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Transatlantic, ou le bal des hyperactifs, est un groupe génial composé de mecs qui se suicideraient s'ils devaient passer deux semaines à rien faire dans leur maison de campagne. Des nerveux notoires, des mecs incapables de rester tranquilles quelques mois, enchaînant les albums, les projets. Seul Trewavas, bassiste de Marillion a l'air d'un mec normal dans ce gang d'acharnés du studio.

Reprenons. Transatlantic, un supergroupe à l'ancienne, composé de membres éminents de groupes notables, sauf qu'à l'époque les supergroupes (comme ELP ou CSN) n'étaient pas des side-projects mais devenaient les activités principales de leurs leaders. Ce n'est pas le cas de celui-ci, réactivé tous les trois ou quatre ans par ses membres qui semblent y trouver une récréation plaisante, un amusement innocent et sympathique.

Du gros foutage de gueule ouais ! Parce qu'excusez-moi mais quand j'entends le dernier Morse en date (Momentum) ou ses participations à Flying Colors et Spock's Beard, et malgré le fait que j'aime beaucoup le dernier album des Flower Kings (l'excellent Desolation Rose), et enfin si j'osais seulement comparer toutes les productions récentes estampillées Portnoy ainsi que les opus sus-cités au Kaleidoscope de 2014, y aurait comme un malaise et il deviendrait difficile d'évoquer un side-project. Car ce Kaleidoscope est une tuerie prog, un grand album et pas seulement, pour une fois, admirablement réalisé par de remarquables artisans, mais forgé à coup de génie. Bon, des à-coups, des petits coups hein, faudrait pas pousser mémé non plus. Mais quand même.

Quand même, ce n'est plus une récréation les gars, arrêtez de déconner c'est votre meilleur production à tous les quatre depuis des années, hormis peut-être le Testimony 2 (2011) de Neal Morse. J'appuie de ce fait une motion qui proposerait gentiment, au moins aux trois principaux compositeurs que sont Morse, Stolt et Portnoy, de considérer dorénavant Transatlantic comme leur groupe principal, et de mettre les autres un peu de côté. Voir d'abandonner complètement The Winery Dogs.

Il faut dire que dans cet album, les quatre mousquetaires sont au sommet, et semblent effectivement développer un énorme plaisir à jouer ensemble, ce qui se sent et est un des principaux points positifs de l'album. Ils se kiffent, ça se voit, et surtout ça s'entend.

Roine Stolt ? Le vétéran suédois des Flower Kings est dans une forme éblouissante, chacune de ses intervention semble précise, économe, juste, appuyée comme il se doit par le discret Pete Trewavas. Trewavas c'est le genre de mec absolument indispensable dans un groupe mais dont tu te rends à peine compte qu'il est là, sauf bien sûr quand il te lâche une grosse ligne à la Chris Squire (bassiste de Yes). Il suffit de le voir en concert pour s'en rendre compte : sans lui, tout l'édifice se pète la gueule. Édifice dont le frontispice est donc Stolt, cultivant depuis 40 ans son style hybride entre Hackett (Genesis) et Howe (Yes), peinant parfois à y trouver une identité originale mais tout de même, avec les dizaines, centaines d'heures de sa musique disponibles à l'écoute, comment trouver quelque chose à redire à cette légende. J'espère que les trois autres (surtout Portnoy et Morse) ont bien conscience de la chance qu'ils ont, qu'un tel géant arpente leurs territoires musicaux, même si, sachons raison garder, c'est sans doute grâce à son statut de « semi-légende » qu'il est des leurs.

Je m'égare totalement. Passons à Neal Morse. Je l'ai déjà dit, je le redis, depuis 1995 Neal a très peu d'ingrédients à sa disposition, mais beaucoup de recettes différentes. Elles ont souvent le même goût, pas de miracle, et puis parfois, sans qu'il soit vraiment possible de dire pourquoi, c'est délicieux. Je vais même aller encore plus loin : la grande majorité des morceaux de plus de 20 minutes écrits par n'importe qui est hyper chiante à se coltiner en entier. C'est donc rare, voire rarissime depuis la fin des seventies, de trouver des longs morceaux qui soient bons de bout en bout. Imaginez donc que sur ce Kaleidoscope Neal fait du Neal sur des morceaux de 25 ou 30 minutes et qu'ils sont excellents ! Y a plus d'saisons ma brave dame. Neal donc, fidèle à lui-même, nous refait le coup du chef d’œuvre, même si je me doute qu'il faudra à certains d'entre vous plusieurs écoutes pour assimiler de telles pièces montées.

Quant à Mike Portnoy, si c'est un vrai plaisir de l'entendre chanter, et si on peut toujours compter sur lui pour apporter une touche metal de qualité, ce n'est toujours pas un batteur de prog. Il lui manque encore cette finesse, ce toucher, mais il la manque aussi à Morse donc c'est moins grave, les deux font la paire. Quoi qu'il en soit, Portnoy est en forme, et comme on sait que c'est un bon camarade, on l'imagine en studio, en fan de prog qu'il est, à trier avec délectation le bon grain de l'ivraie des productions de ses comparses, et cette image d'honnête travailleur fait plaisir à voir.

Deux epics gargantuesques encadrant trois morceaux plus légers et courts, Transatlantic a mis les petits plats dans les grands pour ce quatrième opus. Écrit à quatre cerveaux, l'album est globalement bien équilibré, sans véritable temps mort. Il contient de nombreuses fulgurances, principalement dans les deux morceaux fleuves que sont Into The Blue et Kaleidoscope, même si Shine (belle balade country-prog), Black As The Sky (tube en puissance) et Beyond The Sun (superbe mélopée contemplative) ne sont guère en reste. Bien entendu, cet assemblage assez homogène ne révolutionne aucun genre musical, c'est du prog à l'ancienne manufacturé par des fans et pour des fans. Ajoutez-y un deuxième CD rempli de reprises relativement dispensables (hormis le superbe And You And I de Yes), et vous obtenez un monolithe tout à fait réjouissant. On notera enfin la magnifique intervention de Daniel Gildenlow (Pain Of Salvation) sur Into The Blue, dans des registres aigus du plus bel effet.

L'année 2014 démarre sous les meilleurs auspices en matière de prog, et espérons que les 4 fantastiques sauront montrer à tous le chemin de l'excellence. Même si on préférera sans doute miser sur de l'inattendu, du neuf, du cross-over, sait-on jamais, on a toujours le droit de rêver.

0 Comments 02 février 2014
Whysy

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