Vous recherchez quelque chose ?

Que d’appréhensions, que d’attentes, que de craintes à l’écoute de ce cinquième opus d’Arkona ! Fort de sa récente signature chez Napalm Records et d’une reconnaissance montante dans nos contrées, le quatuor russe a décidé de mettre les petits plats dans les grands et de nous présenter son album le plus ambitieux à ce jour. Les déclarations du groupe et du label vont en ce sens, et les quelques extraits vidéo qui filtrent de leur studio excitent notre impatience comme jamais auparavant.


Illustré une nouvelle fois de main de mettre par Kris Verwimp, l’artwork suggère un univers de référence proche de l’album précédent : rites nocturnes et célébrations ancestrales en l’honneur de Rod, père de l’univers dans la mythologie slave. Seulement, sur la forme, les changements s’avèrent légion : sur « Goi, Rode, Goi! », les invités sont nombreux, les textes très recherchés, les morceaux affichent une durée moyenne de 6 minutes chacun… Mais qu’en est-il de la musique ? Et bien, amis lecteurs, sachez que cet album est à la fois un pot pourri de la carrière d’Arkona, et un formidable bond en avant au niveau des orchestrations et de la complexité de composition. Le groupe a clairement changé de catégorie avec cet opus : il est désormais proprement incontournable. Même les fans du précédent risquent d’être légèrement déboussolés…

Desservi par une production magistrale, qui, par effet de comparaison, relègue carrément les trois premiers albums de la formation au rang de démos, le combo russe pioche dans son passé pour écrire un recueil amené à rester dans les mémoires comme une référence du genre. Depuis le break de « Na Moey Zemle » qui renvoie directement à « Vozrozdhenie » avec ses parties de claviers endiablées soutenues par les blasts de batterie, en passant par l’enthousiasme délirant de « Yarilo », rappelant les couleurs plus festives de « Vo Slavu Velikim! » et la rythmique humppa et le refrain de « Pamiat », qui s’inscrivent dans la droite lignée de « Lepta », on peut dire que Masha, leadeur toujours aussi dynamique et talentueuse, sait aller de l’avant sans renier le moins du monde son glorieux passé.

« Goi, Rode, Goi! » est un album très long à assimiler, d’une profondeur incroyable, qui utilise des moyens d’expressions particulièrement variés, mais qui sait aussi faire preuve d’une puissance et d’une efficacité redoutable si l’on choisit de s’y immerger complètement. Devant une telle profusion de richesses et d’arguments de poids, l’analyse devient particulièrement ardue... Bien sûr, la formule de fond n’a pas tant changé : Arkona mixe toujours dans sa grande marmite interludes mystiques aux relents shamaniques (« Kupalets »), passages folkloriques joyeux, alliés à des parties Metal très fouillées, tenant aussi bien du heavy et du thrash que du black. Et pourtant… le goût n’a jamais paru aussi épicé !

Première évolution d’importance : l’arrivée massive d’instruments à vent dans la musique du groupe. En effet, un quintet à cordes fait partie de la longue liste des invités. Écoutez-moi la conclusion de « V Tsepiakh Drevney Tainy » ou ce break majestueux dans « Liki Bessmertnykh Bogov » ! Quelle mélancolie ! Le chant quelque peu théâtral de Masha contribue à faire de ce morceau l’une des surprises de cet album. Autre fait à noter : la présence en quatrième place d’une pièce épique magistrale telle que vous n’en avez jamais entendu encore. Un Pagan Metal opéra répondant au doux nom de « Na Moey Zemle », ce qui signifie en gros « sur ma terre natale ».

Pour enregistrer ce titre, Masha a fait appel à des acteurs majeurs de la scène Pagan Metal ; ainsi, pour présenter le voyage d’un guerrier qui décide de faire le tour de l’Europe et qui découvre les coutumes et les modes de vie de ses voisins, la belle blonde s’entoure d’artistes de référence. Heiko Grull de Menhir représentera l’Allemagne, le chanteur d’Heidevolk la Hollande, le chanteur de Manegarm la Suède, etc. Tous viendront prêter main forte à Masha, le plus souvent dans leur langue natale, pour dépeindre un voyage riche en rebondissement, d’une réelle majesté. A la lente introduction parsemée de violons délicats et très atmosphériques succède le break « à-la-Vozrozdhenie » dont je vous parlais plus haut, et puis les invités font leur entrée… Et les exploits se succèdent. Mention spéciale à chaque intervention d’Heiko de Menhir, que l’on jubile d’entendre dans un ouvrage si bien produit, et où il peut donner toute la mesure de son talent. Magnifique performance de sa part… comme de la part de chaque acteur, d’ailleurs. Cette pièce est si ébouriffante qu’elle en éclipserait presque le reste de l’opus ! La seule chose qu’il manque selon moi à cet hymne pour atteindre l’immense statut auquel il pourrait prétendre, c’est un thème récurrent fort, une mélodie accrocheuse que l’on pourrait fredonner. Au contraire, le groupe se la joue progressif, varie continuellement les tempos, et se fait fourre-tout jusqu’à nous perdre.

Car voici selon moi l’unique point faible de ce majestueux album : Arkona n’a jamais été reconnu pour la simplicité de ses structures ; ici, c’est plus vrai que jamais... Raison de plus pour savourer comme il se doit le tonitruant départ de l’album : « Goi, Rode, Goi! », malgré son étrange break de guitare « moderne » et sa relative complexité, possède un refrain et un riff principal excellent, assez accrocheur. Quant à « Yarilo », malheureusement placée en septième position, il s’agit d’un morceau court et festif à souhait, où Masha joue de l’équilibre entre son chant extrême et sa voix claire, atteignant des sommets dans ces deux catégories, ici comme pour l’ensemble de l’album. Mention spéciale aussi à ses musiciens : la basse et la batterie se font mieux entendre que par le passé, et nous régalent de parties gorgés d’un grand feeling.


Bref, qu’est-ce au final que « Goi, Rode, Goi! » ? Un mastodonte, une super production, une bande originale hollywoodienne, un monument érigé à la gloire du Pagan Metal. Des chœurs, des parties orchestrales, des introductions rentre-dedans (« Kolo Navi ») ou atmosphériques soignées comme jamais. Et, nouveauté d’importance, des claviers, des violons, des choristes et invités de renom à la pelle. Nos russes préférés n’en aurait-ils pas trop fait ? Peut-être… D’où ce 8/10, témoignant à la fois de l’énorme qualité de l’ouvrage, et de mon regret de ne pas y voir le groupe, à l’évidence désireux de trop en faire, atteindre l’équilibre de l’excellence.


Gounouman

0 Comments 26 novembre 2009
Whysy

Whysy

Read more posts by this author.

 
Comments powered by Disqus