Cette année, Crematory fête ses 19 ans ! L’occasion pour nous, tout en observant d’un air attendri ce mastodonte du Gothic Metal à l’allemande souffler ses noires bougies, de faire un petit bilan sur la riche histoire du combo. Plus précisément, sur ces dix dernières années. Car ses 19 ans, Crematory ne les fait pas vraiment. Bien sûr, il a depuis longtemps acquis un professionnalisme incontestable, et il est passé maître dans l’art de masquer des compositions moyennes par une production titanesque. Mais depuis quand ne nous a-t-il plus étonné ou fait vraiment vibrer ? Mon vieux Crematory, mon cher compagnon d’infortune, tu n’as guère changé, mais il faut bien le dire, même si ça fait mal… Tu t’es quand même un peu encrouté.   Il y a cependant une chose que je voudrais te dire : sais-tu ce que j’admire le plus chez toi ? Ta capacité à ré-inventer ton son d’album en album, histoire de conférer à chacun de tes bébés une identité bien particulière, sans jamais pourtant changer de recette de fabrication. Je lève mon verre ! Car cela, c’est admirable. En concert, tu sais être excellent, mais les néophytes doivent te trouver monotone : ton son ne change guère d’un morceau à l’autre, et cela ne retranscrit donc que maladroitement l’ambiance assez unique de chacun de tes opus. Dommage, car depuis la naissance de « Believe », mon chouchou, en l’an 2000, tu as toujours su renouveler mon intérêt avec chaque nouveau môme. Enfin… Peut-être un peu moins avec ton 11ème bébé, qui pousse justement son premier cri l’année de tes 19 ans, et dont nous allons parler aujourd’hui.  Mon cher Crematory, tu avais donné à « Believe » ce son atmosphérique unique, avec des compositions très accrocheuses, et parfois même fort touchantes. Je t’en sais gré, et j’en oublierais presque que « Revolution », malgré son côté industriel plus prononcé, m’avait laissé relativement froid. Surtout que tu te rattrapais avec le martial et très direct « Klagebilder », qui ne manquait pas d’atouts pour séduire. Au moment où je commençais à m’inquiéter plus sérieusement quant à ton avenir, tu sortais le grand jeu avec « Pray », nettement moins inventif déjà, mais proposant un son de guitare d’une puissance à tomber par terre. A l’aube de découvrir la personnalité de ton nouveau rejeton, tu comprendras volontiers mes hésitations : je ne peux que m’interroger sur la direction que tu as choisie. Je prie pour retrouver ce tempérament puissant qui m’avait profondément enthousiasmé sur « Pray », en dépit de ses incontestables faiblesses. Mais un retour aux morceaux plus accrocheurs de « Believe » m’irait très bien aussi… Alors, voyons voir !  Et bien… Même si ton dernier rejeton est plus inventif, plus inspiré que ne l’était « Pray »… Il me séduit un peu moins. Certes, la production est toujours très puissante, claire et équilibrée, mais le son de guitare fait moins trembler les murs… Dommage ! Pour le reste, et bien, Crematory demeure sans grande surprise. Du Gothic Metal puissant avec beaucoup de claviers, soit posés en fond pour soutenir les ambiances, soit plus en avant, de grosses rythmiques, et une alternance des voix réaffirmée. Le growl caverneux et charismatique de Felix qui se partage équitablement avec les vocaux clairs du guitariste Matthias, beaucoup d'anglais et un peu d'allemand... En gros, pas grand-chose à dire : c’est efficace, les ballades tombent un peu à plat (« Broken Halo »… moyen, moyen), les structures restent relativement prévisibles... Heureusement, il y a toujours quelques bons moments à se mettre sous la dent !! Mention spéciale à la reprise du « Black Celebration » de Depeche Mode, adaptée avec pertinence et bon goût, très réussie. J’apprécie aussi beaucoup les deux titres d’ouverture, et les introductions directes et accrocheuses de "Where are you now?" et "No one knows".   En conclusion, je me retrouve un peu embarrassé. Tes fans te suivront allègrement, les amateurs de la formule y trouveront leur compte, ton niveau technique est parfait, tes introductions plus bourrines convaincront les headbangueurs les plus féroces... Mais moi, je trouve cela un peu insuffisant. Cela s'écoute volontiers en musique de fond. N'as-tu pas mieux à offrir ? Cet album est bon, c'est sûr... Mais pas assez pour convaincre pleinement après 19 ans d'existence.   Gounouman