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Certains parmi vous se souviendront peut-être de cette terrible menace qui a un temps plané sur notre beau pays, mais qui s’est évanouie, à l’image de la méphitique rumeur qui en était à l’origine: car non, l’invasion des plombiers polonais n’a pas eu lieu.
La France respire, mais la Pologne s’en moque. Depuis quelques temps déjà, elle a mené avec succès une autre invasion. Une invasion pacifiste, à coups de décibels utiles. Le courant progressif occidental dans le domaine du rock ou du métal n’en finit plus en effet de rendre des points à des envahisseurs venus de l’Est. Deux choses ne cessent de surprendre: Leur jeunesse… et leur maturité.
Et ce n’est pas DISPERSE qui va inverser la tendance. Groupe formé en 2007, moyenne d’âge la vingtaine, et un premier album à vous dépiauter le palpitant façon Zrazy zawijane.
Et puisqu’on parle bouffe, une précision: Je ne suis pas spécialement friand de prog technique. Mais quand le supplément d’âme est là, que la mélodie est reine….et que l’on a en plus la grâce de nous éviter l’inutilement démonstratif, alors là ok, j’en mange!

JOURNEY THROUGH THE HIDDEN GARDENS n’a pas laissé indifférent le Landerneau du Prog.
Critiques éclairés ou prétendant l’être n’ont eu de cesse - en plus du traditionnel « j’aime » ou « j’aime pas »- de les comparer à tout un tas d’autres groupes de la mouvance progressive. En additionnant toutes les références citées, DISPERSE n’est pas loin d’être  reconnu redevable à presque tout le monde depuis le THE COURT OF CRIMSON KING de KING CRIMSON. Bon, j’exagère un peu… Et quand bien même…. Quel groupe prog - même parmi les plus en vue- peut se targuer de s’être fait tout seul?
Le prog est une grande communauté quasi familiale dont chaque membre n’a jamais vraiment boudé le coup d’œil dans le jardin du voisin.
Pour ma part, ignorant courageusement le raccourci facile et fainéant de la comparaison outrancière, je vais tenter de décrire la musique de DISPERSE sans adjonction aucune de nom de groupe, conservateur, adjuvant ou colorant.

Ils sont quatre.
Rafa BIERNACKI: Le jeune homme cumule deux postes: le chant et les claviers. Sa voix claire, chaude et posée , capable - quand elle ne chuchote pas tout simplement- de se durcir et de monter dans les notes de manière très convaincante est très agréable. Pas de démonstration vocale spectaculaire. La quiétude du chant offrira d’ailleurs souvent un contraste intéressant avec une instrumentation plus intense.
Les claviers font l’ouverture pour chaque titre, invitations à un voyage atmosphérique, stratosphérique ou même galactique. Puis c’est dans le souffle stellaire des synthés que résonnent les premières notes de guitare, les premières pulsations de la batterie ou de la basse. Claviers omniprésents tout au long de chaque compo, discrets soutiens de la guitare quand elle se la joue solo, ou tissant un motif mélodique quand la guitare se fait rythmique. Pas de duel claviers-guitare, donc. Les deux se veulent complémentaires, à tour de rôle au service de l’autre.
Pas de mellotron, pas d’orgue Hammond, les claviers seront plus volontiers modernes, sans lorgner du côté des sons des seventies.
Jakub ZITECKI: LE guitariste. Ses lignes mélodiques sont la charpente de  chaque titre, qu’il soit soliste ou en accompagnement. Cela n’enlève rien au travail de ses trois compères, mais la passion  immédiatement perceptible de ce jeune prodige à la sensibilité à fleur de peau éclabousse  tellement la musique  de DISPERSE qu’il devient vite évident que sans lui, ce groupe y perdrait son âme.
« Atmosphérique » est un mot qui va bien aux réalisations de DISPERSE. Les claviers le suggéraient déjà, les prestations de Jakub  le rendent incontournable. Délicat et aérien, ce fin bretteur à la six cordes délivre des soli toujours lumineux et inspirés en parfaite adéquation avec le son « spatial » des claviers et l’effet reverb souvent appliqué à la voix.
Przemek NYCZ: Pour toute bonne charpente, il faut un bon charpentier. Et Przemek ne faillit pas dans ce rôle. L’alter ego de Jakub, en quelque sorte, version tapeur de fûts. Son jeu varié et précis est un vrai bonheur et justifie l’écoute des morceaux de DISPERSE juste pour l’entendre, lui.
Marcin KICYK: Son jeu à la basse est sobre. Au début, je l’ai regretté. Mais au fil des écoutes, le choix m’a paru bon. Sans s’effacer, il soutient efficacement et simplement les prestations déjà suffisamment  plantureuses des trois autres compères.

BALANCE OF CREATORS est la parfaite mise en bouche pour déguster le prog original de DISPERSE. L’intro planante des synthés met en place l’atmosphère astrale d’abord  troublée                 par la partition hispanisante d’une guitare acoustique puis hachée par les déflagrations métal de la guitare rythmique. Et c’est la voix qui -déjà- nous charme… Ses plus de huit minutes vont bien sûr permettre à DISPERSE de se plier au rite incontournable des breaks. L’occasion pour les plus timides d’entre vous de s’assurer comme il est simple de  s’approprier la musique de ce quatuor.
REFLECTION OF A DYING WORLD confirme la qualité d’écriture des parties vocales, variées et particulièrement travaillées. Breaks non heurtés, homogénéité de bon aloi, et la guitare, toujours volubile, qui vous emporte dans un nouveau voyage.
ENTERING NEW LANDS, brillante et pêchue, aux lignes vocales ultra mélodiques, se calme le temps d’un break planant où la guitare de Jakub fait encore des merveilles
L’entraînant et jazzy ON THE WINGS OF ADOVE permet à Jakub de muscler ses interventions pour un titre court mais réjouissant.
LET ME GET MY COLORS BACK. Quasiment calibré comme un hit radio, le morceau est parfait pour prouver  décidément à l’allergique aux « élucubrations » progressives la grande facilité d’accès de la musique de DISPERSE.
FAR AWAY Déroulée sur un tempo qui va crescendo elle débute comme une ballade, mais pressée par les riffs entraînants puis plus corsés de Jakub  elle prend une coloration plus rock. Les lignes de chant, comme d’habitude, sont touchantes et gorgées de feeling.
ABOVE CLOUDS, la bien nommée, est une longue pièce de près  de dix minutes, rythmée mais aérienne. Vous pourrez y côtoyer pulsars ou nuages,  c’est vous qui décidez de l’altitude.
Sa structure un peu plus alambiquée rapproche DISPERSE du courant progressiste traditionnel, sans que pour autant cela ne sombre dans le rébarbatif. Et les quelques digressions dissonantes typiques  sont parfaitement supportables grâce à des breaks sublimés par la guitare ou les claviers.
SPIRIT OF AGE. Plus de neuf minutes au compteur. Un peu le pendant de ABOVE CLOUDS, en plus dynamique. Et comme toujours, une guitare versatile, tour à tour speedée, langoureuse ou planante, la longueur du titre autorisant moult breaks qui n’entament pourtant nullement l’homogénéité de ce SPIRIT OF AGE.
CIRCLE’S COMPLETE est une plage de douceur électro-acoustique où la voix de Rafa est particulièrement émouvante. Le poignant solo de guitare précède un magnifique et touchant final où le chant féminin nous vaut de délicieux frissons.

L’on ne sait si la découverte de ces « jardins cachés » se fait sur notre planète, dans notre galaxie, ou dans une autre, mais l’atmosphère très particulière de cet opus nous laisse entrevoir la perspective de nombreux secrets à y découvrir. Pas forcément original sur le fond, ce JOURNEY THROUGH THE HIDDEN GARDENS l’est sur la forme. Son ambiance musicale dont les fondations sont les claviers et développée, enrichie par la guitare et le chant donne une couleur, une identité indiscutable à ce nouveau venu sur la scène prog.

Encore un mot sur la production: elle est comme la musique: lumineuse.

Je précise enfin que l’album étant très difficile à trouver, vous pouvez l’écouter en intégralité sur leur Myspace ou sur You Tube. Aucune excuse, donc, pour passer à côté.


La vraie note; 8,5/10
Si je ne mets pas 9/10 ou 10/10, c’est que j’attends beaucoup de leur prochain album. Les voilà prévenus, hein.



PS: Zrazy zawijane: Viande de bœuf braisée enroulée dans du bacon des concombres marinés de l’oignon ou du poivron rouge servie avec une sauce épicée. Bon appétit!

0 Comments 01 novembre 2010
Whysy

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