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Peut-on imaginer sérieusement qu'après vingt ans de carrière et onze albums, un groupe soit capable de se renouveler brillamment en publiant un album magistral, précis et perspicace ? Cela paraît peu probable. Et si j'ajoute le fait que parmi ses membres se trouvent deux archi-hyperactifs, dont l'un depuis quarante ans, qui ont donc à leur crédit des heures et des heures de composition musicale ? Là ça commence à relever du délire. Et si j'ajoute que le groupe en question est The Flower Kings, grands maîtres de l'épanchement interminable, vous allez sans doute croire que j'ai pété une durite.

Eh bien chers lecteurs, il n'en est rien, tout cela est bien vrai. Et même, si je peux aller encore plus loin, Desolation Rose (paru en octobre 2013), est de mon point de vue le meilleur album des Flower Kings. Ces mecs ont su violemment se remettre en question, abandonner brutalement tous les poncifs prog auxquels ils semblaient condamnés, et d'un coup se mettre à véritablement écrire du rock progressif, en se rappelant donc qu'à la base ils faisaient du rock. En se rattachant au format chanson (un seul morceau de treize minutes, les autres vont de trois à huit), Stolt et sa bande se sont obligés à plus de précision, plus de sévérité dans la sélection, et surtout plus de cohérence. Car créer une mini-symphonie prog de quatre ou cinq minutes c'est tout à fait possible, les Beatles et les Beach Boys l'ont fait il y a cinquante ans.

Prenons le magique Desolation Road par exemple. Il a tous les critères et caractéristiques de l'épique gigantesque, au niveau des développements, des tics de composition typiques des fans de Yes, sauf qu'il ne dure que quatre minutes. Et c'est presque trop court, surtout lorsqu'à la fin du deuxième refrain surgit le premier changement de structure, un motif fugace et merveilleux, mais tout de même, c'était franchement salutaire. Et c'est ainsi tout au long de l'album, qui ne contient pas un seul morceau faible. Bien sûr il y a ceux qui sont au-dessus du lot : The Resurrected Judas par exemple, qui lui dépasse les huit minutes, quelle qualité d'écriture, et quel talent d'orchestration ! On y sent parfois quelques hommages discrets à Genesis mais rien de grave. Et puis Dark Fascist Skies, carrément plus rock que prog, et même presque... metal ! Eh oui, il faut croire que bosser avec Portnoy a fini par influencer notre Stolt : prenez cet excellent morceau (et son énorme refrain), ajoutez-y une batterie plus agressive et des guitares plus lourdes, enlevez-y les trémolos hackettiens et vous obtiendrez une très bonne pièce de metal prog. C'est dire le changement qui s'est opéré dans l'écriture des suédois. Et la même analyse vaut pour Last Carnivor.

Bien sûr, n'oublions pas que c'est du prog, et à ce titre, Tower One vaut un sacré détour. J'ai toujours dit que quinze minutes c'était le format idéal pour une pièce prog, longue mais pas trop, et celle-ci est parfaite. Variété des ambiances, belles performances des interprètes et surtout une virtuosité mélodique dans l'écriture qui est assez rare, tout de même, à ce niveau, et surtout depuis 1977. J'en veux pour preuve les multiples développements dont ce morceau est doté, et qui se succèdent à un rythme effréné en évitant quasiment toute répétition. Chaque motif, chaque ligne mélodique, peut rivaliser avec les autres en termes de créativité et de qualité, ce morceau est un bijou à écouter religieusement. Remarquablement homogène, Desolation Rose ne souffre guère d'absence, hormis du côté de White Tuxedos, intéressant et percutant mais à un degré moindre, et surtout Blood of Eden, pour le coup un morceau mou et raté.

Enfin, je trouve que ce format convient mieux au chant de Hasse Fröberg. Je conviens que cet avis est vraiment personnel puisque je n'ai jamais vraiment apprécié son timbre, mais quoi qu'il en soit, sur ce Desolation Rose il me lasse beaucoup moins, et semble plus à son aise. Mais tout de même, il sera à mes yeux toujours le point faible des Flower Kings, et j'attends avec impatience la prochaine collaboration entre Roine Stolt et Nad Sylvan, chanteur émérite et collègue de Stolt au sein des très bons Agents Of Mercy.

Voici donc un album des Flower Kings tout à fait exceptionnel, dont j'espère qu'il aura donné à Roine Stolt le regain d'inspiration qu'il attendait, et qui saura guider le groupe vers des territoires encore plus accessibles, sans perdre leur exigence de qualité.

0 Comments 19 mai 2014
Whysy

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