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Légendes de la scène «gothic metal», la séparation des norvégiens de Theatre of Tragedy n'aura pourtant pas fait couler beaucoup d'encres. Des larmes peut-être, mais leur adieu plutôt bref n'aura pas autant ému qu'à une certaine époque. En effet, depuis l'éviction de Liv Kristine, les norvégiens n'ont pas su émoustiller les foules malgré la présence de Nell Sigland comme remplaçante. Alors c'est un dernier album, «Forever is the World» qui nous est laissé en guise de cadeau d'adieu, même si, certes, il est paru avant la fin du groupe, mais ce sera donc le dernier opus. C'est assez triste quand on y repense.

Souvenez vous... Une si belle carrière pourtant, avec un «Velvet Darkness they Fear» et un «Aégis» considérés par beaucoup de fans du style comme des chefs d'oeuvres, et ce à juste propos, n'oublions pas qu'avec leur premier jet «Theatre of Tragedy» l'une des toutes premières pierres d'un édifice, à une époque en construction, à été posé.

Voilà donc une oeuvre à juger … «Forever is the World», deuxième (et dernier) album de Theatre of Tragedy avec la douce Nell. Et surtout, lors de la sortie du brûlot en 2009, il fallait redresser la barre du plutôt mauvais «Storm», qui ne comprenait aucun morceau de qualité mis à part le titre éponyme, et la voix masculine de Raymond, très présent avec sa voix claire, il était plus dispensable que désiré ! Son chant ne permettait pas aux compositions de s'envoler et de posséder quelque chose de spécial. Pire, elle donnait irrémédiablement envie de sauter le morceau que l'on écoute pour passer au suivant, et chaque moment d'absence était une bénédiction.

Dans le nouvel album, c'est tout à fait différent, et tant mieux. Oubliez Raymond, il n'est que moins présent, et lorsqu'il intervient, c'est de manière moins irritante que par le passé, plus raisonnable, comme avec des grunts sur «Hide and Seek», morceau qui renvoi à la période sombre de Theatre of Tragedy, celle des premières pièces brillantes et innovantes à leur époque, et c'est pour cela qu'il est le meilleur des 10. Mais bon, le chanteur est fatiguant lorsqu'il envahit les morceaux, gâchant littéralement «Astray» qui aurait été meilleure sans lui et son phrasé franchement ignoble. Nell s'en sort très bien, avec un timbre toujours aussi beau, enchanteur, délicat et subtil, une voix sucrée et fine, douce, femme enfant. Pleine d'émotion qu'elle transmet sur la sublime ballade «Illusions», la chanteuse de The Crest (son second groupe) prouve qu'elle est capable de remplacer la tant regrettée Liv, et que finalement, les die-hard-fans ne s'attachaient qu'à la blonde et non aux cinq autres membres.

L'album lui-même, s'il ne prendra pas la même direction musicale que «Hide and Seek», se relèvera dans la même ambiance, à savoir des tons glacés, sombres, là où la nuit reprend ses droits. Mais, de ce fait, quelques intrusions rock comme «Deadland» feront un peu cheveu sur la soupe, d'autant plus que le titre en question n'est pas très bon : trop poussif, un clavier présent à trop grande quantité alors qu'il est plus convenable au moment de créer un univers, et surtout, une trop grande lorgnette sur la pop à plusieurs reprises. On est ici très loin des surprenants «Frozen», qui donne tout dans le calme et la beauté, et «Hollow» qui traîne un peu la patte mais qui se fait pardonner immédiatement une fois le refrain chanté par la belle Nell.

Pas de doute, Theatre of Tragedy a changé et ne propose plus la même chose que sur les brûlots qui précèdent. Les trips electro de «Musique» et «Assembly» ne sont plus, quoique «Deadland» en est une courte réminiscence. Et globalement, ce sera des mid-tempo que les norvégiens vont offrir sur un plateau d'argent, un choix parfois quelque peu préjudiciable, car après «A Nine Days Wonder», on peut tomber dans l'ennui, notamment avec les mauvaises «Revolution» et «Transition» qui baissent un peu le niveau.

En fait, l'opus est quelque peu inégale, et le passable/dispensable est présent à côté de l'incontournable. Au rayon des conseils, attardez vous plutôt sur «Frozen», «Hide and Seek», «Forever is the World», «A Nine Days Wonder», «Hollow» et «Illusions», car elles révèlent tout le potentiel créatif de Theatre of Tragedy. Pour ceux qui croyaient le combo totalement mort et enterré après la cruelle désillusion de «Storm» qui plaçait un pied dans la tombe, l'écoute de ces pistes aura vite fait de rassurer sur la capacité à se ressaisir des six scandinaves.

Malgré tout, on peut se demander parfois si l'on a toujours à faire à un groupe de metal, tant une bonne partie des morceaux qui défileront sont paisibles, calmes, atmosphériques, et ne possèdent plus l'aura noire et malsaine qui planait sur les premiers chefs d'oeuvres, voir même parfois sur la mouture précédente, qui conservait néanmoins ses touches metal avec une belle présence des guitares, reléguées ici au second plan, au profit du chant cristallin et doux de Nell, ainsi que du clavier de Lorentz Aspen. Un malin, celui-là, car il s'amuse à égrainer toutes sortes d'ambiances, qui influent sur les émotions et, avec un son clair et propre (ce qui change de «Velvet Darkess They Fear»), arrive à recréer une diversité qui ne saute pas forcément à l'oreille aux premières écoutes. C'est plutôt avec ses propres sensations qu'on peut la percevoir, il faut donc avoir un minimum de concentration une fois «Forever is the World» lancé.

Dernier album d'une longue série marquée de haut et de bas mais qui restera gravée dans un coin de la mémoire collective du metal gothique, ce pionnier, ce géant qu'est Theatre of Tragedy, qui va manquer autant qu'il a marqué, livre avec «Forever is the World» une belle oeuvre finale, un rock/metal atmosphérique irrésistible et plein de charme, et même les morceaux les moins convaincants restent tout à fait écoutables, preuve d'un don de créativité qui n'a pas été perdue, après une carrière de presque 20 ans, et 7 albums, qui sont à écouter, que ce soit avec ou sans Liv Kristine, et nous voici curieux de savoir ce qui va advenir de Nell Sigland, talentueuse malgré tout. La fin d'une ère, le chemin qui s'arrête, ovation et remerciements à un groupe qui aura réussi à imposer et à créer son univers. Un grand qui s'en va la tête haute.

0 Comments 19 avril 2011
Whysy

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