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Chroniquer un nouvel album de Deep Purple en 2013, et le trouver excellent, voilà bien une chose à laquelle je ne m'attendais pas du tout. Et surtout, là où les vétérans m'impressionnent le plus, c'est la leçon qu'ils offrent à plus ou moins tout le monde. Qui veut l'entendre, bien sûr, mais aussi ceux qui sont à peu près dans la même catégorie. Que j'aimerais que le prochain album de Maiden soit aussi énergique, aussi créatif, aussi bon quoi. A quelque jours de la première écoute du nouveau Black Sabbath, gardons en tête ce superbe Now What?!, dix-neuvième album de Deep Purple.

Il démarre pourtant sobrement, avec l'assez bon A Simple Song, morceau qui porte bien son nom, et on se dit qu'ils sont bien sympathiques les papys (320 ans à eux cinq), qu'ils ont encore la pêche, mais bon, faut pas pousser mémé, n'exagérons rien.

Grossière erreur.

Dès le furieux Weirdistan, l'album s'emballe, s'emplissant de sonorités étranges, de rythmiques moins évidentes, de solos héroïques, de développements intelligents et surtout d'un son de malade. C'est qu'ils se sont permis le luxe d'un producteur légendaire en la personne de Bob Ezrin, dont les choix parfois controversés ont fait le bonheur de certains groupes (Alice Cooper, Pink Floyd, Kiss) et le malheur d'autres (Pink Floyd, Kiss), selon les cas. Gillian chante presque comme s'il avait 25 ans again, mais c'est principalement Don Airey, le claviériste, qui en met plein la gueule à tout le monde. Le mec est survolté, et colore les morceaux de l'album de son jeu alternativement très purplesque et hyper moderne, parfois les deux en même temps.

Qu'est-ce qui a poussé ces mecs, aux portes de l'hospice, auréolés du statut de légende fondatrice qui aurait pu les autoriser à continuer à tourner tranquillement comme ils le font depuis quelques années, ou pourquoi pas se rentrer peinards, prendre la tangente, lancer un petit tournoi de bridge agrémenté d'une bonne bouteille de sherry, qu'est-ce qui a pu les pousser à faire un album aussi dangereusement bon ?

C'est qu'y a pas un morceau de merde sur ce Now What?!, on oscille entre le bon et le très bon, le classique un peu musclé et le carrément barré. Les mecs gueulent comme s'ils étaient èssdèss (Hell To Pay), balancent du riff d'airain comme si on les avait chargés eux et personne d'autre de prolonger l'héritage de lèdzèpe (Out Of Hand), se permettent des intros de claviers majestueuses incarnant outrageusement le rejeton illégitime de Tony Banks et Jimmy Page (Above & Beyond, morceau hommage au regretté Jon Lord), poussent le vice jusqu'à faire dans le piège mélancolique qui se transforme en fanfare à la Keith Emerson (Uncommon Man, private joke), des fois même ils font du Deep Purple (Apres Vous) quand ils ne s'adonnent pas à la ballade country-rock (All the time in the world). Et puis surtout ils envoient un gentil message à David Coverdale, Glenn Hughes, Iommi & consorts, Lemmy, Keith & Mick, ainsi qu'au mari de Candice Night: Deep Purple, malgré l'affichage du compteur, bande dur, et Gillian, sur l'incroyable Vincent Price, le chef d’œuvre de l'album, un des meilleurs morceaux de la décennie à n'en pas douter, pousse le cri que nous attendions tous depuis Mathusalem et son fils dans le temps. Cette pièce, leur Thriller à eux, (intro d'église, riff Bondesque torturé et glauque, choeurs à la Ghost featuring Rick Wakeman, guitare tremblotante Hammer/Doctor Who) est une merveille de second degré britannique, et se dote d'un refrain à relever les morts. Feels so good to be afraid, voilà une phrase qui fait plaisir à entendre dans la bouche de Gillian, Et ce cri, mes aïeux, Ian Gillian is back again.

Imaginer que Deep Purple allait nous pondre un opus qui deviendrait un sérieux prétendant au titre d'album de l'année, voilà un scénario qui aurait fait hennir J.J. Abrams. Divine surprise, cadeaux des dieux, redondance, Jon Lord est mort et voici sans doute le meilleur hommage que l'on pouvait concevoir : transcendé, Don Airey illumine de sa classe le sublime Now What ?!, entourés des quatre survivants que sont Ian Gillian à l'organe majestueux, Roger Glover débarrassé des papillons, Steve Morse revenu de ses escapades volantes et le Paice à lunettes, l'Ian de toujours, l'homme qui n'a manqué aucun album de Deep Purple, un Deep Purple que l'on attendait plus. Allez, vous reprendrez bien un peu de Vincent Price.

0 Comments 31 mai 2013
Whysy

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