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Aaron Stainthorpe, le charismatique et mystérieux chanteur de My Dying Bride, est un personnage atypique sur la scène métal internationale. Capable d’une froideur hallucinante en live, l’homme n’en est pas moins chaleureux lors des interviews. Pour vous en donner un exemple, voici son interview, quelques mois après la sortie du dernier album du combo anglais A Line Of Deathless Kings, où il nous livre sa vision, intelligente et posée, de l’évolution musicale de son groupe et la scène doom métal en général.



Teryx : Quelles sont les différences entre vos deux derniers albums ?

Aaron Stainthorpe : Je dirais qu’il n’y a pas tellement de différences entre ces deux albums. Tu vois, ils sonnent un peu de la même façon, les vocaux diffèrent un peu c’est vrai, il y a moins de vocaux death sur A Line Of Deathless Kings, mais il reste très sombre dans l’esprit, je dirais même que c’est l’album le plus déprimant que l’on ait fait. Donc il n’y a pas de différences énormes, mais assez quand même pour avoir une musique intéressante et qui se renouvelle.

Tu peux nous expliquer l’évolution musicale du groupe au fil des années ?

Un des albums pivots a sûrement été 34.788%...Complete, il a marqué un tournant dans notre carrière, ce n’est pas l’album que nous préférons mais il a un rôle important. Avant, notre musique était très doom, très death dans l’esprit, pas toujours très bien produite, et puis au fil des années et des albums, il y a eu plus de recherche musicale, les chansons se sont améliorées sur chaque album, la production aussi. On a continué à chercher de nouvelles idées pour que l’intérêt ne faiblisse pas.
Aujourd’hui, on pense toujours au doom, au death, à la religion, à l’amour, les sujets ne changent pas vraiment, mais on essaie de les aborder sous des angles un peu différents. Sur le dernier album, la production est vraiment bonne, il y a des bons riffs, des bons refrains, c’est l’évolution logique auxquels les fans s’attendent je dirais. Et puis tu sais, si la production avait été aussi moyenne que sur notre premier album, on aurait eu des problèmes (rires) !!

Comment se passe l’écriture des chansons chez My Dying Bride ?

De différentes manières. Parfois, j’écris les paroles d’abord, je les donne aux membres, ils les emmènent et y apposent les parties de guitare. Après on se retrouve pour finaliser le son, les arrangements, modifier des choses s'il y a besoin.
Mais la plupart du temps, la musique vient d’abord, les deux guitaristes (ndt : Andrew Craighan et Hamish Glencross) font l’ossature musicale d’une chanson, m’envoient le support et moi j’écris les paroles sur cette base.
Parfois aussi, lorsqu’on jam, il m’arrive d’écrire en direct, selon mon humeur. Donc tu vois, il n’y a pas de formule pré-faite, des fois la musique en premier, des fois les paroles, il n’y a pas d’ordre particulier.

C’est quoi le plus dur selon toi, écrire la musique ou écrire les paroles ?

Moi, mon rôle c’est d’écrire les paroles, c’est vraiment ce que je fais et ce que j’aime faire. Les guitaristes eux se chargent de la partie instrumentale. C’est le chemin classique on va dire. Mais parfois, il arrive que je me joigne à eux, que j’apporte des idées sur certains riffs, sur des arrangements pour expliquer ce que je voudrais, ce qui pourrait coller avec les paroles.

Et ça marche visiblement ?

Oui très bien !! Tu sais, My Dying Bride est un groupe plutôt démocratique, chacun peu, s'il a envie, apporter sa vision ou sa touche personnelle sur un titre. C’est vrai que je fais toujours les paroles, car je suis vraiment passionné par ça, mais par exemple si le batteur a un truc à apporter aux parties guitares, eh bien il le dira aux guitaristes. C’est aussi simple que ça.



Que peux-tu nous dire des chansons avec des titres français ?

En fait, il y a beaucoup de noms de chansons en langue étrangère sur différents albums de My Dying Bride. Par exemple un titre en italien sur The Dreadful Hours (ndt : Le Figlie Della Tempesta), avant ça il y avait un titre en allemand (ndt : sur l’album 34.788%...Complete avec le titre Der Uberlebende). En fait, j’utilise des mots étrangers parce que je considère que ça ajoute une part de mystère dans les chansons, et donc dans les albums. Je suis attaché à faire que My Dying Bride reste un groupe mystérieux, on est pas tout le temps dans les magazines comme d’autres groupes, lorsqu’il y a des séances photos, elles sont toujours sombres, assez mystérieuses comme je te disais. On évite au maximum la surexposition, on cultive un peu le secret, et ces titres aux consonances étrangères y contribuent quelque part.

Y a-t-il des titres du dernier album que tu apprécies beaucoup et que tu voudrais nous présenter ?

A l’heure actuelle, je n’essaie pas d’influencer les gens, les fans, à écouter certains titres plutôt que d’autres. Je pense que c’est une bonne chose pour les fans justement, c’est plus intuitif. Ils écoutent l’album, nous envoient des mails en nous expliquant à quoi les chansons leur font penser, quels sentiments ils ressentent, quelles idées se détachent…
Parfois, des gens me demandent ce que telle ou telle chanson signifie pour moi, quel est le sens du titre. Je leur réponds que pour le moment je ne peux pas leur dire, je préfère qu’ils écoutent d’abord, qu’ils aient leur opinion sur les chansons. Je préfère qu’ils fassent preuve d’imagination, de créativité pour s’approprier les chansons, se créer un univers personnel au travers de l’album.
J’adore juste après la sortie d’un album avoir les réactions des fans, savoir ce qu’ils ont pensé des différents titres, à quoi ça peut les faire penser etc. Et d’ici un an ou deux, j’expliquerai à mon tour ma vision de l’album, comment j’appréhende chacun des titres. C’est une démarche très intéressante et enrichissante car chacun, les fans comme le groupe d’ailleurs, apprend quelque chose au final.

Que penses–tu de la nouvelle scène doom métal, avec des groupes comme Swallow the Sun ou Daylight Dies ?

Pour être honnête, je ne connais pas vraiment la scène doom métal actuelle. Tu sais, j’ai grandi il y a une quinzaine d’années lorsque la scène doom / death commençait à se créer, où c’était encore quelques chose de frais, de novateur. Ça fait 16 ans que je suis dans My Dying Bride et c’est un peu difficile d’écouter des albums de doom qui sortent aujourd’hui, j’ai l’impression qu’ils n’apportent rien de vraiment nouveau à cette musique.
Si j’écoutais, je comparerais forcément à ce que l’on fait nous, et j’évite ce genre de démarche, surtout parce qu'en 15 ans les styles ont évolué, même le doom métal, et peut-être que je me dirais que certaines choses sont intéressantes, et que d’autres suivent juste la mode. Pour ma part, je préfère écouter des choses un peu différentes, de la musique classique, je suis aussi un grand fan de Nick Cave (ndt : auteur, chanteur, compositeur du groupe de blues Nick Cave And The Bad Seeds, écrivain, poète, scénariste), en fait des choses qui sortent un peu du métal.

Alors, My Dying Bride est-il un groupe de rois immortels (ndt : référence au titre de l’album A Line Of Deathless Kings) ?

(Rires) Non je ne dirais pas ça. Le titre renvoie plutôt à des références historiques, mythologiques même. Mais pour revenir un peu à ta question, lorsque que je regarde tout ce que nous avons fait depuis plus de 15 ans maintenant, je suis fier de tout ce travail accompli. Fiers aussi de nos premiers albums, y compris de leurs imperfections, ce que d’autres groupes ont peut-être plus de mal à assumer.
Par exemple, lorsque que je relis les paroles des premiers albums, je ne me dis pas « J’étais vraiment pas bon à l’époque » (rires). Au contraire, même jeune, j’écrivais des choses intéressantes, avec bien sûr ma sensibilité de l’époque. Le titre va aussi un peu dans ce sens là, on laisse derrière nous un héritage, une lignée dont est aujourd’hui tous très fiers.



Quels sont vos projets de concerts ?

Nous allons faire quelques festivals d’ici quelques mois. Nous serons en Norvège notamment avec Celtic Frost, qui d’ailleurs est un groupe qui a beaucoup influencé My Dying Bride.
Pour l’instant, nous n’avons rien de prévu en France, mais avec le nouvel album nous espérons faire quelques dates aux alentours de février ou mars 2007. Ca fait très longtemps que nous ne sommes pas revenus chez vous, et ça nous manque pour être franc car nous avons toujours eu des bons retours de la part du public français. Ca serait criminel pour nous de ne pas revenir vous voir (rires) !!

Ca sera avec plaisir !!
Il semble que les membres du groupe n’aient pas de « side projects ». Est-ce parce que My Dying Bride demande trop de travail ?

Oui et non. Si un des membres commence un projet de son côté, on se demandera s'il va consacrer plus de temps à My Dying Bride ou à son projet. On est un groupe un peu atypique dans le sens où on a jamais eu de manager, donc ça nous prend forcément plus de temps.
Ca ne nous empêche pas de participer à divers projets, par exemple j’ai chanté sur quelques albums, mais monter et organiser un projet prend beaucoup de temps, et nous sommes souvent occupés avec My Dying Bride.

Comment vous réussissez à gérer votre vie personnelle et votre passion pour la musique ?

C’est difficile parfois c’est vrai. Parfois c’est assez amusant aussi, s’occuper de sa femme, de ses enfants, c’est un peu le travail de la journée, mais dès que la nuit tombe, My Dying Bride renaît, c’est là qu’on travaille le plus. Ca fait un peu Docteur Jekyll And Mister Hyde tu vois, l’ombre et la lumière. C’est difficile quand par exemple on doit s’occuper des relations juridiques avec les labels, quand on doit s’occuper de nos comptes, des choses comme ça, mais on a choisi de s’occuper de tout ça en ne prenant pas de manager.
On prend vraiment nos décisions, et quand on fait une erreur, c’est entièrement de notre faute. On ne peut rejeter la faute sur personne à part nous.

Ca fait quoi d’avoir une claviériste dans le groupe, d’autant plus qu’elle est très jolie ?

C’est toujours très agréable (rires) !!
Mais bon, elle va bientôt se marier avec un guitariste, donc on va devoir chercher ailleurs (rires) !!!

Penses-tu que la scène doom va prendre de l’importance ces prochaines années ?

J’ai l’impression que c’est une sorte de cycle. Il y a des périodes où le doom est « à la mode », beaucoup de groupes font là une des magazines, les affluences grimpent lors des concerts. Et puis un ou deux ans près, l’effet de mode passe et les groupes de doom redeviennent moins connus. C’est un peu inhabituel comme phénomène.
Actuellement on est plutôt dans une bonne période, des groupes de doom sont tête d’affiche dans des grands festivals, les concerts et les ventes marchent bien, mais peut-être que d’ici un an ou deux l’effet va s’estomper.

Si jamais tu avais devant toi quelqu’un qui n’avait jamais écouté My Dying Bride, quel album lui conseillerais-tu ?

J’ai la réponse parfaite à ta question (rires) !!
Ca serait Anti-diluvian Chronicles, la set box (ndt : sortie en 2005 et contenant 3 cd), qui a été faite justement pour que ceux qui ne connaissent pas le groupe puissent accéder à toutes les facettes, modernes et plus anciennes, de My Dying Bride.

C’est la fin de l’interview.
Je te laisse le mot de la fin.

Je dois m’excuser auprès des fans français pour notre longue absence dans votre pays, hormis pour le Fury Fest. Mais c’est promis, on sera de retour l’année prochaine, comptez sur nous.

Merci beaucoup et bonne continuation.

Merci à toi et à bientôt.

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Un grand merci à Cliff pour la transcription!

0 Comments 06 septembre 2006
Whysy

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