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La sortie d'un nouvel album d'Anathema est toujours un événement en soi. En effet, rarement un groupe aura été si fidèlement suivi et adulé par ses fans, et ce malgré un changement stylistique radical au cours de sa carrière. La formation anglaise s'est ainsi vue érigée en véritable culte. Inutile de dire que les (nombreux) fidèles attendent donc avec une impatience non dissimulée chaque nouveau testament de leur idoles.


Présenté comme "le point culminant" de sa carrière, « Distant Satellites », est pris très au sérieux par Anathema. Pour cela, le groupe a choisi de faire appel à deux producteurs distincts afin de donner le contraste adéquat à cet album : Christer-André Cederberg, à qui l'on doit déjà le précédent effort, « Weather Systems », et l’incontournable Steven Wilson. Un duo derrière les manettes qui explique probablement les deux visages présentés par ce nouvel opus. Un premier aux contours bien connus, pour ne pas dire prévisibles, et un second plus original, presque révolutionnaire (n’exagérons rien...).

Les six premiers titres, élaborés dans une veine similaire aux précédents opus, s'avèrent peu surprenants. Tout y est parfaitement calibré, arrangé et maîtrisé comme à l'accoutumée ; les morceaux font preuve de la qualité d'écriture et du feeling connus et appréciés du groupe. Si vous aimez les derniers efforts des anglais, vous serez sans aucun doute conquis. A contrario, les quatre dernières compositions de l'album révèlent une approche plus expérimentale. De quoi séduire les curieux, mais aussi de quoi dérouter les puristes. Et bien qu'aucun crédit ne figure sur la promo de l’album, il y a fort à parier que la seconde partie soit celle supervisée par Steven Wilson, dont on connaît l'amour pour toutes les formes d'expérimentations et qui correspond bien à l'esprit aventureux développé ici.

Ouvrant l’album, « The Lost Song, Part 1 » s'articule autour d'un pattern batterie/piano répétitif et hypnotique. Le morceau, dynamique, monte progressivement en puissance et trouve son apothéose dans un final orchestral du meilleur effet. Le duo vocal formé par Vincent Cavanagh et Lee Douglas se répond à merveille et assoie un peu plus le rôle important que cette dernière prend au sein de la formation. Sa voix envoûtante et gorgée d'émotions est désormais devenue indissociable du son "Anathema". Rien d'étonnant, alors, à la retrouver seule au micro sur « The Lost Song, Part 2 » dont l'ambiance onirique se marie parfaitement au timbre de sa voix. Plus atmosphérique que le premier volet, ce titre en transportera plus d'un dans un vertige éthéré dont seul le groupe a le secret. Un sentiment que l'on retrouve également sur « Ariel », morceau d'un classicisme absolu, mais qui parvient sans mal à convaincre. Une première "redite" qui n'a, fort heureusement, rien de rédhibitoire (comme tout gourmand que nous sommes, comment refuser une part de plus d'un plat que l'on adore ?). Par contre, la seconde "redite" qu'est « The Lost Song, Part 3 » laisse plus dubitatif. Le titre reprend en effet le même canevas que le premier volet de la trilogie, sans en atteindre pour autant la même intensité.

De leurs côtés, « Dusk (Dark Is Descending) » et « Anathema » nous renvoient à la période « Alternative 4 » du groupe, avec des ambiances plus sombres, plus pesantes, plus dramatiques. Sur le premier, le chant presque écorché de Vincent Cavanagh donne un aspect brut à l'ensemble, gommant les ornements mélodieux habituels comme pour mieux exprimer la douleur qui semble l'étreindre. Quant au second, s'il demeure lui aussi sombre, il se montre également plus sobre, voire fantomatique, et brille notamment par un final expressif où la guitare s'en donne à cœur joie.

Clôturant l'album, quatre titres viennent surprendre l'auditeur non averti. Visiblement, les anglais ont eu à cœur de proposer quelque chose de nouveau, d'inattendu, comme pour mieux tromper ceux qui pensait tout connaître d'eux. Le microcosme de la musique "électro" envahi désormais l'univers Anathema. Si «  You're Not Alone » débute de manière classique, des éléments tirés du mouvement Dubstep viennent rapidement habiller le morceau d'une folie inhabituelle pour le groupe. Un titre devenu ainsi plus agressif dans son approche et qui risque d'en décontenancer plus d'un. Vient ensuite « Firelight », un instrumental constitué de nappes de claviers ambiantes, qui sert d'introduction au titre suivant, « Distant Satellites ». Avec son beat électro assurant la rythmique, ce morceau tire son épingle du jeu en proposant un équilibre assez juste entre l'approche mélodique caractéristique du groupe et son envie d’expérimenter. Pari réussi donc. L'adjonction de ces nouvelles sonorités apporte en effet une ambiance originale sans pour autant trahir l'identité du groupe. « Take Shelter », enfin, termine l'aventure musicale par une ballade planante, assez usuelle pour le groupe, mais parsemée pour l'occasion de bribes électroniques et de petits bidouillages expérimentaux.


A défaut d'être le "point culminant" de sa carrière, comme on nous l'avait annoncé, « Distant Satellite » plait et rassure. Mais il rassure autant qu'il interroge. Le groupe sait jouer de ses atouts pour combler ses fans, mais il hésite encore à se réinventer pleinement. Depuis plusieurs albums, l'ossature des morceaux se ressemble. Et si la qualité et la charge émotionnelle qui s'en dégagent nous les font aimer d'emblée (comment rester de marbre face à un tel déluge de beauté et de lignes mélodiques enivrantes ?), le subterfuge ne durera pas éternellement (quoique...). A ce titre, le triptyque final, constitué des titres « You're Not Alone », « Distant Satellites » et « Take Shelter », apporte un début de réponse. Bien que tous ne soient pas égaux. La question étant désormais de savoir si ces expérimentations augurent d'un virage stylistique à venir, ou s'il agit juste d'un simple exercice de style momentané.


Quoiqu'il en soit, quiconque possède en lui une once de spleen ou de mélancolie verra son âme vibrer à l'écoute de ce « Distant Satellites ». Même avec une recette bien connue de tous, les anglais parviennent toujours à nous émouvoir. Voilà tout le talent d'Anathema. D'un rien, ils nous ébranlent. Et rien que pour cela, le groupe est (et demeurera) en tout point remarquable.

0 Comments 28 mai 2014
Whysy

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