Vous recherchez quelque chose ?

Si il est un groupe qui suscite l’émotion et envoûte par ses compositions, c’est bien Amorphis qui se démarque ostensiblement. Le groupe appuie cette sensation avec la parution de ses classiques réenregistrées et réarrangées avec le line-up actuel. Gros foutage de gueule poussé par une vague commerciale uniquement motivée par la récolte des deniers du vagabond sillonnant les rayons des disquaires ou simple volonté de remettre les trois premiers albums au goût du jour par le biais d’un best-of ? Un an après le succès de Skyforger, on est en droit de se poser la question. C’est donc naturellement que s’impose deux sentiments contradictoires à l’accueil cet effort : joie et réjouissement pour certains, méfiance et scepticisme pour d’autre. La formation finlandaise s’autorise donc une petite dérive avec Magic & Mayhem - Tales from the Early Years car l’album fait un flashback sur ce qui a été le début de carrière d’un petit devenu grand.

Avec Tomi Joutsen, on connait une période d’Amorphis plus mélodique et marquée par un son plus moderne. Alors que nous sommes conscient de la capacité vocale extrême du frontman, une question taraude nos esprits : qu’aurait pu être le préambule d’Amorphis estampillé par un death/doom métal avec le timbre profondément caverneux et abyssal de Tomi ? On s’est tous posé un jour ce genre de question : comment serait Metallica si Cliff Burton était toujours en vie ? Aurait-il permis la sortie de Load ? Est-ce qu’ Epica serait aussi connu si Simone faisait une taille 52 ? Qui aurait gagné la ferme célébrité si Mickael Vendetta aurait été à sa place, c’est-à-dire dans un cachot ? Bref, le combo répond à un fantasme, alors pourquoi se montrer réticent ? Remontons le temps et voyons ce que les chansons à l’époque brut de décoffrage peuvent donner une fois revisitées et assorties du plus bel apparat...

Premier constat, l’album surprend par sa douceur mélodique, tour de force réussi grâce aux claviers bien plus marqués. Pour enrichir leur musique, les Finlandais se sont remis en question sur certains passages et intros pour moderniser les sonorités des antiquités. Il faut quand même mettre en évidence le fait que la production n’est pas non plus la même et que les moyens mis en oeuvre sont plus que colossaux. L'échantillonnage ne crachouille plus, les lignes de chants se décollent des instruments et c’est en fait une redécouverte qui est proposée. Notamment sur “My Kantele” les nappes de claviers viennent renforcer certaines lignes de guitares pour sublimer le morceau. Les titres prennent inexorablement de la dimension et c’est grâce à toute la force de production qui a été mise en amont que les chansons gagnent aussi un attrait atmosphérique. Et puis ce chanteur; mais quelle signature vocale ! N’est pas Tomi qui veut. Ce bonhomme a une telle maîtrise que son emprise inonde les morceaux et arrive en même temps à éclipser avec facilité le chanteur original Pasi Koskinen. Sa délicatesse et son art se conjuguent, s’opposent et se complémentent dans les mélopées à la fois tiraillées et profondément ancrées dans un registre extrême.

Après il est dur de juger Magic & Mayhem - Tales from the Early Years en temps qu’album à part entière. Compilant des morceaux des années 90, on ne peut pas vraiment s’accorder du temps sur une critique objective des compositions. D’autant plus que l’avis aurait du être rendu il y a un bout de temps sur les albums originaux, ce n’est pas l’objet ici et on ne peut que s’attarder sur les arrangements. En outre, comme je viens de le souligner, le résultat est bluffant. Par exemple, si on prend “Vulgar Necrolatry”, très death, très sombre, on obtient un morceau plus apaisé, certes spasmodique, mais dont la réorchestration extirpe un mélange moins cacophonique qui ravira certainement. Les surprises, plus ou moins remarquables, sont disséminées tout au long de la compilation et c’est franchement un plaisir de déterrer ce filon doré. Au-delà du fait qu’Amorphis retente l’essai de The Karelian Isthmus, Tales from the Thousand Lakes et Elegy avec talent, on peut aussi leur tirer notre chapeau pour l’ingéniosité et les remises en question dont ils ont fait preuve maintes fois. La reprise des The Doors avec le titre “Light My Fire” est osée mais pas forcément incontournable. On sent que les Finlandais pataugent un peu, mais ils savent où ils vont et réussissent à tatouer l’Ukonvasara sur l’épaule de Jim Morrisson.

Tout semble indiquer que l’expérience est quelque chose qui s’acquiert et offre une multitude de possibilités lorsqu’elle est utilisée à bon escient. Le talent se dévoile rapidement mais il arrive qu’il soit entaché par des moyens limités. Ici, Amorphis concrétise un rêve qui est de donner un aperçu sur ce qu’aurait pu être le début de carrière de la formation. En conjuguant expérience et talent, les Finlandais enrichissent leur discographie permettant deux options. Les fans pourront s’amuser à comparer les versions entre elles, tandis que les profanes pourront avoir le plaisir de découvrir des chansons anciennes avec le panache et les moyens contemporains. Pourquoi se priver d’une telle sortie si vous n’avez pas encore eu la possibilité de vous rapprocher de l’exorde musicale de ce grand nom du métal finlandais ?


- ȦɭɐxƑuɭɭĦĐ -

0 Comments 16 octobre 2010
Whysy

Whysy

Read more posts by this author.

 
Comments powered by Disqus