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Lorsque Gothic sort en 1991, personne ne s’attend à un tel changement. Il faut dire que Lost Paradise, sorti seulement un an auparavant, était beaucoup trop abrupte et noir pour qu’on puisse parier un penny sur l’épanouissement musical aussi rapide du jeune groupe anglais. Et malgré le temps de gestation finalement très court entre les deux opus, Paradise Lost va surprendre tout le monde en montrant un tout autre visage.

Si Paradise Lost a évolué musicalement, on ne peut cependant pas en dire autant de la production. On note certes un léger mieux par rapport à Lost Paradise, mais l’ensemble reste quand même très faible. Ce qui donnait du cachet à son prédécesseur (le son underground correspondait assez bien à l’esprit très sombre de l’album) devient ici un handicap majeur et une bride dont les anglais ne vont pas arriver à se défaire.

C’est d’autant plus dommageable car musicalement, quel changement !! Le premier point qu’il me semble important de mettre en lumière, c’est cette nouvelle dimension que prennent les guitares : messagères de la désolation et de la noirceur sur l’album précédent, elles deviennent ici beaucoup plus lumineuses, les anglais n’hésitant pas à jouer dans les aigus, avec un son très particulier qui hypnotise l’auditeur. La superposition de la guitare lead et des riffs plus lourds, innovation chez Paradise Lost, est une franche réussite sur des morceaux comme Gothic, Shattered ou encore The Painless.

Certains refrains deviennent accrocheurs, presque obsédants, chose inimaginable auparavant. Vocalement, Nick Holmes gagne assez nettement en assurance, son chant death devient plus consistant sur toute la durée de l’album, mais on sent encore qu’il tâtonne, parfois avec maladresse, pour trouver son style. Le tout reste très perfectible, et les anglais semblent l’avoir compris en intégrant d’une part des vocaux clairs, très théâtraux, et surtout une voix féminine lyrique, assurée par Sarah Marrion, qui apporte un peu plus de clarté. En regardant plus loin, Paradise Lost par ce biais cherche à créer des atmosphères, avec des touches gothiques contemplatives et un effort de construction évident, la démarche est évidemment nouvelle mais très prometteuse.

Démarche novatrice mais qui, sur l’ensemble de l’album, souffre de défauts qui pénalisent fortement Gothic. Si des titres comme Gothic, The Painless ou encore l’oppressante Desolate qui clôt l’album tirent leur épingle du jeu, tout le cœur de l’album retombe dans les travers bruitistes et incohérents du prédécesseur. Paradise Lost piétine, certains titres sont vraiment poussifs, hésitants, et viennent briser la belle dynamique qui s’était enclenchée avec les trois premiers et deux derniers titres. Cela confirme en tout cas que les anglais manquent encore de constance et qu’ils doivent mûrir un peu plus leur style et leurs idées pour voir plus loin.

J’aurais volontiers crié au chef d’œuvre si cet album n’avait pu se résumer qu’au seul titre Gothic. Malheureusement, les anglais ont la fâcheuse manie de s’éparpiller, d’alterner le très bon et le moyen sur ce Gothic qui finalement manque de consistance et surtout d’une production correcte. Cela dit, je reste bluffé par les progrès que le groupe a pu faire en un an seulement, en terme de maturité musicale et de finesse d’interprétation. On entrevoit ainsi encore un peu mieux la brèche qui avait été ouverte sur Lost Paradise : le doom n’est plus une fin en soi et le groupe n’hésite plus à intégrer des éléments extérieurs, du vocal lyrique féminin aux rythmiques heavy, et s’affranchit donc encore un peu plus de son socle musical originel. Le potentiel de Paradise Lost apparaît énorme au travers d’une partie de Gothic, reste maintenant aux anglais à se défaire de leurs dernières entraves et de nous montrer de quoi ils sont vraiment capables.

0 Comments 30 mars 2007
Whysy

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