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Et puis ce fut la chute. Le piédestal que j’avais forgé au fil du temps et des albums à Paradise Lost, qui quoi qu’on en dise aura donné ses lettres de noblesse au métal gothique dans son sens large, venait de voler en éclat. Car au sortir de la première écoute de In Requiem, la nouvelle offrande des anglais, c’est bien la déception et l’incompréhension qui régnaient. Rien, rien de fort ne ressortait de cet album, si ce n’est les refrains d’un ou deux titres, maigres vestiges d’une époque beaucoup plus enthousiasmante. Je ne pouvais croire au déclin aussi rapide d’un tel monstre sacré du métal, et sur ce point mon intuition ne me trompait pas.

En fait, l’erreur à ne pas commettre avec In Requiem serait de trop chercher les parallèles avec Paradise Lost, l’album éponyme sorti en 2005. Le processus est naturel, mais il est ici inapproprié, car les anglais ont visiblement décidé de changer, une nouvelle fois, la donne. Les mélodies « faciles » et euphorisantes de Paradise Lost (l’album !) laissent la place à quelque chose de beaucoup plus torturé et noir, symbolisé par quelques grandes tendances.

Clairement, Paradise Lost a décidé de durcir le ton : les guitares, désaccordées vers les graves, imposent des riffs d’une puissance et d’une lourdeur terribles, une place d’honneur est redonnée à la basse et à la batterie dans la section rythmique, très dense et mécanique… Et puis, on se rend compte petit à petit que les anglais retournent à leurs premiers amours doom, en nous proposant certaines intros, refrains ou couplets d’une lenteur caractéristique. A ce titre, le morceau Praise Lamented Shade est une belle réussite : martial, puissant, rampant, théâtral, on y retrouve notamment un Nick Holmes (chant) plein de hargne, de maîtrise et de sang froid.

Avec de la persévérance et de la patience, ce In Requiem délivre peu à peu sa personnalité : d’un côté un visage noir, torturé, d’une tristesse accablante, et de l’autre un visage plus humain, mis en lumière par ces petits riffs aigus et acides et surtout les parties claviers très aériennes, qui contrebalancent avec beaucoup de finesse la rythmique asphyxiante imposée par les musiciens. Au fil des écoutes, l’album s’ouvre et devient plus puissant, grandiose, presque dévorant par certains aspects. Le déluge symphonique de Fallen Children, la percussion de The Enemy, la cavalcade guerrière de Prelude To Descent, la variété de tons est impressionnante.

Les anglais se sont clairement remis en question avec In Requiem : évitant avec beaucoup d’habileté le piège de la facilité et de la linéarité, dans lequel ils étaient plus ou moins tombés avec leur album précédent, ce nouvel opus est très soigné au niveau de sa construction, de sa production également. Il reprend des idées anciennes en y incorporant des sonorités modernes, preuve de la grande maturité du groupe, et reste très cohérent d’un bout à l’autre (même la cover, magnifique, est un détail de poids dans la logique de l’album).

Hormis les deux premières chansons dont je n’arrive toujours pas à saisir l’essence, on peut dire que Paradise Lost a replongé avec beaucoup d’à propos et de talent dans les recettes qui ont façonné son si riche passé. In Requiem prend aux tripes, et vous pousse, par le biais d’une sombre attraction, à y revenir, encore et toujours. Pourtant loin d’être une débauche technique ou d’une richesse musicale forte, cet album possède une incroyable aura, froide, sombre, noire, et qui arrive à s’insinuer dans votre esprit et à l’accaparer totalement. Les anglais ont rarement, hormis peut-être avec Draconian Times, été aussi pertinents dans leur choix, et surtout dans la manière de les mettre en musique. C’est vrai, In Requiem est très difficile à apprivoiser, à cerner, mais passé cet écueil, il se révèle petit à petit comme une perle noire, dotée d’une personnalité trouble mais ô combien envoûtante, et qui prouve que Paradise Lost, 17 ans après son premier album, a encore les moyens de nous étonner. Messieurs les anglais, je m’incline.

0 Comments 05 mai 2007
Whysy

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