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Un slip fourrure, un torse épilé impeccable, un poing rageur levé au sommet d’une colline dans un coucher de soleil rougeoyant. Non vous n’êtes pas dans en train de contempler une des photos de mes vacances à Ambleteuse mais la pochette somptueuse de Noble Savage, troisième album de la formation américaine cultissime Virgin Steele. Et quelle pochette amis lecteurs, qui rebutera tous les jouvenceaux prépubères qui étaient même pas nés au moment de In Utero où qui lisaient du Tchoupi en pleine ère "it‘s the finaaal countdown". Petit rappel archéologique: pour comprendre cette esthétique, il faut la remettre dans son contexte historique et conceptuel: les années 1980.

Ah les années 1980!!! Comment les expliquer à ceux qui n’ont pas connu le minitel? Cette décennie est une faille temporelle où s’est opérée le croisement (téléscopage?) interstellaire entre l’élégance néandertalienne et l’apparat madmaxien mais c’est aussi l’ascension irrésistible d’un libéralime débridée inspiré par Reagan, Tatcher et Friedman. Dans ce contexte le métal a subi une inflexion américaine, bling bling, qui tend à pasticher et ériger le superflu en essentiel.Les Américains de Virgin Steele dont les photographies attestent visiblement qu’ils savent ce qu’élégance barbare signifie incarnent un autre chemin, une musique plus authentique, le true. La formation présente un Heavy mental philosophique naturaliste qui dénote, en 1986, dans un monde métallique qui évolue vers le glam/Sleaze/FM. En l’année tricentenaire (2012) de la naissance de Jean Jacques Rousseau on ne peut voir, dans cette pochette, qu’un hommage implicite au bon sauvage mythe philosophique fécond de l’homme affranchi et libéré de toute possession, de toute servilité de toute corruption. L’homme dont sa splendeur se révèle par l’intégration consciente de son animalité c’est ainsi que cette pochette prend tout son sens, à contre courant d’une période paillette où les lumières sont celles des néons aveuglants plus que de la pensée.

A la faveur d’une vaste entreprise de rééditions discographiques qui ressort sous éditions digipack agrémentées généreusement de bonus, et d’un livret gavé de commentaires; il est grand temps de redécouvrir les fastes musicaux d’une formation cultissime qui a donné grandeur et puissance au métal épique et il faut l’avouer une certaine intelligence, ce qui explique peut être le retrait relatif de Virgin Steele dans un genre où l’efficacité a été mis en avant par des formations plus célèbres mais aux paroles caricaturales et auto-centrées et finalement plus limitées. En une phrase je dirais que la formation américaine a introduit la poésie dans un métal barbare et héroïque.

Imaginez vous dans une aube matinale en forêt chevelue habillée d’un pagne en peau de blaireau et d’un gourdin fait d’un os de gnou ouvragé patiemment pendant les longues soirées d’hiver. En cet instant précis vous ne faîtes plus qu’un avec la nature et lvous pouvez hurler: " I’m a Savage, I am a King" refrain éternel de Noble Savage. Le clamer en 1986 ou 2012 c’est pousser le cri primitif de l’homme monté du fond des âges pour se libérer en une rage animale et décomplexée qui s’oppose à une civilisation désincarnée et aliénante. Plus qu’un refrain, c’est un appel à la liberté et le titre comme l’album Noble Savage incarneront pour un quart de siècle ce que Virgin Steele est.

Le livret apprend que le premier manager du groupe voulait retirer le final poignant et désespéré de ce titre qui a coloré de son empreinte cet album. Insensible aux préoccupations mercantiles réfractaires à l’onirisme, David Defeis a tenu bon et a donné au Heavy métal un album grandiloquent et, il faut le dire magique.On tient là la naissance d’une patte, d’une griffe, d’une signature, celle d’un Heavy paien et tellurique, rustre et noble, viscéral et pourtant impalpable. Cette dimension épique s’illustre aussi dans la composition de bande son de Peplum grandiloquent comme l’atteste le majestueux Angel of light.
Une des pistes qu’explorera par la suite la formation avec inspiration et élégance (Invictus, la saga en dyptique des Atrides...).
Hymne à la nature sauvage et profonde, impétueuse et injuste, libre comme le torrent et puissant comme un ours,cett album est le premier avec Edward Pursino qui remplace le Co-fondateur Jack Star pour le meilleur. David Defeis peut ainsi déployer tout son potentiel tant à la composition qu’au chant où il reste plus de 26 ans après Une des grandes voix du Métal, passant d’un murmure à un cri en quelques secondes en ne perdant jamais de vue la dimension théâtrale et grandiloquente que sa musique porte.

Mais ce n’est qu’un seul aspect de Virgin Steele. Tel un Janus métallique, le groupe présente deux visions, deux chemins, deux voies qui s‘unissent dans une ambition , celle d‘un métal authentique, vrai, pur et finalement Truer than true. En 1986, la formation est ancrée dans le heavy, celui de son époque, dans une veine US, en mode rageur (The Evil In Their Eyes) ou FM puissant (Don ‘t close your eyes), le heavy métal c’est alors des ballades enflammées qui dévergondaient les ménagères peu farouches d’outre Loire. Epoque d’insouciance (Sarkozy et Bush n’avaient pas encore été présidents), l’antépénultième décade du Xxième siècle se caractérisait aussi par des hymnes à la nuit commet We rule The Night, le Living after midnight des Américains, le morceau hargneux qui claque les abstentionnistes, l’immortel We rule the night et sa guitare qui gratouille, son riff qui tue. Autres brûlots typiquement 1980, I’m on Fire et Rock Me sont des réussites aussi évocatrices que l’inoubliable « l’été sera chaud, l’été sera chaud, dans les t shirt dans les maillots » du regretté Eric Charden

Des titres supplémentaires composés pour Noble Savage avaient dû être écartés pour des raisons de duréée standard d’un disque Vynil. Ils sont réintégrés avec bonheur dans cette version qui une nouvelle fois s’impose comme un exemple à toute initiative comparable. Encore faut-il en avoir le matériel et la qualité pour ne pas déséquilibrer l’ensemble. Le pari est réussi avec une Mention spéciale au fier The spirit of Steele et son prolongement majestueux The Pyre of king ou l’éclatant Come and Love me qui souligne la puissance de Defeis sur les aigus.

Rarement une telle initiative de rééditions n’aura été aussi ambitieuse et complète le disque bonus est ainsi blindé de cinq titres supplémentaires enregistrés à l’époque Noble savage: une adaptation d’une musique d’Edvard Grier (Ase’s death) deux morceaux réarrangés récemment et qui étaient destinés à Original Sin, le groupe de Danae, la sœur de David Defeis. Un apport encyclopédique qui précise les deux visions Virgin steelienne même si les versions pré rpoduites des morceaux ou les mixages intermédiaires ou primitifs qui concluent ce deuxième disque sont d’un intérêt secondaire.

Avec Noble Savage, Virgin Steele entre de plein-pied dans le monde des grands et s’impose comme La référence de Heavy US épique entre Judas Priest et Manowar. Ce mariage d’un piano, d’une voix magistrale et d’un des meilleurs guitaristes du style accouche d’une musique héroïque dont les promesses se concrétiseront par la suite.

0 Comments 15 juin 2012
Whysy

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