect pêchu avec de bons gros riffs et un clavier sorti tout droit des années 70. Mais ambiance "Brave" oblige, cette effervescence musicale retombe progressivement du côté obscur.  Ce déploiement de puissance contraste avec "Runaway", "The Great Escape" ou encore "The Hollow Man", des titres d'une beauté "chair-de-poulesque" portée par une voix qui nous "pose" dès les premières notes avant d'être progressivement rejointe par les autres instruments pour gagner en intensité... De purs instants d'émotions...  "Alone Again In The Lap Of Luxury" et "Paper Lies" sont les 2 titres les plus pop de l'album, confirmant que la nouvelle orientation musicale opérée depuis l'arrivée d'Hogarth au sein du groupe n'a nullement été reniée malgré les critiques. Et tant mieux, car ils sont d'une qualité exemplaire, comme peut aisément le prouver le final sobre et surprenant de "Alone Again In The Lap Of Luxury".  Le titre éponyme "Brave" est le plus imprégné en ambiances et révèle très nettement les origines écossaises de Hogath. Des cornemuses omniprésentes, des rires d'enfants qui résonnent, des paroles chuchotées... Ce morceau vous enveloppe dans les brumes hivernales des Falklands, et vous fera immanquablement penser à la BO de "Braveheart" dans les moments les plus paisibles (troisième référence cinématographique! La musique s'écoute aussi avec les yeux!).  Cet album se termine avec un levé de soleil faisant disparaître petit à petit la brume qui nous avait délicieusement enveloppé. "Made Again" est un titre de clôture tout en douceur et optimisme, nous permettant de nous échapper indemne de ce monde pervers, cruel et noir. On se réveille malheureusement de ce merveilleux cauchemar, et on se rend compte à quel point Hogarth a fait un travail remarquable, autant dans le chant que dans l’écriture. Sa voix est un véritable canon à émotions. Il parvient à justifier à tous ces détracteurs à la solde de Fish qu’il a bien sa place au sein de Marillion. Mais les autres membres ne sont pas en reste! Ils nous délivrent un travail admirable et absolument génial. Le clavier est à la fois magnifiquement discret et omniprésent dans les parties les plus mélancoliques, sans oublier quelques soli libérateurs à la Deep Purple. En seulement quelques notes, la guitare devient une excellente bouffée d'air pur dans cet univers sombre. La basse et la batterie, remarquablement retenues dans les moments les plus intimistes, prennent rapidement les devants lorsque la mélodie devient plus puissante. Bref, cet album, un des plus sombres et pessimistes de la discographie de Marillion, est à mon humble avis un des meilleurs, avec "Marbles", de toute la période Hogarth. "Brave" mérite largement la note maximale, tant il demeure surprenant et saisissant au fil des écoutes.   DkP

0 Comments 26 décembre 2009
Whysy

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