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Il en va des super-groupes comme des sandwiches Subway. A force de trop charger la dose en éléments goûteux, on risque d'être déçu si le produit final refuse d'obéir à la proportionnalité supposée de son contenu. Si récemment des groupes comme Unisonic, Black Country Communion, Transatlantic, The Raconteurs, Them Crooked Vultures, Bloodbath, Headcat ou Chickenfoot ont réussi à nous enchanter, nous n'irons pas forcément hurler de bonheur devant feu Symfonia ou Doctor Midnight & The Mercy Cult et encore devant Empyr. Tout ça pour dire que c'est un peu la loterie. Ça passe ou ça casse. Problèmes d'ego inhibant tout ambition musicale voire faisant capoter les projets, incapacité à trouver une alchimie, les raisons aux déconvenues qu'apportent certains de ces projets pourtant gagnants sur le papier sont nombreuses. Dans le cas de Flying Colors, cela aurait pu se terminer en haut de boudin. Réunis via sollicitation du producteur Bill Evans, les deux Morse Neil et Steve (bien qu'ils ne soient pas de la même famille) sont allés chercher des amis pour former un line-up décent et monter le projet Flying Colors. C'est ainsi que Dave LaRue, bassiste de Steve au sein de "Dixie Dregs" et Mike Portnoy, batteur de Neil pour nombre de ses projets solo ont intégré la bande, complétée ensuite par le chanteur pop Casey McPherson sorti un peu de nulle part. Sachant que la première rencontre entre tous les membres coïncida avec leur premier jour de studio, chacun ayant des emplois du temps tellement chargés que seuls neuf jours de studio purent être réservés, les chances que tout se casse la gueule étaient plutôt élevées. Et pourtant.

Donc si vous suivez bien, cet album a été composé en seulement neuf jours, si l'on met de côté le fait que les deux Morse possédaient au préalable quelques ébauches pour trois ou quatre morceaux. Performance impressionnante, mais le résultat est-il à la hauteur ? Et bien nous pouvons répondre oui, mille fois oui !

Car la condition pour que cet album soit réussi ou du moins pas un échec avec un laps de temps aussi court était que le courant passe entre les musiciens et qu'ils ne perdent pas inutilement leur temps à tergiverser sur la ligne à suivre. Et bien en ce qui concerne l'ambiance, transparaît de cet album éponyme un bonheur de jeu incroyable, chacun semblant pleinement épanoui et s'en donnant à cœur joie tout du long des onze morceaux qui jalonnent ce premier effort. Quant à la ligne directrice, elle se veut cosmopolite, variée, allant du rock progressif aux ballades en passant par du rock moderne, du metal ou encore des pièces délicieusement pop. Le groupe ayant eu peu de temps pour se concerter et ayant laissé parler leur cœur, on retrouve dans ce "Flying Colors" des influences venues de toutes parts, Muse, Supertramp, Cat Stevens ou encore Coldplay. A vrai dire, aucun morceau ne ressemble à un autre, Flying Colors prenant soin de ne pas s'enfermer dans un style précis et exploitant tout le potentiel de ses musiciens selon les morceaux.

Ainsi Neal Morse restera plutôt en retrait mais se voudra incisif à chaque intervention tandis que Steve Morse éclaboussera chaque morceau de son feeling et de sa technicité. Et si il se veut discret sur Love is What I'm Waiting For ou Fool in my Heart, on retrouvera un Portnoy déchainé sur les morceaux les plus rentre-dedans, le très Muse-esque et excellent Shoulda Coulda Woulda et le furieux All Falls Down, tous deux voyant Steve Morse sortir des riffs acérés que nous n'avions pas l'habitude d'entendre chez "Deep Purple". D'ailleurs, le bonhomme reste égal à lui-même, dégainant des soli magistraux avec le son que nous lui connaissons (All Falls Down mérite à ce titre la palme du morceau épique de la galette, bien que très court). D'autant plus qu'il est ici secondé à la guitare par Casey McPherson qui tient donc le manche et le micro, inondant l'album sa douce voix, rappelant par moments Matthew Bellamy ou Anthony Kiedis. Œuvrant donc dans un registre très peu agressif, il sublime des morceaux tels que le bijou Kayla, très rock et mettant en valeur la section rythmique, le très sucré mais superbe Love is What I'm Waiting For (et ce solo de Steve Morse, ce solo, arrrggggggggggggg) ou encore le magnifique et mélancolique Everything Changes qui tirera des larmes à un paquet d'auditeurs.

Car s'il est une chose que le groupe a indéniablement réussi, c'est trouver des mélodies simples mais touchantes, des refrains qui restent en tête et des structures efficaces. L'avantage de leur contrainte de temps est cette spontanéité, ce fourmillement d'idées que l'on sent sincères et pas forcément mûrement réfléchies pendant des mois. Certains regretteront l’hétérogénéité qu'il s'en dégage, d'autres loueront le vaste paysage musical offert, passant de la douce ballade Better than Walking au rock prog de Forever in a Daze à la pièce fleuve Infinite Fire, sorte de défouloir où chacun a le droit à son moment de bravoure. Et si au final les morceaux "typiquement prog" tels que Blue Ocean, The Storm, Forefever in a Daze et Infinite Fire sont ceux offrant le moins de surprises et venant surtout jouer le rôle de morceaux catalyseurs, ce sont les pièces les moins évidentes qui viennent occuper les spotlights, marquant des points par leur simplicité et leur capacité à émouvoir.

A vrai dire, cet album n'est pas vraiment ce à quoi nous pouvions nous attendre lorsque fut annoncée une collaboration entre Portnoy et les deux Morse mais il vient à point nommé comme un bonbon sur la langue, fondant, agréable et surprenant. Un album sublime et réjouissant, témoin d'un groupe qui s'est entendu à merveille et dont les membres se sont contentés de faire ce qu'ils savent faire de mieux, c'est-à-dire de la musique, tout simplement. En définitive, "Flying Colors" est une merveille, qui certes ne plaira pas forcément à Varg Vikernes et aux allergiques au sucre, mais qui saura toucher une bonne frange du public metaleux ainsi que des personnes non initiées dont l'expérience la plus extrême reste "Highway To Hell" d'AC/DC.

L'album qu'aurait pu sortir "Dream Theater" ? Pourquoi pas.

0 Comments 08 mai 2012
Whysy

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