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A l’image de la pochette de l’album aux accents très lovecraftiens – l’artwork a été réalisé par Fursy Teyssier, leader du groupe Les Discrets, qui a également travaillé sur celui du dernier album d’Alcest, Ecailles de lune – les Ukrainiens de Drudkh ont toujours su se nimber d’une aura de mystère tout au long de leurs huit années d’existence. Leur credo ? L’absence d’exposition médiatique : le groupe ne s’est jamais produit en concert et n’a réalisé aucune interview ni photographie durant sa carrière. Et mis à part un myspace, créé peu après leur adhésion en 2008 au label français – cocorico ! – Season of Mist, le groupe ne dispose d’aucun site web. Et ne comptez pas sur lui pour trouver dans les livrets d’albums les paroles de leurs chansons. Ces nombreuses zones d’ombre autour du combo ont ainsi nourri les rumeurs, lesquelles précisaient que les Ukrainiens avaient en fait adhéré à la scène NSBM – black metal national-socialiste –, propos démentis par le leader et guitariste du groupe, à savoir Roman Saenko – sur le tard, il faut le reconnaître, le bonhomme étant plutôt avare en paroles –.

Avec pas moins de huit albums à leur actif – un par année, en somme – Drudkh a largement réussi a se faire un nom au sein de la scène black metal. Fièrement attachés à leurs racines, les membres du groupe se sont évertués à transmettre par le biais de leur musique leur attachement à la nature – et plus particulièrement à la forêt, Drudkh signifiant « bois » en sanskrit – aux récits mythologiques slaves et à la poésie – les paroles étant inspirées des travaux de plusieurs poètes ukrainiens – ceci à travers des mélodies poignantes fortes d’une mélancolie sous-jacente et un soucis constant d’instaurer une atmosphère sombre et malsaine – en cela aidé par le chant black de Thurios – pour former au final un tout terriblement attachant.

Le groupe, qui se compose aujourd’hui de quatre membres, nous avait laissé en 2009 avec un album – Microcosmos – certes très agréable à l’écoute mais tellement convenu, aux mélodies ressassées et manquant cruellement d’originalité, qu’il n’en fallait pas plus pour craindre une descente aux enfers. C’était parlé bien trop vite, car avec leur dernier-né, Drudkh semble vouloir se chercher et adopter une nouvelle approche dans l’expression de leur musique. Alors on ne va pas s’en plaindre et se laisser emporter par les six morceaux qui composent ce nouvel album. En ce qui concerne la structure de la galette, ce n’est pas nouveau, l’on a droit à une intro et une outro somme toute assez classiques, très éphémères – à peine plus d’une minute chacune – et d’un minimalisme certain.

Mais on ne tarde pas à entrer dans le vif du sujet à l’écoute de Downfall of the Epoch, une pièce tout simplement remarquable – l’entrée en matière est d’une efficacité impressionnante – qui, comme son nom l’indique, signe la fin d’une époque. Pour les fans suivant le groupe depuis leurs débuts, il y a de quoi être déstabilisé. Avons-nous toujours affaire à un groupe de black metal ? Les Ukrainiens auraient-ils cédé aux sirènes de la nouveauté en axant leur musique sur un mélange subtil entre shoegaze et post-rock comme peuvent le faire aujourd’hui des groupes tels qu’Alcest ou Lantlôs, pour ne citer qu’eux ?

En effet, mis à part le chant torturé de Thurios, qui, au demeurant, n’a jamais été aussi bon que sur cet album, le groupe se détourne franchement de ses anciennes productions pour adopter un son plus propre, loin des standards du black metal, à la production soignée. La preuve avec des guitares électriques au son bien plus clair laissant de côté les guitares lourdes saturées de distorsion qui ont fait la marque du groupe. Les lignes de basse sont distinctes comme sur l’excellente Towards the Light et la batterie toujours aussi accrocheuse alternant les tempos calmes et plus rapides. Le chant extrême est une fois de plus utilisé avec parcimonie laissant la part belle à de longues plages instrumentales. Une violence contenue donc, que je qualifierai de « raffinée ».

L’atmosphère n’a pas changé pour autant. Drudkh ne fait ici aucune concession. Les compositions transpirent la tristesse et la mélancolie mais ne sont pas pour autant synonymes de désespoir – Towards the Light et The Day Will Come en sont bien la preuve –. On n’échappe pas non plus à de très bons solos, quoiqu’un peu courts. Ne boudons pas pour autant notre plaisir à leur écoute, notamment celui de Twilight Aureole et son final expérimental bienvenu.

Alors oui, l’évolution prise par le groupe ne plaira pas à tout le monde notamment à ceux qui restent farouchement attachés aux valeurs du black metal. Mais Drudkh commençait à prendre du plomb dans l’aile à force de rester ancré dans le même style et il était urgent pour eux de réagir, de proposer de nouvelles choses. Roman Saenko a ainsi réussi son pari et nous a démontré qu’il avait encore des idées à revendre. Pas de métamorphose cependant, mais un simple vent de fraîcheur. Et c'est déjà assez bien. Bien que l’album soit un cran en dessous de leurs précédents productions – je pense par exemple au mythique Blood in our Wells et à l’excellent Estrangement, deux albums aux riffs plus inspirés – je dis oui, mille fois oui au nouveau tournant emprunté par les Ukrainiens.

Tout ça pour dire que l’on attend impatiemment l’année prochaine...

8/10.

0 Comments 24 septembre 2010
Whysy

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