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Prometteur, c’est l’adjectif qui collait le mieux au premier essai d’Angellore : Les Promesses de l’Aube. C’est pourquoi Rosarius et Walran, qui nous reviennent avec Elégies Aux Âmes Perdues, nouvel EP 6 titres, sont attendus au tournant par tous ceux qui n’étaient pas restés insensibles à leur doom/gothique/ambiant. Que le groupuscule de fans se rassure, Angellore n’a rien perdu de ses qualités à happer l’auditeur pour l'enlacer d’émotions toujours aussi captivantes.

Personnellement, j’ai vécu l’écoute d’Elégies aux Âmes Perdues comme une rencontre. Dès les premières secondes, Miserere Mei se révèle être une complainte, d’abord lointaine, de chœurs mystiques sur fond de clavier très atmosphérique. De plus en plus proche, jusqu’à persuader l’auditeur qu’il lui est destiné, cet appel nous mène en un lieu situé à mi-chemin entre réalité et au-delà. Là, j’ai rencontré une âme perdue. La suite de l’EP, c’est son histoire, mais aussi la mienne, la vôtre. Ce sont ses souvenirs mélancoliques qui naissent de l’écho de sa voix contre les murs de ces limbes de pierres dont elle est prisonnière. Ce sont vos pensées nostalgiques qui ressurgissent sans que vous n’y soyez préparés.

Voici tout le côté magique d’Angellore, capable de vous faire voyager et de pénétrer votre intimité. L’entrée en matière de l’opus est ainsi totalement immersive. L’auditeur, s’il est réceptif, se retrouve très vite entraîné par Elégies Aux Âmes Perdues, dont l’objectif est de ne plus le laisser s’échapper. Pour cela, de subtils mélanges, arrangements et accompagnements ont été composés. L’acoustique côtoie l’électrique, le chant se fond dans les nappes de claviers, pour un onirisme poignant et planant, particulièrement sur Dans les Vallées Eternelles et I Am the Agony. Quant aux voix black, elles sont sur les trois morceaux principaux, intrinsèques à l’esprit Angellore, tel un cerbère des ténèbres dont la funeste mission serait de museler tout espoir, d’aspirer vers le néant toute note d’optimisme qui pourrait se dégager d’Elégies aux Âmes Perdues. Les textes, chantés en anglais (et en latin sur Miserere Mei mais toujours rien en français) sont eux aussi d’une grande mélancolie.

Dommage alors, qu’avec de nombreux passages enclins aux rêveries mélancoliques, Angellore ne puisse offrir à l’auditeur un voyage total et absolu. Car l’EP de 28 minutes n’a pas pu me retenir tout du long dans cet état second. Il y a en effet des faiblesses qui fâcheusement nous réveillent au mauvais moment, alors qu’on voudrait que le rêve continue. Sur Dans les Vallées Eternelles et Freeze the Sun, les intros au piano, instrument aux multiples vertus s’il en est, ne sont pas à la hauteur ; disons qu’elles n’ont pas produit sur moi l’effet escompté, tout comme certaines lignes de chant assez abruptes sur Freeze the Sun. De même, l’interlude Lament of the Lost Soul, volontairement très épurée, n’a pu convaincre mon esprit de quoi que ce soit. Le ressenti est subjectif, mais voici là tout l’enjeu d’un titre purement ambiant, et plus largement de tout cet EP, qui repose sur l’émotion. Dés lors que la communication émotionnelle se perd, il ne reste plus grand chose pour accrocher l’auditeur, et la portée de la musique en est atteinte.

Heureusement, Angellore a mis tous les atouts de son côté pour que l’auditeur puisse, ne serait-ce que pour quelques instants, pénétrer Elégies aux Âmes Perdues. D’envoûtants leads de guitare parsèment l’EP, et sur ce point le groupe est en nets progrès par rapport à l’opus précédent. De plus, tous les instruments sont parfois amenés à cohabiter simultanément, et c’est un plaisir pour les oreilles que d’entendre ces notes de pianos, ces chœurs, ce chant black, cette guitare, cette batterie et ces nappes de claviers, le tout très bien mixé pour un enregistrement amateur. Si les interludes et débuts de chansons sont plutôt épurés, les trois titres principaux s’intensifient rapidement tout en restant très bien maîtrisés. Un chant grave et monocorde donne même une réelle dimension gothique-rock à la Freeze the Sun, tout comme un passage très lourd à la guitare sur I Am the Agony.

Voici donc un album qui certes s’écoute, mais qui surtout se vit. Comme je l’ai dit au début de la chronique, je l’ai personnellement vécu comme l'invitation à un entretien intimiste et singulier d'une entité mystique et ténébreuse, qui nous transmet ses fêlures tout en ouvrant les vôtres. Chacun vivra assurément cet EP à sa façon, le plus important étant que la musique ne laisse pas insensible. Malgré des passages moins prenants, Angellore atteint là l’objectif grâce à cette œuvre triste mais point effrayante, par laquelle la mélancolie devient la souffrance la plus vive mais la moins douloureuse. Elégies aux Âmes Perdues se termine comme il avait débuté, de la plus belle des façons. Après un I Am the Agony de génie, Le Murmure des Cœurs Blessés, beau mais bien trop court, abandonne l’auditeur avec un sentiment d’inachevé mais avec une certitude, celle que le cœur d’Angellore bat d’une éternelle et douce peine.

0 Comments 13 septembre 2009
Whysy

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