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Et lorsque le sucre d'orge
Parfumé à l'anis
Coule dans la gorge d'Annie
Elle est au Paradis



Et voilà, c'est la fin de Therion. Et les suédois ont décidé de cloturer leur carrière actuelle sur un album de chanson française. Pourquoi ? Demande Nuclear Blast ?
PARCE QUEEEEEEEEEE ! Répond Christopher Johnsson.

C'était la volonté du groupe de faire la musique dont ils avaient envie. Et visiblement, ils avaient envie de reprendre de la chanson française pré-années 80. Le fan international crie "au génie", le fan français crie "à la fraude !". Eh bien oui, sachez-le chers lecteurs, la chanson française, c'est nul. Le metalleux a des principes comme ça.

Blague à part, la démarche artistique peut surprendre. Tirer sa révérence sur un album de reprises est un pari osé. Se concentrer sur de la chanson française l'est encore plus. Cibler exclusivement la période 1950-1980 est pour le moins audacieux.

Quelles questions se poser en écoutant un tel album ?

La première, et la plus importante des questions que l'on peut se poser, c'est indubitablement : pourquoi Therion a choisi un artwork de couverture aussi moche pour la jewel case. Et malheureusement, elle ne trouve pas de réponse.

L'interrogation suivante serait "est-on bien face à un album de Therion ?"
La réponse est oui, sans aucun doute. On retrouve toutes les caractéristiques qui ont composé la musique du groupe ces dernières années. Que ce soit la multitude des chanteurs, soutenus par des choeurs omniprésents, les murs de guitares, ou les orchestrations complexes et prenantes, tout y est.

Sur le chant justement, la fine équipe accueille comme d'habitude plusieurs visages. Les habituels Thomas Vikstrom et Lori Lewis, tous deux brillants à leur façon, puis Snowy Shaw, qui ne fait que deux apparitions sur Initials B.B. et Dis-Moi Poupée d'abord.
A noter la très belle performance technique des trois larrons. Lori toujours impressionante, naviguant avec grâce sur les notes les plus aigues, tentant des incursions dans les plus graves. Performances à écouter sur La Maritza, sur la touchante ballade Soeur Angélique, sur l'exotique Wahala Manitou et sur La Licorne d'Or.
Thomas nous montre encore une fois qu'il peut tout faire avec sa voix, du chant le plus glam (Je n'ai Besoin que de Tendresse) à son chant de tenor le plus classieux sur la très catchy Poupée de Cire.
Et quel plaisir de retrouver le chant si grave de Snowy dans une version survitaminée de Dis-Moi Poupée !

Ensuite on trouve deux chanteuses invitées, Mari Paul sur Une Fleur dans le Coeur, Mon Amour mon Ami, et en Alabama, et Johanna Naila, aussi danseuse orientale de Therion sur Initials B.B.

La première donne la réplique à Lori avec succès, dans un registre non-lyrique ; la seconde apporte un souffle de sensualité sur un morceau qui n'aurait pas survécu à toute autre modification. Parce que c'est aussi ça la force de Therion sur cet album : réussir à s'approprier les morceaux, sans les dénaturer. Parce que cette chanson française, à textes, c'est aussi un état d'esprit. Et la bande à Johnsson l'a bien compris, en laissant de la fragilité à Soeur Angélique, de la sensualité à Initials B.B., et de la nostalgie à Mon Amour Mon ami.

Les mélodies sont clairement reconnaissables, les orchestrations sont presque conservées, de même que l'esprit des chansons. La terrible J'ai le Mal de Toi voit son adaptation presque doomy, c'est vrai que le rythme original de la chanson de Betty Mars s'y prêtait bien.

Mais on n'est pas que dans le copier-coller. On frise l'irrévérence avec un Thomas vicieux reprenant en bonus les Sucettes de France Gall par exemple.

Qu'en est-il du passage au metal de ces morceaux issus de notre belle histoire musicale française ?
Il est contre toute attente plutôt réussi. Bien sur, difficile de caser la virtuosité de ces musiciens dans des mélodies déjà composées, et que l'on ne souhaite pas dénaturer. Malgré tout, les pistes choisies s'y prêtent plutôt bien, j'en veux pour preuve le riff agressif de Je n'ai besoin que de tendresse, qui supporte aussi très bien le passage à un chant plus rock de castrat. Christopher permet même à la guitare quelques brefs écarts soliesques, alors que la batterie impose un rythme dévastateur.

La transposition en doom dépressif de Mon Amour mon Ami est également une grande réussite, grâce à son rythme lourd, soutenu par un chant habité, une atmosphère pesante et des choeurs quasi-religieux.

En revanche, Poupée de Cire, quelle que soit la version, si elle fonctionne bien, principalement grâce à la voix de Lori couplée à une guitare simple, mais efficace promettant de hanter n'importe quelle tête normalement constituée pour plusieurs heures, est très loin d'une révolution. Mais pour une transposition, elle est réussie. C'est aussi le cas d'Initals BB, ou de Une Fleur dans le Coeur, qui jouent plutôt la sécurité.

Alors que dire pour conclure sur cet exercice de style tenté par ce groupe mythique ?

C'était casse-gueule. Mais ils s'en sortent avec les honneurs. Ne serait-ce que les écouter se dépatouiller avec notre belle langue de Molière est un régal de tous les instants (non Thomas, Annie ne prend pas ses jambes à son con avant de retourner au drugstore).

Musicalement, si ça n'est pas révolutionnaire, ça reste complètement écoutable. La patte de Therion est reconnaissable entre mille, et plusieurs morceaux sont de vraies perles qu'on croirait presque faites pour eux. La Soeur Angélique de Lori déploie bien plus d'émotion que celle, plus enfantine, d'Annie Philippe, et la Poupée de Cire prend bien plus d'ampleur quand les deux vocalistes principaux en font leur quatre heures. Sans même parler de BB qui prend un sacré coup de jeune ici.

Et puis, pourquoi cracher sur cette belle occasion de découvrir, ou de redécouvrir des classiques, certes un peu poussiéreux, de la musique Française ? Sérieusement, qui ici se rappelait Léonie ?

0 Comments 13 novembre 2012
Whysy

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