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Chroniquer de Gojira, dans nos vertes contrées, c’est un peu comme parler de Zidane ou de la Tour Eiffel ; c’est s’attaquer à quelque chose de sacré, de presque religieux. Gojira est devenu, depuis plusieurs années déjà,  le symbole du metal made in France. En devenant l’étendard de la scène française et l’un de ses représentants les plus importants, Gojira traîne à sa suite un long sillon d’éloges en tout genre et de révérences à la gloire de son talent.  Chroniquer Gojira c’est donc un peu comme marcher sur des œufs. Il ne manquerait plus qu’on ne brise cet entrain national (à l’échelle metallique quand même, il ne faut pas exagérer)  que  Gojira a su créer tout au long de ses 11 ans d’existence.

La dernière décennie a été bien remplie pour les bayonnais qui ont publié pas moins de cinq albums. Toutefois, de Terra Incognita à L’Enfant Sauvage, le chemin a été long et tortueux puisque 4 ans séparent cette nouvelle production de son aîné, l’impétueux The Way of All Flesh. Une attente qui a eu le temps de cristalliser les espoirs des fans, dont votre servante fait, il faut bien l’avouer, partie. Mais voici, qu’après les émois de l’écoute, est venu le temps du verdict.

Il a toujours été bien difficile de cataloguer le style de Gojira. Pour votre site préféré, il a toujours été clair que les frères Duplantier et leurs deux acolytes faisait du Gojira metal. Si l’étiquette est un peu mystérieuse, voire un peu pompeuse, elle illustre en tout cas, à quel point Gojira tient une place à part, à cause notamment du caractère unique de la musique du combo. En digne héritier, L’Enfant Sauvage possède l’essence  caractéristique du groupe. Impossible de se tromper, « Explosia » donne tout de suite le ton, par son rythme rapide et ses notes familières. Même constat avec  « Planned Obsolescence », dont le titre à lui tout seul reflète l’âme du monstre.

Et, alors que progresse l’album, on retrouve plusieurs choses qui ont fait le succès du groupe par le passé. Le titre éponyme, furieux et saccadé, possède des arguments convaincants dans son riff bien trouvé. « The Axe » joue aussi la carte de la mélodie qui hante et s’avère être un des meilleurs moments de L’Enfant Sauvage. Le point d’orgue est atteint avec la très belle « The Gift of Guilt » qui condense tout le talent de Gojira en moins de six minutes. Après une introduction qui fait monter la tension, les quatre musiciens ont tissé un morceau intense et complètement addictif au refrain diablement efficace. On est en face des musiciens à leur meilleur niveau si bien qu’on leur pardonnerait presque leurs écarts…

En effet, L’Enfant Sauvage souffre de plusieurs vices de forme qui lui donne, au final, une saveur bien trop fade. Tout d’abord, et surtout si j’ose dire, le vocoder qui pollue bien trop l’opus. Un comble pour un groupe tellement porté sur l’environnement. C’est bien simple ce dispositif maudit entre tous plombe « Liquid Fire » à lui tout seul. Ainsi que « Planned Obsolescence », tant qu’à faire. S’il reste moins utilisé, et on ne s’en plaindra pas, que sur The Way of All Flesh, il a quand même tendance à ramollir considérablement les morceaux. A titre personnel, j’avais longtemps espéré que Joe nous fasse grâce de ce cadeau empoisonné. Raté…

Cependant, les problèmes de L’Enfant Sauvage ne s’arrêtent pas à l’emploi malheureux du vocoder. Il y a quelque chose dans les chansons qui a brisé la dynamique musicale de Gojira. The Way of All Flesh n’est pas non plus la meilleure production du groupe mais la mystique générale arrivait tout de même à l’emporter sur la totalité de l’album. Là, rien n’est vraiment sauvage ou indompté. C’est tout juste si l’enfant s’agite de temps en temps. La vérité est qu’il a trop de morceaux pépères et inoffensifs. « Planned Obscolescence » est bancal malgré son rythme qui se veut fort. « Mouth of Kala » est presque anecdotique et, de manière générale, l’opus ne redémarre jamais après « The Gift of Guilt ». Pire, « Pain Is a Master » ne parvient pas à déchaîner les passions. Ajoutons quelques mots  la version limitée du disque qui comporte deux titres bonus. Si « My Last Creation » se laisse écouter, « This Emptiness », qui, du coup porte bien son nom, est obsolète.

L’Enfant Sauvage a donc un aspect poussif et mou qui ne correspond pas vraiment à l’image qu’on se fait de Gojira.  Au final, les morceaux ont tendance à se ressembler un peu trop malgré un travail que l’on sent important. Nos quatre compères savent ce qu’ils font mais l’inspiration qui a guidé leur écriture n’a pas fait que trop peu d’étincelles. Mario Duplantier, derrière sa batterie, semble un peu timide par moments et c’est bien dommage. Le travail des guitares est évidemment mis en avant mais quelque fois la mayonnaise ne prend pas (« The Fall »).  Pour finir sur une note un peu plus positive, toutefois, il reste que la voix de Joe, quand elle n’est pas horriblement déformée par le vocoder, parvient toujours à faire mouche et à rendre les chansons plus profondes,  plus sombres.  

Ce qui me chagrine le plus avec L’Enfant Sauvage, c’est que ce n’est pas un album composé à la va-vite, sur un coin de nappe, un soir de beuverie. Gojira a pensé et étudié chaque aspect et chaque accord avec soin. Ainsi, ce qui aurait pu passer pour des égarements malheureux (le vocoder, la répétition mécanique de certains thèmes…) correspond, en fait, au rendu, à l’aspect voulu et défendu par notre quatuor bayonnais préféré. A partir de là, il faut choisir son camp, ou plutôt, un camp s’impose aux auditeurs : on adhère ou on regrette. Pour ceux de la première catégorie, même si cette chronique ne va pas tout à fait dans leur sens, la vie est belle et il n’y a pas grand-chose à ajouter. Pour les seconds, en revanche, l’écoute a un goût plus amer. Parce que, malgré les quelques bons points que l’on parvient à glaner çà et là, il est difficile de ne pas faire taire dans sa tête la petite voix qui lancinement répète : ça aurait pu être tellement mieux. Le pire? On sait qu’elle a raison...

Nola

0 Comments 31 août 2012
Whysy

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