Vous recherchez quelque chose ?

L’année 2010, pourvoyeuse zélée d’âmes pour le Paradis de nos icônes du Métal, n’a pas épargné Juhani PALOMÄKI. Parti, lui aussi, plus discrètement, pour un monde que nous souhaitons tous meilleur, vaincu par son dégoût pour cette existence terrestre. Avec lui, disparaissent ses deux enfants : COLOSSEUM et YEARNING. Alors que COLOSSEUM prodigue un doom death funéraire pur jus, YEARNING - en tout cas pour ce MERGING INTO LANDSCAPES- fait explorer à son doom des rivages plus gothiques lorsque le rythme devient plus pressant, et l’habille généreusement de claviers et guitares très mélodieux pour un rendu orchestral qui peut devenir théâtral lorsque le tempo s’alourdit.

« I have been dead all my life
  And now I am waiting for the second death
  Near the end I wished at last to feel alive
  But sensation never came »

C’est clair, on ne peut parler uniquement de mélancolie pour ce qui est de la tonalité des textes qui hantent cet album. Dégoût, désespoir et une cohorte de démons à peine étourdis par l’alcool accompagnent Juhani  chaque jour de sa vie. Une vie de plus en plus insupportable… Mais si l’Enfer est bien sur terre, la Mort peut-elle en être vraiment la délivrance?
Alors, avec la tête et le cœur à ce point corrompus par une négation totale de toute forme de bonheur - y compris le plus primitif, celui d’être en vie, tout simplement- on pourrait légitimement imaginer cet album baignant dans un épouvantable pathos parfaitement indigeste.
Bon, il n’en est rien. Et contrairement à ce que la lecture des textes pourrait laisser penser, cet album n’a rien de désespérant, musicalement parlant. Dans le pire des cas, on pourra le qualifier de mélancolique, mais certainement pas noir, ni même sombre.
Ce qui nous amène à parler de la composante doom. Et nous sommes loin ici du doom originel, au lent tempo pachydermique tandis que les guitares délivrent une pléthore de riffs bien dépressifs, même s‘il en subsiste des rythmiques lourdes caractéristiques, ces sons de guitare rugueux flirtant uniquement avec les graves et ces riffs « râpe à fromage ».
Mais accélérations du rythme et mid tempo savent se faire entendre, éloignant alors le spectre de la monotonie et de la dépression suicidaire. Et c’est bien ce qui m’a surpris, dés la première écoute…
Comment, avec des thèmes aussi morbides pour ne pas dire mortifères abordés dans ses chansons, Juhani n’a-t’il pas accouché seulement d’une œuvre mélancolique - c’est le moins qu’il pouvait faire- et pourquoi alors les mots « majestueux », « serein », et « plénitude » entre autres me sont venus à l’esprit?
La faute à quoi?
Les vocaux, tout d’abord. Le chant death ne fait plus que de rares apparitions. Les sentiments les plus noirs que l’on peut associer à ces vocaux perdent ainsi quelques velléités à nous entamer notre capital « joie de vivre ».  C’est le chant clair de Juhani qui revendique une quasi mainmise sur les parties vocales. Un chant qu’il peut moduler jusqu’à le rendre très grave, très profond, chaleureux sans tomber donc dans le caverneux. Et qu’il peut « éclaircir » avec un côté liturgique dans les intonations. Le plus bel exemple en est donné dans SPHERE OF DEGUST où il double son propre chant, grave et religieux, pour un résultat intense prompt à déclencher une crise de mysticisme aigue chez le plus impie d’entre vous. Passer  facilement d’un chant intimiste (RETURN) à un chant puissant ( THE DYING MORN) ou le faire au sein d’un morceau ( OCTOBER RAIN) sans rien perdre de son potentiel émotionnel permet à Juhani de jouer sur une gamme de sentiments bien plus large que la simple mélancolie.
C’est en tout cas ce que j’ai ressenti. J’ai évoqué plus haut sérénité et plénitude, et je doute que ce soit là des mots à piocher dans le vocabulaire de Juhani. Et pourtant… Un son ample, des chansons généreuses en mélodies recherchées, la beauté simple de moult lignes mélodiques, des claviers largement exploités - qu’ils soient en simple fond sonore, fins drapés évanescents, atmosphériques (DATURA STRAMONIUM) ou qu’ils participent activement à la mélodie pour un rendu plus gothique quand ils ne se fendent pas d’un solo des plus inspirés- me donnent à entendre un Juhani plutôt désabusé que frustré, encore passionné plutôt qu’en colère, mélancolique plutôt qu’anéanti.
Mais la traduction de YEARNING n’est-elle pas « désir, aspiration, intense, ardent »….

Juhani est multi instrumentaliste. La basse, les claviers, les guitares, c’est lui. Et vraiment, il n’y a rien à lui reprocher. Les claviers, j’en ai déjà parlé. La basse, elle, vrombit comme un bourdon. Et les guitares… Acoustique, sur NASCENTES MORIMUR, LETHEAN WATERS, et là, c’est sûr, le spleen n’est pas loin, mais la douceur aussi. Electrique, elle nous balance des rythmiques doomesques à souhait mais aussi plus enlevées -oui, j’en ai déjà parlé aussi- et quand elle se la joue lead, c’est un solo lumineux qui transperce la pourtant puissante muraille rythmique.  (MERGING INTO LANDSCAPES).
Un autre instrument est le bienvenu: la voix de Tiina. Même si celle-ci se contente de simplement doubler la voix de Juhani sur certaines de ses compositions, cet ajout féminin et la dualité qui en découle apportent une fraîcheur indéniable.
Et un mot sur la production, deux en fait: limpide et puissante.

Naviguant entre les rives d’un métal âpre mais généreux, orchestral mais intime, Juhani vous invite à son chemin de croix. Malgré un univers de mots (maux?) oppressant , son univers musical, lui, beaucoup plus varié qu’il n’y paraît sans doute au premier abord, vous autorise une divagation sur une palette de sentiments plus large que ce que des textes volontiers morbides pouvaient à priori laisser penser.
Les latinistes qui sommeillent en vous auront traduit le prologue NASCENTES MORIMUR par «  on commence à mourir dés la naissance » et l’épilogue NEMO ANTE MORTEM BEATUS par
«  personne n’est heureux avant sa mort »… Oui, je sais...Alors, entre les deux, prenez le chemin que VOUS choisirez…



La vraie note: 8,5/10



NB; YEARNING, c’était aussi l’histoire d’une fidélité. Celle qui a existé entre Juhani et  HOLY Records, puisque les cinq albums de YEARNING sont parus chez ce label français.

0 Comments 02 février 2011
Whysy

Whysy

Read more posts by this author.

 
Comments powered by Disqus