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Perché sur un rocher battu par les vents, l’ancien observe le campement de sa tribu en contrebas. Les montagnes, parsemées par endroits d’arbres rabougris, se souviendront d’eux, seuls témoins immortels des quelques semaines que sa famille a passées dans cette vallée. Le Soleil filtrant au travers de quelques maigres nuages annonce la fin du printemps, à défaut de procurer ne serait-ce qu’une maigre chaleur. Les corbeaux murmurent d’un grand nombre d’hommes réunis au sud. Un empire d’étrangers convoite ces terres, occupées par les Helvètes depuis plusieurs générations. Bientôt viendra le temps de réunir les anciens et de tenir les rituels anciens, d’organiser la rencontre des tribus, de préparer une nation d’hommes nomades à faire front commun. Soupirant, l’ancien prépare sa cornemuse, et avec nostalgie, entame Otherworld… Eluveitie est devenu en quelques années un nom marquant dans le milieu du Métal folklorique. Issue des racines celtiques de la Suisse, l’identité musicale du groupe s’est rapidement démarquée dans un monde de groupes plus souvent axés sur les cultures nordiques. La forte présence d’un éventail d’instruments celtiques suivant des structures musicales traditionnelles permet rapidement au groupe de se démarquer. Ainsi, après un EP (Ven) et un premier album réussi (Spirit), Eluveitie voit sa popularité exploser avec la sortie en 2008 de Slania, album puissant et mélodique, séparé en quatre saisons marquées chacune par une pièce acoustique qui permet d’exposer une autre face du groupe. Eluveitie s’avère capable de jouer des pièces acoustiques et fortement folkloriques, symbole de la symbiose complète entre métal extrême moderne et musique traditionnelle celtique. Evocation I : The Arcane Dominion, album Folk entièrement acoustique et aux influences métal très tempérées, expose en 2009 la dualité du groupe et prouve leur réussite en tant que musiciens folkloriques.  Cet Evocation I, apprécié par les adeptes de musique folklorique, avait déçu beaucoup de fans par son manque d’éléments métal. Moins d’un an plus tard, les prolifiques suisses annoncent la parution de leur quatrième album, qu’ils qualifieront eux-mêmes comme étant leur ouvrage le plus Métal à ce jour. Everything Remains (As it Never Was) respecte leurs promesses avec un retour à un métal extrême très lourd soutenu par une gamme d’instruments traditionnels. La ressemblance avec Slania est frappante, les pièces sont construites sur des thématiques relatives à la vie des Celtes helvètes, à des faits historiques comme la conquête romaine. Les rythmiques et les riffs sont encore très efficaces et incisifs et la guitare fait preuve d’une technique encore plus aboutie, dans la place qu’elle prend ou laisse aux instruments traditionnels. C’est ici que réside la force brute d’Eluveitie : Dans cette capacité à intégrer les structures musicales traditionnelles (Jigs, Reels) aux riffs et rythmiques Métal pour un résultat à la fois très mélodique et très puissant.  Pourtant, le concept de ce nouvel album ne s'avère pas aussi abouti que celui de Slania. Alors que les quatre saisons celtes permettaient un découpage de l’album, l’évolution de la musique au fil d’Everything Remains se veut plus homogène. L’ordre des pièces ne semble pas suivre un ordre aussi logique. Par chance, les pièces acoustiques sont encore présentes et permettent de tempérer l’album. Isara est habitée par des flûtes et Whistles enjoués, développant une ambiance profonde et mystique qui rappelle Evocation I. Setlon suit aussi cette construction, cette absence de distorsions et de chants, cette prépondérance des instruments à vent. Le groupe s’est d’ailleurs adjoint les services d’un joueur de Uileann Pipes (Cornemuse irlandaise) que l’on peut entendre sur cette excellente intro, Otherworld, sur laquelle la cornemuse se voit amplifiée par un ensemble de violons classiques pour un effet profond, épique et cinématographique. Pourtant, ces intermèdes instrumentaux ne parviennent pas à baliser l’album comme ils l’avaient fait sur Slania, et au fil de l’écoute d’un album relativement identique en terme de composition, un constat s’impose. Everything Remains veut être la suite de Slania, mais semble plus homogène et moins original. Kingdoms Come Undone rappelle d’ailleurs beaucoup Bloodstained ground, avec ses rythmiques death très rapides et l’exclusivité des guitares sur les couplets, amplifiant l’arrivée des whistles sur les refrains.  Pourtant, il est indéniable que dans ce qu’ils font, Eluveitie s’améliore. Le mixage est encore plus avantageux qu’avant, les instrumentations celtiques et la base métal sont toujours, lorsque présentes en même temps, parfaitement audibles et laissent toujours une place judicieuse à l’autre. Chrigel, Meri, Anna et Päde maîtrisent bien leurs instruments, et les flûtes irlandaises (flûte traversière en bois, sans clés) et Whistles (petite flûte aiguë, qui ressemble à une flûte à bec) semblent plus présents qu’avant. Le violon et l’Hurdy-Gurdy conservent toutefois leur place, les mélodies étant souvent développées à l’aide d’un plus grand nombre d’instruments, avantage certain d’un mixage très bien réalisé. Encore une fois, on pourra reconnaître certains airs traditionnels (Nil) alors que certains pourraient bien être des compositions originales. Les instrumentations prennent des places changeantes au sein des pièces, et assureront parfois le front de la mélodie ou se relégueront à l’accompagnement ou aux ponts entre couplets et refrains. Le chant crié de Chrigel gagne avec le temps en technique et en tessiture, et ces variations de ton contribuent à rendre le style de chant extrême plus facile à intégrer. Comme à l’habitude, les dames du groupe ont aussi place au chant sur certains passages, et Anna s’essaiera même sur l’originale Quoth the Ravenqueen à un growl suivant un passage narratif.  Ce quatrième album d’Eluveitie se veut donc un retour de l’interlude folk du précédent album vers le style musical d’où ils tiennent leur popularité actuelle. La grande majorité des pièces, si elles demeurent efficaces, puissantes et mélodiques, manquent à la longue d’identité, et l’album s’essouffle à la longue. Évolution il y a eu en termes de perfectionnement des instrumentations, mais peu en ce qui a trait à l’écriture des pièces. Le potentiel mystique et émotif porté par ces pièces est certainement beaucoup moins présent, à l’exception des pièces acoustiques et de Lugdunon, qui clôture l’album de belle manière, avec son air nostalgique, ses chants féminins et son cœur de chants masculins tribaux, chose encore jamais entendue chez le groupe et qui s’avère très appréciée. Une chose est sure, Everything Remains (As it Never Was) ne se veut pas une grande évolution dans la carrière d’Eluveitie, même s’il présente de belles qualités et fera plaisir à beaucoup de fans. Il se mérite donc une note légèrement plus basse que Slania.

0 Comments 21 janvier 2010
Whysy

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