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Paradise Lost, Le Paradis Perdu, avant d’être le nom d’un tout jeune groupe anglais, est un célèbre poème épique écrit par John Milton, anglais lui aussi, au milieu du 17ème siècle. Faut-il y voir un parallèle quelconque ? A priori non, mais s'il en existe un, il est avant tout symbolique. Car le doom métal est une musique qui se nourrit de symboles, religieux la plupart du temps. C’est un paramètre important qu’il faut toujours garder en tête à l’heure d’aborder un album de doom.

En 1990, le doom métal n’est pourtant pas un style en vogue. Seul Candlemass a déjà une notoriété établie dans ce domaine, et ce sont donc cinq jeunes anglais, originaires de Halifax, qui entrent dans le cercle. La cover, avec son design brouillon et futuriste, ne nous donne pas d’indications importantes sur la musique produite par le quintet, si ce n’est son côté sombre que l’on va retrouver sur Lost Paradise.

Et sombre est je trouve un bien faible mot pour évoquer Intro qui ouvre l’album : en moins de 3 minutes, et en instrumental, Paradise Lost nous précipite dans un abyme de folie noire. L’atmosphère est complètement irrespirable, un sentiment de malaise, de gêne envahit très vite l’auditeur, à travers ce titre qui oscille entre chef d’œuvre et édifice bruitiste. Dès le second titre, Deadly Inner Sense, le combo revient à un doom plus traditionnel.

Autant le dire de suite, le son est très faible. Le tout sonne très underground, les parties guitares sont très sales, la batterie très sèche. Mais je ne peux m’empêcher de penser que le son colle plutôt bien à l’esprit torturé qui habite cet album. Le vocal lui-même est très écorché, à vif, manque de maîtrise et de régularité, mais montre de belles qualités de puissance et de profondeur. Musicalement, c’est très sombre, aucune note aiguë ou accrocheuse n’émerge de cet exutoire. On a du mal à trouver ses repères sur ce Lost Paradise, le doom / death à la fois conventionnel et acide des anglais est difficile à saisir. Tout se ressemble, tout est différent, on est un peu étourdi à la fin de l’album.

Tomber dans le piège de la linéarité est donc facile avec Lost Paradise : toutes les structures se ressemblent, et cette impression est encore renforcée par l’ambiance oppressante qui accapare notre attention. Mais en y regardant de plus près, les anglais font montre d’une capacité intéressante à accélérer, à ralentir le rythme en gardant une cohérence d’ensemble. En ce sens, Paradise Lost commence déjà à s’affranchir du doom pur et dur, avec des rythmiques qui s’approchent parfois du heavy. La démarche est progressiste et intéressante, mais encore trop frileuse et mal mise en valeur pour avoir une portée quelconque.

Quoi qu’il en soit, on ne peut nier que Lost Paradise a une valeur pionnière certaine. Les anglais posent ici les bases d’un doom métal dans sa forme la plus sombre, la plus brute et la plus radicale. Très peu de touches mélodiques viennent oxygéner un album à l’esprit et au son très underground, qui arrive à générer un sentiment de malaise permanent chez l’auditeur. Seules quelques rares envolées somptueuses viennent éclaircir un ensemble d’une noirceur sans partage.

Un album au final très opaque, qui laissera beaucoup d’auditeurs sur le carreau, et qui assez logiquement préfèreront se tourner vers des choses plus accessibles. Mais Lost Paradise est un album nécessaire, un passage obligé pour se construire, pour se définir une identité musicale affirmée. Cette démarche identitaire ne peut être que saluée, si l’on considère que beaucoup de jeunes formations ne font pas cet effort, mais reste à mon sens trop personnelle au groupe pour être comprise de tous. Lost Paradise est donc un album dispensable, mais qui apporte un éclairage important pour ceux qui veulent mieux cerner l’univers complexe de Paradise Lost.

0 Comments 23 mars 2007
Whysy

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