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L’histoire de Camel, c’est surtout l’histoire d’Andrew Latimer, son guitariste, flûtiste, principal chanteur et principal compositeur. Un homme doux et taciturne, aux talents techniques notables mais peu exceptionnels, tout de même doté d’un remarquable feeling, un mot qui veut tout et rien dire mais vous avez compris. Une sorte de Gilmour en moins mythique.

C’est aussi l’histoire d’un groupe qui a percé, à son époque, mais à l’instar de son collègue et principal concurrent, Caravan, n’a pu subsister que grâce à une cohorte de fans fidèles et prêts à répondre aux appels du groupe dans les années 80 et 90. Dans la deuxième division du prog, avec Soft Machine, Caravan, Van der Graaf Generator et autre Gong, Camel a pu installer un nom, une marque, un savoir-faire, mais sans jamais exploser au plus haut niveau et se battre contre les mastodontes du genre qu’étaient Yes, Genesis ou Pink Floyd. Et sans, non plus, comme tant de ses contemporains du début des seventies, participer à la vague de renouveau néo-prog, dont ils seront pourtant un des principaux inspirateurs.



L’album qui nous intéresse aujourd’hui sera donc le dernier de la première partie de cette Saga. Vous comprendrez pourquoi son existence relève du miracle, et constaterez l’influence énorme que son illustre géniteur aura su insuffler. C’est plus qu’un chant du cygne, le dernier album prog de la première génération était le Going For The One de yes, rappelez-vous, c’est un écho lointain et bien sûr, il est déjà très teinté de ce que sera la seconde génération. Avant de parler de ce magnifique Nude, revenons sur la bio de Camel.

Tout commence donc avec Andrew Latimer. Né en 1949, le jeune guitariste fonde en 1964 les Phantom Four avec son frangin Ian : le groupe, après des concerts locaux, se sépare, et déjà les musiciens se succèdent, jusqu’à ce qu’en 1969 un power trio se stabilise. The Brew comprenait alors Latimer (20 ans), Doug Ferguson (17 ans) à la basse et le monstrueux Andy Ward à la batterie, alors âgé de 14 ans ! Les trois bambins recrutent en 1971 le claviériste Peter Bardens, une sommité de l’époque, qui avait joué avec Them, Rod Stewart ainsi que Mick Fleetwood et Peter Green, futurs Fleetwood Mac. Ils changent leur nom, deviennent Camel, nom dont on ne sait toujours pas d’où il vient exactement, et signent chez MCA.



Le premier album de Camel, sobrement intitulé… Camel, est un échec commercial, car il est vrai qu’il est encore très balbutiant et hésitant. Le son est assez mauvais, le groupe presque minimaliste, et les deux leaders que sont Bardens et Latimer n’ont pas encore trouvé la recette pour faire de leur manque de technique une force. Il est vrai qu’à côté de Selling England By The Pound de Genesis, ou Tales from Topographic Oceans de Yes, tous deux parus la même année (1973), Camel semble très naïf et faible, à tous points de vue.

Et puis, surtout, ce n’est pas vraiment du prog. C’est un rock hybride, marqué à la fois par le jazz, le blues, et la musique instrumentale et psychédélique des années 60. Pas de longs morceaux, pas de structures ambitieuses, le groupe joue simple, à la manière d’un Pink Floyd, le talent exceptionnel en moins. Un seul morceau tire son épingle du jeu, c’est le magnifique Never Let Go. Les ingrédients Camel sont là, la recette est la même que sur le reste de l’album, mais cette fois, ça marche ! On y découvre le style Camel, cette rapidité accentuée par le jeu mirifique d’Andy Ward et l’économie de gestes de Latimer. Camel, ce sera, le plus souvent, un groupe dans lequel le batteur et le bassiste sont en furie, débordant de vitalité et de prestance, alors que le guitariste, le clavier et le chant sont réduits au minimum, comme pour éclairer le paradoxe de cette combinaison.



En 1974, le groupe publie son deuxième album, Mirage, et cette fois saute le pas du prog. Malheureusement, le souci principal de ce superbe album, c’est que justement, on est en 1974, et Camel joue du prog des années 1969-70 : hésitant, peu produit, et répétitif. Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, Mirage est très loin de la qualité de Relayer, encore de Yes, ou de l’immense Red de King Crimson. Heureusement, ce genre de remarques est surtout très anachronique, et si les techniques évoluent à l’époque très rapidement c’est moins le cas des goûts des auditeurs. En 1974, même si on a pu se mettre sous la dent des albums très produits et superbement ciselés (songez qu’au moment où les gens écoutent ces bluettes planantes et cosmiques d’un proto-prog mal assuré mais sincère, The Dark Side Of The Moon est déjà au sommet des charts depuis un an), les gens sont très ouverts et écoutent l’album, surtout aux USA. Echaudés par le four de leur premier effort, les quatre britanniques avaient alors rejoint Decca pour produire Mirage, Decca qui cette fois avait su faire preuve d’un peu plus de jugeote que lorsqu’en 1962 le célèbre Dick Rowe avait déclaré au jeune manager Brian Epstein que les groupes à guitares allaient bientôt disparaître, et qu’il ne signerait pas les Beatles sur son label. C’est ce qu’on appelle le flair.

Une fois qu’on s’est fait au son, la magie de Camel opère, notamment sur le sublime Nimrodel, hommage à Gandalf, et l’excellent Lady Fantasy. C’est sur ces morceaux qu’enfin, Andy Latimer, jusque là gauche et emprunté, va montrer soudainement son véritable talent. En véritable fan de Hank Marvin qu’il était sans doute, comme tout guitariste britannique né avant 1950 (Hank Marvin, leader des Shadows, sans doute le guitariste anglais le plus influent du siècle), Andy se met à faire chanter sa guitare, jouant cette partition particulière, entre rythmique et solo, toujours en mélodie, assurant le lead d’un groupe instrumental.

C’est ainsi que sur le fantastique The Snow Goose, paru en 1975, le hasard va leur filer un bon gros coup de patte (d’oie). C’est déjà un peu moins la mode à l’époque, mais qu’à cela ne tienne, les Camel ont l’air d’avoir encore quelques années de retard, ils décident dans la lignée de Nimrodel de construire tout un album autour d’un livre. Le choix du groupe se porte sur la nouvelle de l’américain Paul Gallico, The Snow Goose, un texte magnifique écrit en 1941 sur fond de guerre, d’amitié et d’amour, un texte poignant et particulièrement lacrymal, qui avait obtenu un énorme succès en Angleterre. Alors que le groupe avait prévu des textes inspirés du livre, l’écrivain les menace de procès, et ils préfèrent finalement intituler leur album Music Inspired By The Snow Goose, et d’en faire une oeuvre instrumentale.

Coup de pouce du destin, ce qui aurait pu être une décision précipitée et provoquer l’échec de l’album est en fait l’élément majeur qui va en faire une réussite totale. Accompagné d’un orchestre symphonique magistralement arrangé, Camel est au summum de sa maîtrise, et a enfin trouvé le ton juste, le modus qui va leur permettre de marquer fortement l’histoire du prog avec cet album, The Snow Goose et le suivant, plus cosmique, Moonmadness.



C’est surtout la performance d’Andy Latimer qui frappe l’auditeur dans ce chef d’œuvre. Il est tout simplement au sommet de son art, maniant son vibrato avec dextérité, sachant se faire doux et romantique sur des cordes en nylon, et c’est sa guitare qui donne la direction mélodique de l’album. Peu de guitaristes auront ainsi su trouver un milieu si juste entre rythme et solo, entre accords et mélodies. Robbie Krieger, bien avant cela, avait déjà éclaboussé de son talent les albums des Doors, empruntant aux grands guitaristes de jazz. Steve Howe de son côté, a également accompli quelques performances exceptionnelles dans ce style, mais cela, vous le savez déjà. Andy, quant à lui, n’est toujours pas technique, ne se complique guère la vie, mais quelle beauté, et quelle prestance : il a, enfin, trouvé le bon son, le bon style, le créneau qui va le définir et faire de lui un des guitaristes majeurs du prog. Il illumine presque littéralement ce délicat recueil de mélodies, perlées comme des comptines mélancoliques, d’une beauté et d’une tristesse chavirantes.

Le créneau de Latimer et de Camel, qu’il embarque dans son sillage, sera la modestie, au service d’une mélodie simple et touchante. Ils sont moins techniques et complexes que Yes, leurs créations musicales n’ont pas l’exceptionnelle qualité de Genesis ou la noirceur géniale de King Crimson, mais qu’à cela ne tienne, ils ont leur style, et ils vont s’y tenir. La seule chose qui va évoluer, malheureusement pourrait-on dire, c’est qu’il y a sur The Snow Goose quelques tentatives expérimentales de jeu et d’ambiances, notamment l’incroyable enchaînement Friendship, Migration et Rhayader Alone. Friendship est une courte pièce pour instruments à vent : un basson, une clarinette et un hautbois, délicatement soutenus par des flûtes et un clavier. S’ensuit alors Migration, mélopée pop aux accents britanniques  fredonnée par Latimer, et enfin le final, Rhayader Alone, piano électrique et guitare en son clair, pour deux minutes d’une tristesse infinie, et d’une beauté discrète mais éternelle. En moins de six minutes, trois séquences qui nous offrent le meilleur de Camel, à un niveau de qualité mélodique que le groupe n’atteindra plus jamais.



1976 sera l’année de la maturité pour Camel. Après avoir confiné au génie et trouvé sa voie sur The Snow Goose, le groupe va plus loin et produit son album le plus cosmique et planant.  Moonmadness est un album excellent, souvent qualifié de « meilleur album de Camel », même si à mon sens ce n’est pas le cas, car il brille surtout de ses deux derniers morceaux, Air Born et Lunar Sea. Il marque en tous cas la fin d’une époque, celle du line-up classique, et donne le départ de longues années compliquées et bordéliques, que je vais gentiment vous résumer en une phrase : le personnel ne nous intéresse guère, vu que Camel c’est Latimer, sachez qu’il a toujours été là, et qu’autour de lui c’était un bordel innommable mais le principal était bien présent, sa guitare, sa flûte, sa voix et ses compos. En plus simple, Camel depuis 1976 c’est le Andrew Latimer Project, toute une série d’intervenants différents presque à chaque album, autour d’Andy.

Camel se fait pop sur Rain Dances, un album inégal qui contient tout de même l’excellent Tell Me : le son est là, l’esprit Camel est bien présent, mais les morceaux sont moins percutants et efficaces, et surtout, l’éventuelle compromission synth-pop durement ressentie par les fans. Et puis, en 1977, plus personne n’a vraiment envie d’écouter du prog. L’impression que Camel est en train de se perdre en route s’accentue avec Breathless, qui malgré le sublime Rainbow’s End, ne peut masquer ses faiblesses. L’inspiration de Latimer semble s’amenuiser, et sa méthode de multiplication des intervenants ne porte guère ses fruits. Leur album suivant, I Can See Your House From Here, est un excellent recueil de très belles pièces (notamment le majestueux Ice) où cette fois les ambitions pop de Latimer sont marquées par une justesse de ton qui manquait aux deux précédents opus. Malheureusement, le destin sera cruel avec le groupe, car le public boude l’album, et cet échec cuisant les mettra dans une position délicate par rapport à Decca.



Dans la tourmente punk et new-wave, abandonné par le grand public, ne pouvant compter que sur une poignée d’irréductibles et sur le point d’être lâché par son label, Andy Latimer réunit ses dernières forces, recrute un nouveau claviériste et fait appel à sa future femme, Susan Hoover, lui confiant le soin d’adapter une histoire vraie en vue d’un album concept.

Et là, c’est le miracle.

Alors que les Genesis, Yes, ELP, Alan Parsons, Pink Floyd et même King Crimson avaient, à cette époque, définitivement abandonné l’idée de faire du rock progressif à l’ancienne, Camel se rebiffe, et publie avec Nude en 1981 le dernier album de prog de la grande scène britannique, commencée en 1969. Bien entendu, cette scène était stérile depuis déjà plusieurs années, et l’on peut dater, comme je vous l’ai déjà raconté, sa mort officielle de 1977, lors de la sortie de Going For The One, de Yes. Nude est donc une sorte de miracle, une délicate fleur au milieu d’un désert sans fin, le dernier écho d’une splendeur passée.

Et pourtant, ça commence mal. Le premier morceau, City Life, ne doit rien au prog, rien aux seventies, il est mou, faiblard, et pourtant je l’adore hein, je l’aime vraiment « with all my heart » comme on dit mais c’est clairement un début raté. Il porte tout de même en lui un soupçon de ce qui va être la fil conducteur de l’album, la nostalgie. L’album raconte l’histoire de Hiroo Onoda, un soldat japonais qui refuse de cesser le combat à l’été 1945, et s’isole sur une île des Philippines où il restera près de trente années avant d’être enfin relevé de son service par son ancien officier commandant. C’est donc une histoire tragique, empreinte de la tristesse d’une situation bloquée, de la douleur des familles au pays et de la solitude d’un homme perdu dans la jungle.



C’est surtout à partir de Drafted que la magnificence de l’album nous prend à la gorge, que les yeux se gonflent de larmes et que le cœur se serre : une musique si belle, si poignante, et si triste, n’est pas faite pour évoquer une joie glorieuse, un présent héroïque ou un futur radieux. C’est la mort qui nous est contée, la mort de ce qui fut grand, beau, et bon, les regrets embrumés de souvenirs qui s’évanouissent lentement. Elle chantait, et maintenant elle pleure : Andy manie son instrument comme jamais, il fait de sa guitare un exutoire et semble lui aussi, par le biais de son concept, exprimer une vérité crue. Malgré ce que les chiffres démentent, eux qui n’auront jamais intégré la première ligue, par son acte d’héroïsme Camel accède au statut de dinosaure en publiant ainsi un album de prog aussi planant, atmosphérique et précis, à une époque où plus personne n’en veut.

Restant fidèle à lui-même, plus artisan qu’artiste, Latimer nous propose des morceaux aux mélodies impeccables, avec le soupçon d’improvisation/expérimentation nécessaire à qualifier l’ensemble de prog, et l’album file sans le moindre temps mort. Ca plane sérieux sur Drafted, Reflections et Landscapes, on distingue des touches délicates de world music (Changing Places) ou de synth pop jazzy et énergique (Captured), et on se noie avec délices dans des longues plages bluesy et puissantes avec Lies et Docks. Les sommets de l’album sont atteints quand Latimer, sans le moindre complexe, va inventer l’héroïsme du manche de sa Les Paul : Beached et l’exceptionnel Nude’s Return sont des éclairs foudroyants de majesté, et malgré l’architecture sonore assez modeste de l’ensemble, sa beauté et sa puissance sont indéniables.



Au mitan des deux décennies, l’album préfigure le renouveau commercial du prog, et ce renouveau sera principalement incarné par Marillion. Dans le Marillion première époque, dont je vous parlerai évidemment dans la deuxième partie de la Saga, on retrouve deux éléments forts, deux paradigmes créateurs et marquants : le chanteur, Fish, se déguise, délivre des prestations théâtrales, et joue de sa voix exceptionnelle pour exprimer toute une palette d’émotions et de nuances, à la manière d’un Peter gabriel. De son côté, Steve Rothery, le guitariste, joue à l’économie, ne fait jamais une note de trop mais livre souvent des moments d’un héroïsme délicat et magnifique, d’une douceur et d’une mélancolie profondément inspirées par le jeu d’Andy Latimer. Genesis et Camel, on peut le dire, sont tous deux à l’origine de cette résurrection, résurrection du style prog mais pas des influences prog car ces influences, comme on le verra plus tard, n’avaient jamais disparu, mais juste changé de style.

Genesis, lors de sa transformation de héros du prog classique à machine à tubes, aura proposé un certains nombre d’albums situés entre les deux extrêmes, je pense notamment à Wind & Wuthering et And Then They Were Three, qui auront proposé au public et aux futurs néo-proggers des compromis intelligents et bien construits entre complexité prog et simplicité pop. Camel, de son côté, aura eu le courage et l’abnégation de sortir un album prog en plein milieu du trou noir, donnant espoir et grain à moudre à tant de jeunes britanniques et américains qui pensaient devoir ronger leur frein, et Andy, quant à lui, aura inspiré à son tour nombre de jeunes guitaristes en devenir.



Mais Latimer et sa bande, après avoir été en retard pendant près d’une décennie, sont cette fois trop tôt : l’heure n’est point au retour du prog, l’album ne se vend guère mieux, la pression augmente et Decca envoie à Andy un ultimatum. Ce sera un hit, ou la porte. Latimer s’exécute, et publie The Single Factor, un triste album de hard-pop mal produit et mal interprété, aux morceaux honorables mais à réserver aux fans hardcore qui sont prêts à écouter n’importe pourvu qu’on y entende Andy chanter et jouer de la gratte. Ce qui est mon cas, je l’avoue sans honte. The Single factor se vend encore moins bien que Nude mais heureusement, la tournée qui suivra permettra à Latimer de garder la tête hors de l’eau. Stationnary Traveller sera le dernier album de cette période trouble, un excellent album mais terriblement marqué par la production des années 80, ce qui le rend difficilement écoutable aujourd’hui. Camel ne fait plus de prog, même si cet album est encore conceptuel, et Nude reste le seul album prog de Camel de cette période, qui marque définitivement la fin d’une époque : le groupe disparaît alors des radars.

Le retour est officiel en 1991 avec l’album Dust And Dreams, dispensable. Il sera suivi du splendide Harbour Of Tears et des très inégaux Rajaz et A Nod And A Wink. En 2007, de graves ennuis de santé poussent Latimer à cesser toute activité, et ce n’est que récemment qu’il a pu recouvrir assez d’énergie pour se remettre à jouer et envisager un nouvel album. Une attitude tout à fait remarquable: manufacturier infatigable, nous ne pouvons qu’espérer qu’il a encore en lui assez de sève pour nous offrir encore quelques moments magiques, même s’il y a bien peu de chances qu’ils soient dignes de Nude, et carrément aucune qu’ils nous évoquent The Snow Goose.

Je vous invite à de ne pas choisir entre ces deux albums, malgré leurs différences saisissantes : vous y trouverez la même tristesse, la même beauté, le même sens de la mélodie imparable et du trémolo subtil. Vous n’entendrez pas sur The Snow Goose la voix chaude d’Andy Latimer, mais sa guitare l’est tout autant. Vous n’entendrez pas sur Nude l’exceptionnelle dextérité du génial batteur Andy Ward, mais qu’à cela ne tienne, à chaque opus son originalité, son identité, les deux se valent et se complètent.



C’est ainsi que se termine la première partie de La Grande saga du Prog, qui vous aura tenus en haleine pendant des mois, je l’espère. C’était les grands jours du style, la période classique, golden age, c’est pour ça que vous avez peut-être eu l’impression que je ne vous parlais en termes ultra-élogieux que de grands classiques, d’albums mirifiques et d’artistes géniaux. Cette impression se justifie totalement, car c’était tout à fait mon attention. Oui, en ces jours de Gangnam Style et Golden Resurrection il peut sembler étrange que de tels géants aient arpenté nos esgourdes, aient nourris nos cages à miel de leur musique divine. Je n’ai rien inventé, tout est vrai, c’était le prog, c’était énorme, et à l’époque ça ne choquait personne. J’ai l’impression qu’aujourd’hui le moindre album un peu mieux produit, mieux écrit et mieux interprété déclenche l’hystérie collective et c’est sans doute dû à la baisse généralisée du niveau moyen des productions musicales récentes.

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, y avait des bouses en 69-77, en avaient des belles, et qui se vendaient bien. Mais à côtés de ces constructeurs de galettes sans scrupules on trouvait les Yes, Camel, King Crimson, Genesis, Pink Floyd, Jethro Tull, ELP, Mike Oldfield et Alan Parsons. Et puis aussi Focus, Van der Graaf Generator, Kaipa, Soft Machine, Gentle Giant, Caravan, Todd Rundgren, Banco del Mutuo Soccorso, Eloy, et tant d’autres. Si on ajoute à cette liste non exhaustive les grands mastodontes du rock de l’époque (Led Zepp, Stones, Who, Neil Young), on obtient une courte période où le niveau général se sera hissé à des hauteurs inespérées et jamais atteintes depuis.

Dans la deuxième partie de la Saga, à paraître prochainement, je vous conterai comment le prog est réapparu, born again de ses cendres encore fumantes, mais en ayant changé ses atours, pour former la vague de ce que l’on appelle le neo-prog. Mais aussi comment les principales caractéristiques du style ont été adoptées par nombre de groupes de metal, et puis enfin, comment le prog à papa a connu une seconde jeunesse dans les années 90. On y trouvera des groupes de black metal ayant su astucieusement marier leur musique à des sonorités prog, des suiveurs d’un culte des anciens produisant leurs albums comme si le punk n’avait jamais existé, des fous furieux du break rythmique injouable et inaudible, et puis, bien sûr, du Moog et Mellotron. Que serait une saga du prog sans Mellotron, je vous le demande.

0 Comments 24 décembre 2012
Whysy

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