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Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé.  Nick D'Virgilio, membre fondateur de Spock's Beard, batteur du groupe depuis The Light (1995), et chanteur principal lors du départ de Neal Morse, quitte le navire en 2011. Coup dur pour la maison-mère, surtout que l'homme est du genre talentueux. En tant que batteur déjà, il participe notamment à Calling All Stations de Genesis, aux plus récents albums de l'excellent Big Big Train et aussi au magnifique dernier Mystery, The World Is A Game. On a pu également, grâce à Spock's Beard, constater ses immenses talents de chanteur et de compositeur, et jouir de sa superbe voix rocailleuse et puissante.  Pour remplacer un tel monument, les trois membres restants (Alan Morse, Dave Meros et Ryo Okumoto) ont dû recruter non pas un mais carrément deux musiciens, un batteur et un chanteur. C'est dire. Jimmy Keegan, batteur live du groupe depuis 2002, a logiquement rejoint les rangs en tant que batteur officiel. Et le nouvel album du groupe, Brief Nocturnes and Dreamless Sleep, nous permet de découvrir le nouveau chanteur en la personne de Ted Leonard.  Évidemment, pour un très grand fan du groupe tel que moi, et peut-être toi aussi ami lecteur, les premières minutes sont difficiles. On est bien sûr, d'entrée, totalement rassurés sur la santé musicale du groupe : les gars n'ont pas perdu le mojo, loin de là. Mais je ne peux m'empêcher d'imaginer ces premières lignes chantées par Nick, sans savoir que je commets alors un sacré contresens ! Eh oui, Leonard ne ramène pas que ses cordes vocales, il touche aussi un peu de guitare, et surtout il écrit des chansons, et c'est donc lui qui a l'honneur d'ouvrir ce périlleux nouvel album avec le superbe Hiding Out, tout en phrasé prog, cassures rythmiques et passages violonneux.  Sacré bizutage.  Mais le bougre s'en sort très bien, même s'il va me falloir plusieurs écoutes pour s'habituer à son timbre, qui est, il faut le reconnaître, au début un peu quelconque. Difficile de passer après Neal et Nick dans ce domaine. Mais sa technique est excellente, et on verra plus tard qu'il possède une puissance assez impressionnante qui pourrait élargir les horizons du groupe.  Une fois ces quelques moments un peu déroutants passés, l'heure est venue de mettre les points sur les i : Spock's Beard frappe très fort avec ce nouvel album. Brief Nocturnes and Dreamless Sleep (que je vais abréger en Nocturnes) est un album de prog complexe, il vous sera donc difficile de l'appréhender en une seule écoute. Blindé de riffs surpuissants, de breaks glorieux et épiques et de subtiles sonorités délicates, aucun temps mort ou presque ne vient le gâcher. I Know Your Secret est une pure merveille, un hymne, Submerged nous offre des moments funk (encore un très bon morceau de Ted Leonard), et A Treasure Abandoned, Afterthoughts et Waiting for Me sont des pièces plus classique dans l'esprit SB, c'est à dire qu'elles sont écrites par les frères Morse.  Oui, les frères Morse, Neal est de retour à l'écriture sur Nocturnes, et vous pourrez me faire confiance lorsque je vais vous annoncer que ce n'était peut-être pas la meilleure idée. Je vais vous le dire de suite, en fait, c'est le bon moment. Ce n'était pas une super idée. Ouf, c'est dit ! Sur les deux morceaux auxquels il participe, l'un (Afterthought) est une continuation de la longue série Thoughts entamée dès Beware Of Darkness (1996), sorte de melting-pot d'influences diverses mixées en un morceau furieusement technique, une forme d'exercice de style. Le deuxième, Waiting For Me, est tellement marquée du sceau Neal Morse qu'il semble être un pastiche de ses précédentes œuvres. Il ressemble trait pour trait à au moins trois morceaux de Testimony 2, ce qui pose un sérieux problème.  J'adore ce mec, vous ne le savez que trop bien, mais là, trop c'est trop. C'est un excellent morceau, évidemment, magnifiquement interprété par le groupe, mais la sensation tenace que Neal leur a refilé une chute de studio ou un morceau qu'il a bâclé en trois heures ternit l'impression positive qui aurait pu s'en dégager. C'est malheureusement sur ce léger foirage que se termine l'album, mais on aura pu, fort heureusement, profiter du chef d’œuvre qu'est Something Very Strange auparavant.  Écrit par John Boegehold, le cinquième Spock's Beard depuis de nombreuses années, le morceau démarre pourtant assez mal par une référence bien trop appuyée au célèbre vocoder de Sheep (Pink Floyd, album Animals), mais ce n'est l'affaire que de quelque secondes, avant que la maestria du groupe nous explose à la figure, notamment les performances d'Okumoto, toujours impérial (sans mauvais jeu de mot), et de Ted Leonard, qui se permet de sortir des notes impressionnantes sur le superbe refrain. Impossible de continuer cette chronique sans saluer encore une fois l'incroyable Dave Meros, bassiste hallucinant, qui éclabousse de son immense talent cet excellent album.  Si vous avez quelque finance, je vous conseille de vous procurer l'édition spéciale qui contient un deuxième CD avec quatre morceaux inédits, tous aussi excellents les uns que les autres.  Au final, le moins que l'on puisse dire est que Spock's Beard réussit parfaitement son coup avec ce superbe Brief Nocturnes and Dreamless Sleep. Sans vraiment révolutionner le genre, chose qui de toutes façons paraît peu probable en 2013, ce nouvel opus des américains est un très bon manifeste prog, et va même plus loin, en nous laissant espérer un futur excitant alors que l'on espérait surtout être simplement rassuré. Bien entendu, vous constaterez en l'écoutant que la prise de risques est minimale, mais ce n'est pas ce qu'on leur demande. Il sera temps, dans les prochaines années, d'attendre plus de ce groupe qui, ne l'oublions pas, a perdu à ce jour ses deux membres fondateurs les plus talentueux.

0 Comments 04 avril 2013
Whysy

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