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Oyez, oyez, gentes dames et damoiseaux, laissez-moi en ce jour de grâce de l'an deux mille treize après le naissance de notre Seigneur vous conter la terrible légende, le conte atroce, l'histoire ignoble de la malédiction du deuxième album.

Onques qu'il marchait dans la tristement célèbre Lande des Espoirs Déçus, le Sieur Argenté laissait ses pensées voguer au gré des roseaux allongés par le vent sifflant, et soliloquait de concert. Il se remémorait cette légende pénible, dont tant de troubadours étaient victimes, car après avoir connu le succès avec un premier récital de leurs morceaux choisis, ils se voyaient refuser l'entrée des plus grandes cours d'Europe, à cause d'un deuxième récital particulièrement mou du postérieur. Ainsi les écossais de François Ferdinand, le Maure Charles Barquette, les Rois Léon, tous avaient vu la qualité de leur deuxième effort s'écrouler brutalement, et peu avaient connu la chance des célèbres Paradis, un groupe de baladins agressifs dont la deuxième tournée des salles de bals de châteaux s'était vu couronnée de succès, lançant même une mode des chausses déchirées et des cheveux crasseux sous une cotte à carreaux venue du Nouveau Monde.

Devisant gaiement avec lui-même, le Sieur Argenté pensa soudain, et une grande tristesse serra alors son cœur car il était un sire très empathique, que cette malédiction terrible devait sans doute expliquer l'écroulement de ses bons camarades, Emphatique. Se morigénant lui-même pour sa cruauté mal placée, il songea que le terme écroulement était par trop exagéré, et l'image d'un organe sexuel mâle se ramollissant après le coït lui vint à l'esprit, et celui-ci s'éclaira, car l'image était bonne : ils avaient débandé.

Là où le timbre puissant du troubadour principal, lors de leur premier récital, s'accompagnait avec fureur des mandolines et autres théorbes dont la troupe usait avec ferveur, ce nouvel effort était, bien au contraire, emprunté, mou, faible, et particulièrement moins bien construit. Le sieur Argenté avait adoré les multiples références dont Emphatique avait doté ce précédent opus, surnommé La Pieuvre dans les ruelles les plus sombres (sans doute en hommage au membre sus-cité), références parfois subtiles (Oui, Genèse) ou évidentes (Flamant Rose, Alain Pasteurs), et qui semblaient avoir disparus au profit d'une mélopée non-dénuée d'un charme hypnotisant et soporifique.

Ruelle de l'Echo, titre idéal pour un concerto d'une vacuité sans égale, n'était point désagréable à ouïr, et le Sieur argenté était ravi de s'en régaler les esgourdes à plusieurs reprises. Mais que la déception fut grande lorsque notre héros constata qu'il ne pouvait en attendre plus de ces troubadours dont le retour avait été tant espéré. Il n'y aurait point de deuxième miracle, et ses attentes allaient rester lettres mortes. « Et pourtant, tous les chemins y mènent », songea-t-il en frémissant, se remémorant le jour où La Chanson des Minions avait déchiré son hymen, musical évidemment, étant de la gent masculine il n'en était point doté, grâce à Dieu. Ce n'était point une épiphanie pour autant, et il sourit bêtement en soupçonnant qu'avec le temps, ses souvenir avaient peut-être été... amplifiés ?

Rebroussant chemin, il se décida à accorder aux jolis cœurs une deuxième opportunité de le ravir, mais point comme Sabine. Ce qui l'avait alors rebuté, déjà, c'était que les dits troubadours, ou du moins leur entourage, avaient décidé que seule la caste des conteurs aurait le privilège d'entendre leurs favoris, et cet élitisme malvenu et inopportun (et redondant) avait d'ores et déjà placé la découverte tant attendue sous des auspices fort peu favorables. Se remémorant le premier motet, les notes délicates scintillant dans l'azur éthéré d'un clair matin de printemps, le Sieur Argenté, dont les souvenirs eidétiques résonnaient à ses oreilles comme s'il avait pu trouver un moyen de les écouter sans qu'ils n'aient besoin de se trouver céans pour le divertir (quelle fantaisie !), songea qu'il avait peut-être été un peu dur avec eux, et que ce premier Matthieumousse, débutant en douceur, se terminait dans une belle ambiance quelque peu chahutée, mais pas trop, il ne faudrait pas brusquer les comtesses.

Sur La Roue, les mêmes sons de clavecin bricolés et traficotés, et encore une fois la même aisance mélodique : ah oui, pour ça, le compères d'Emphatique savaient y faire, pour sûr, ils n'étaient pas manchots. Et de même pour les motets suivants, la ritournelle continuait sans heurter quiconque, on était clairement en face d'une œuvre conçue pour ne blesser personne. Seule Où Va La Rivière se permettait de sortir du lot, offrant aux auditeurs ravis quelques moments puissants où les troubadour maltraitaient leurs instruments en usant d'éclats de métal. Mais bien vite, ils rentraient dans le rang, et ces quelques notes fredonnées, censées se répéter tout au long du récital, dans le souci, sans doute, de lui donner une cohérence, allaient rapidement donner au Sieur Argenté l'impression que l'on martelait son occiput à grands coups de Morgenstern.

Constatant avec tristesse qu'il n'avait pas grand chose à leur reprocher, hormis peut-être la tentative avortée d'imiter ses héros Grosse Bille, Calme, Niche & Jeune sur les chœurs mal exécutés de Entre Aujourd'hui et Hier, et vérifiant une fois de plus avec le motet éponyme Ruelle de l'Echo, aux évolutions parfois insignifiantes, parfois réjouissantes, que la légende avait encore frappé, le Sieur Argenté, le cœur lourd, songea qu'en plus d'avoir vu leur extrémité se ramollir sérieusement, les baladins d'Emphatique avait sans doute observé l'atrophie inquiétante de leurs gonades.

0 Comments 01 mars 2013
Whysy

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