Vous recherchez quelque chose ?

Voyez ce vieux bonhomme qui s'est enraciné à la souche sous sa coque de bateau et débarqué de nulle part dans le désert, tenant dans sa main ce sablier ? C'est la représentation selon  Grenouer de l'éternité. C'est une fois de plus un pays de l'Est qui est à l'honneur, on repart encore une fois, et on commence à en avoir l'habitude, en Russie pour aller se secouer un peu la nuque. On peut comprendre alors pourquoi la cover met en lumière un élément climatique qui joue sur cet aspect de durée, élément originairement très peu expérimenté par les Russes... Quoique pas tant que ça si on réfléchit bien au désert de Gobi, bref tout ça pour dire que l'album abordera un sujet qui n'est pas si méconnu que ça, l'éternité est relative selon les conditions dans lesquelles on subit une épreuve. Ça fait maintenant seize ans que la formation écrit dans le monde du métal. Sur les premières années de l'existence, le groupe  épanchait sa musique dans le vaste océan Death/Thrash, mais depuis quelques années, l'évolution de l'écriture musicale et des goûts au sein du combo s'oriente sur un style un peu plus indus. C'est donc dans cette optique que Lifelong Days se dirige, de ce fait les compositions sont toujours très orientées extrêmes bien sûr mais les samples  viennent accompagner les instruments d'une manière très soutenue.

A l'écoute de ce Lifelong Days, on a la sensation persistante que la production est un brin brouillon, n'ayons pas peur des mots. L'album paraît décousu et fragile à la fois, comme en témoignent des titres comme « Away From Now ». On a d'un côté un chanteur et en face des instruments qui n'arrivent pas à correctement s'assembler pour donner une harmonie dans tout ces flots mélodiques. Le mélange semble immiscible, par moment de la fragilité est abordée par des aspects vocaux très délicatement posés sur une structure musicale assez punchy. Certains diront même que l'on retrouve des éléments empruntés à Meshuggah en moins élaborés, d'autres  diront que ça ressemble à Opeth en moins maitrisé à un tel point que l'on a l'impression d'écouter du bis répétitas sur chaque titre... Mais dans tout cela, même s'il y a une part de vérité malgré tout, on ne peut pas ignorer le parcours artistiquement étoffé de Grenouer. Bien entendu, à vouloir s'essayer à divers horizons on ne peut être parfaitement irréprochables. Cependant le groupe est dans une autre optique, en effet la formation propose un album très contrasté, désorientant mais qui recèle de subtilités apportant son lot de richesse. Cet album a la faculté de faire avancer les choses dans le monde musical qu'est le nôtre et propose de nouvelles idées. On a le droit à une approche et une manière de penser la musique au sens général - on l'aborde avec l'appui d'un style déjà novateur mais d'une manière bien personnelle.

Pour apporter cette touche individuelle, presque exclusive, le combo pose une base rythmique saccadée qui donne un aspect déstructuré à Lifelong Days. Des parties atmosphériques sont mélangées à un style indus tirant sur du black/death (« Taken Off the List ») pour la partie chant/growl et les percussions imposant une ambiance lourde. Certes, cet album est assez barré (« Re-Active ») et d'une difficulté d'approche promettant des heures d'écoute à tout volontaire. La formation effectue un balayage de l'éventail death/Trash comportant des riffs génériques peu accrocheurs, mais musicalement ce qui est intéressant c'est la mise en évidence des idées ou des trouvailles greffées sur les structures mélodiques. Il est vrai que je donne l'impression de démonter la production jusqu'à présent, mais ce n'est pas le cas, car ce qui est important c'est le message et non la forme qu'il faut écouter sur Lifelong Days.

Le chant joue une grande part de transmission du message. La tessiture de Andrej couvre un large panel, allant du chant crié et ne reculant pas sur les morceaux plus légers. Il est à l'image de l'album c'est-à-dire très dispersé (« Away from Me »). Des passages sont parlés comme dans « Finding One », mais la puissance vocale s'allie toujours à l'atmosphère et l'environnement du moment, ce qui est de plus en plus vrai sur la fin du CD. Le frontman arrive à caresser les chansons de délicatesse mesurée, et rentre carrément dans le tas lorsque la musique s'accélère. La retenue est exemplaire et la maitrise domptée.

Sur un point de vue de la structure musicale, on retrouve des guitares tous azimut, des blast beats, un son power extrême bien puissant et des soli entrainants même s'ils ne sont pas transcendants. La partie indus vient mettre son grain de sel et permet aux arrangements de prendre de l'ampleur sur les refrains. Ainsi, on retrouve des parties carrément trippantes et des morceaux disjonctés faisant headbanguer. Des breaks apparaissent fébrilement (« Finding One ») et le groupe n'hésite pas redoubler d'effort quand cela devient nécessaire afin de relancer la machine (« With no Concern »). Le fond est souvent couvert par une harmonie de samples tressés avec des leads à la guitare, ce qui donne l'idée de se retrouver face à la même mélodie. La structure musicale n'est pas forcément toujours bien aérée ce qui fait tomber les Russes dans une « routine » et ce n'est qu'à la fin de l'album que cet écueil est contourné. « Patience » (on comprend pourquoi ce nom), est le titre le plus posé et ordonné, avec en fond une ambiance planante assaisonnée de touche électro. On saisit alors encore mieux la vision de Grenouer, le combo montre qu'il est capable de faire des titres joliment menés et apaisants, mais ce contraste final n'est-il pas présent pour au contraire marquer la particularité pour laquelle ils se battent ? Moi je pense que c'est là où réside toute l'intelligence de ce genre de groupe.

- ĦÐ -

0 Comments 21 juillet 2008
Whysy

Whysy

Read more posts by this author.

 
Comments powered by Disqus