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Mastodon. En voilà un groupe singulier et imprévisible. Singulier car qui aurait parié qu'à la sortie de leur deuxième album "Leviathan", mélange improbable de death, prog, sludge, machin-core, tout ce que vous voulez, la presse acclamerait cet obus qui révélait alors au grand jour ce que l'on considère maintenant comme un groupe majeur de ce début de siècle ? Imprévisible, car, après avoir été signé chez le monstre Warner (quand même), là où l'on attendait d'eux un album consensuel, le résultat en a été un "Blood Moutain" complètement fou (souvenez-vous de Bladecatcher...) mais un brin trop dense et homogène pour pleinement convaincre, en dépit de la présence de nombreuses tueries. Ceci dit, leur popularité n'a fait que s'accroître, et les Mastodon sont donc attendus au tournant pour leur nouvelle offrande, au nom énigmatique de "Crack The Skye".  Après le feu, l'eau et la terre, l'élément servant de concept à l'album est l'air, ou plus précisément l'éther. Cet album peut aussi se voir comme un hommage à Skye, la sœur de Brann Dailor, décédée il y a plusieurs années. Toujours est-il que c'est autour d'une histoire très surréaliste mais à l'image de la musique proposée ici que Mastodon délivre un album impressionnant comme ils n'en étaient pas beaucoup sortis ces derniers temps. Les adjectifs que l'on peut attribuer à ce quatrième opus (sans compter "Call of Mastodon") sont aussi divers qu'à priori sans rapport : puissant, mélodique, furieux, planant, vertigineux, cet album ne pourra pas vous laisser indifférent et fera date dans la discographie du groupe.  Dès les premières notes inquiétantes d'Oblivion (ou Brann Dailor se met au chant) et la basse qui semble sonner le gong, nous voilà transportés dans l'univers onirique proposé par "Crack The Skye", où se déroule l'histoire d'un handicapé se servant de l'espace pour voyager et, tel Icare, se brûlant à force de titiller le soleil de trop près. Ce morceau, sans jamais être violent, est pourtant d'une lourdeur écrasante, qui est d'autant plus mise en valeur par l'intermède lumineux qui voit Brent Hinds délivrer un solo magnifique, dans une atmosphère d'un seul coup aérienne, et qui annonce la (ou plutôt les) couleur(s) du déluge musical à venir.  Car les impressions que l'on peut ressentir à l'écoute de cette ouverture sont exactes. Le Mastodon rageur de "Leviathan" et de "Remission" n'est pas de la partie ici, l'univers musical proposé ici étant en quelque sorte un aboutissement, une sorte de point culminant des ambiances que Mastodon se mettait à incorporer de plus en plus dans sa musique. Ceci se traduit par un jeu de guitare plus fin, d'avantage d'harmonies vocales, et une batterie moins démonstrative que par le passé, même si, de toute évidence, le groupe sait mettre le punch quand il le faut, à l'image de ce Divinations, aussi court qu'efficace qui nous gratifie de cris déchirants de Troy Sanders, suivis par un impressionnant solo basse-guitare. Et c'est un peu ça "Crack The Skye" : un son que le groupe a lui-même qualifié de "classic rock", des ambiances à tomber par terre, puis des moments écrasants, le tout semblant pourtant parfaitement logique, les écoutes multipliées conférant à cet album un statut de "bloc de 50 minutes" qui prend tout sa splendeur quand il est écouté d'une traite, nourri par des petits riens, comme ces mini-sons de cloche, lui apposant le label "œuvre ultime".  Ainsi, et de toute évidence, les fans des premières œuvres du groupe plus portés sur l'aspect violent de Mastodon vont être un peu déboussolés ici, la brutalité n'étant plus un leitmotiv mais une des multiples facettes du groupe, qu'il se plait à distiller ici avec parcimonie pour rendre les morceaux majestueux de diversité, d'émotions et d'efficacité. On pourra ainsi citer un des morceaux phares de cet album, The Czar, planant à souhait, malgré la présence bien affirmée des guitares, n'étant jamais racoleuses, et toujours à propos. Ici, on peut se mettre à parler de voyage, tant le morceau nous englobe, nous émerveille, et nous émeut quand après que la tempête se soit calmée, la voix de Brent Hinds retentit, et introduit un motif tout simple de guitare mais qui prend aux tripes comme jamais. Dans cet album, tout n'est que contraste: Quintessence réussit le pari d'être rentre-dedans, même si les gros riffs se font discrets, Ghost of Karelia jongle entre lourdeur de plomb et légèreté de plume comme si la notion de poids avait disparu, et on en vient à se demander si ce groupe est bien celui qui nous avait offert Blood & Thunder, Iron Tusk, Crusher Destroyer ou autres The Wolf is Loose, tant le pas franchi est immense.  En effet, si de "Remission" à "Blood Moutain", la progression était cohérente, on se retrouve ici en quelque sorte avec la prochaine étape, voire celle d'après, avec l'album qui aurait dû sortir plus tard, tant et si bien qu'il est assez impossible de savoir où Mastodon nous entrainera la prochaine fois. Si ils sortent leurs marteaux les plus lourds, accompagnés de Scott Kelly et sa voix d'outre tombe sur l'éponyme Crack The Skye, ils ouvrent un coffre au trésor sur la conclusion débridée que constitue The Last Baron, ou se mêlent envolées "guitaristiques", cavalcades massives, soli improbables, alternances de voix hurlées et claires, le tout dans un fourbi opaque aux première écoutes, et qui se révèle être un véritable enchantement.  En conclusion, non seulement Mastodon s'est ici entièrement remis en question et a complètement assumé son virage sans pour autant renier son passé, mais il l'a fait avec brio en pondant un chef d'œuvre, un album intemporel tant il aurait pu sortir il y a 10 ans ou dans 10 ans que cela ne nous aurait pas choqué. Il est fort probable (et même sûr) qu'une partie des fans ne sera pas forcément sensible à cet effort, mais il n'en demeure pas moins un album parfait, qu'il sera assurément difficile à surpasser.

0 Comments 06 décembre 2009
Whysy

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