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Faut-il nécessairement innover pour trouver de la légitimité dans sa musique ? Débat récurrent qui s'invite dans la plupart des discussions pour adouber tel ou tel groupe, louer sa démarche expérimentale, apprécier son retour (toutes proportions gardées) aux racines de la musique ou bien le bouder pour honteusement appliquer les recettes du passé. Mais la réponse est toute simple : si le groupe est bon, peu importe qu'il aille chercher sa musique chez Vercingétorix, il sera apprécié à sa juste valeur.

Et puis au milieu de tout ça il y a cette mode de sonner "à l'ancienne". En effet, s'engager sur ce créneau semble lucratif et encore suffisamment peu opportuniste pour rallier les foules. Sous couvert de jouer une musique "à l'ancienne" et se défendant de toute affiliation "metal", certains groupes sont au final assimilés à la sphère metal dont le public constitue l'intégralité de leur auditoire. Loin de moi l'idée de critiquer des groupes que j'adore comme "Ghost" ou "The Devil's Blood" mais force est de reconnaître que ces groupes n'existent quasiment pas en dehors de la scène metal. Justifier son ouverture musicale avec de tels groupes tient de la mauvaise foi. Même combat avec "Shining" (les norvégiens) dont l'existence sur la scène jazz me semble un peu présomptueuse...

Mais bon, on s'écarte du sujet principal. Emprunter au passé mais le faire avec talent demeure la règle numéro 1. Et là ou des groupes pensent qu'il suffit d'appuyer sur un orge Hammond pour sonner "à l'ancienne", là où certains sous couvert d'être old-school sont aussi prog que "Jack Johnson" et là où d'autres semblent avoir honte de proposer une musique qui leur est propre en se réfugiant derrière le label "hommage au passé", quelques groupes affichent une réelle honnêteté et jouent la musique qui leur sort des tripes quitte à ce qu'elle soit influencée par les grandes références. Nobelium, groupe originaire d'Avignon dans le sud de la France est de ceux-ci.

Formation toute jeune ayant accouché d'un premier EP fort sympathique il y a deux ans de cela, Nobelium est de retour en cette fin d'année 2011 avec son premier album autoproduit, "Empty Spaces of Discord". Si leur EP montrait un groupe motivé et heureux de jouer, pratiquant un heavy speed riche en claviers et plutôt efficace, malgré une production assez brouillonne, l'album qui arrive dévoile un nouveau visage de Nobelium. Non pas que le style musical ait changé brutalement de bord, mais disons qu'il s'est affiné et élargi. "Tales From Nobelium" affichait une certaine couleur vieux rock progressif tout en envoyant par dessus des guitares tout ce qu'il y a de plus metal et ce pour chaque morceau ; "Empty Spaces of Discord" propose deux améliorations : éventail des styles abordés agrandit et un travail réalisé sur les morceaux afin de leur conférer à chacun une identité propre.

En effet, Nobelium nous convie ici à une sorte de voyage coloré dans la ville de "Nobelium" dont le concept tourne autour du temps. Un léger coup d’œil aux livrets de leur deux réalisations montre une certaine obsession pour les montres... Et par coloré nous entendons varié et divertissant. Car si la base du style de Nobelium n'a pas foncièrement évolué, des ramifications ont en revanche poussé afin de rendre l'expérience plus agréable.

Par exemple, si un titre comme Time Room joue à merveille son rôle d'opener après une intro mystérieuse (reprenant certaines paroles de l'EP) avec moult guitares et claviers rétro, ce ne sera pas là qu'il faudra aller chercher les surprises mais plutôt sur From Dusk Till Dawn et son break complètement typé jazz manouche ou un Devil's Night au rythme et sonorités flamenco. Mais toujours sous fond de heavy speed à l'ancienne. La force de Nobelium est d'ailleurs d'asseoir un style relativement efficace et "commun" et d'y ajouter de multiples touches souvent inattendues afin de surprendre l'auditeur et en général dans le bon sens. Et chaque morceau subsiste ici en proposant SA propre recette : metal rapide et rageur avec War Eyes, mid-tempo mélancolique avec un Rose Wood rappelant "Ghost" de par la voix et l'ambiance dégagées, heavy des familles pour Time Room ou encore percussions tribales chez le solennel At the Gates of Dusk. On notera aussi plusieurs vocaux growlés assurés par Adrien G. en complément d'un chant majoritairement clair dont s'occupe Adrien D. jouant aussi le rôle de guitariste. Le groupe compte d'ailleurs trois guitaristes, fait suffisamment rare pour être souligné, chacun s'occupant à tout de rôle des riffs et soli...

Volonté donc de diversifier son propos à chaque morceau en incorporant des éléments différent avec réussite. LA pépite de l'album achèvera de vous convaincre, il s'agit de l'épique The Time Has Come, affichant près de 10 minutes au compteur et synthétisant plusieurs courants musicaux à merveille. Tantôt speed à la Maiden, tantôt heavy aux choeurs épiques, tantôt doux en ne proposant qu'arpèges et soli bourrés de feeling, The Time Has Come fait preuve d'un talent de composition certain et en bluffera plus d'un avec sa partie instrumentale arrivant aux deux tiers du morceau où interviennent un twin solo majestueux ainsi qu'un solo de trompette. Oui, vous avez bien lu, une trompette vient se joindre à l'aventure et pas en tant que simple arrangement appartenant au fond sonore mais bien un véritable acteur du morceau. Pour tout vous dire, vivre ce morceau en live est une expérience assez incroyable. Il en est presque dommage que cet album affiche quelques faiblesses dans sa globalité.

Car "Empty Spaces of Discord" n'est pour autant pas parfait. Souffrant d'un production brouillonne comme son ainé mais paradoxalement très chaleureuse, cet album ne bénéficie pas d'une netteté exemplaire et les instruments ont tendance à tous se marcher dessus tandis que la batterie reste relativement en retrait, privant l'ensemble d'une certaine force de frappe qui donnerait à coup sûr une plus-value non négligeable. A ceci nous pouvons rajouter un chant clair manquant parfois de mordant et accusant un certain accent français, bien que l'on ait vu largement pire dans le milieu (faites un tour du côté de "Lost Opera" en ce qui concerne l'accent, vous ne serez pas déçus...). Non pas qu'il soit mauvais, il est globalement assez juste mais gagnerait à s'affirmer d'avantage. Après, il s'agit là de pure subjectivité, mais des morceaux comme War Eyes et Rose Wood pèchent par un côté un peu décousu et tiennent mal la comparaison avec leurs irréprochables colocataires. Si ces points ont malgré tout un certain charme et se veulent dépositaires d'une certaine authenticité, tout ceci risque de faire pencher la balance du mauvais côté chez les personnes ne jetant qu'une oreille distraite sur un album pourtant d'une forte qualité intrinsèque.

En conclusion, Nobelium est un groupe des plus méritants qui joue une musique sincère mais qui semble un peu limitée par les moyens. Le contenu de cette première livraison longue durée est en moyenne très bon mais on pourrait qualifier "Empty Spaces of Discord" d'album "mieux composé que réalisé". Alors attention, l'expression est quelque peu exagérée mais montre que le groupe a une marge de progression énorme là où d'autres ont la chance de bénéficier d'une production d'enfer mais la mettent au service d'un contenu musical pauvre. Cet aspect mis à part, "Empty Spaces of Discord" est bon, réussi et plaisant, nous montrant que l'on peut user les vieilles recettes musicales qui ont fait leur preuve tout en faisant preuve d'imagination afin de proposer son cocktail à soi. Celui ci s'appelle Nobelium et sera un nom à surveiller de très près si ces garnements se dotent d'un son à la hauteur.

Pour coller à l'actualité on dira que l'album mérite un 7/10 avec perspective positive...

0 Comments 16 décembre 2011
Whysy

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