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1995. En se replaçant dans le contexte de l’époque, la scène death metal mélodique est tout juste à un état embryonnaire, et c’est le speed qui règne d’une main de fer sur le métal international. Mais voilà, il y a quelques irréductibles vikings pour contester cette suprématie, et Mickael Akerfeldt en fait partie. Alors que son précédent groupe, Eruption, vient de splitter, il monte aussitôt un nouveau groupe avec un ami de longue date, groupe qui va se nommer Opeth. La belle aventure commence donc ici.

En 1995, le black métal commence à perdre son rayonnement dans les pays scandinaves, mais la musique fétiche du nord de l’Europe qui a fait couler tant d’encre va cependant inspirer musicalement parlant un certain nombre de formations. A commencer par Opeth. Car le défi principal est d’arriver à décrire le plus fidèlement possible leur musique. Pour cela, rien de tel que d’écouter la première offrande des suédois, Orchid.

Première indication de taille, le format des chansons : 7 titres c’est peu, mais presque 70 minutes de musique, c’est beaucoup. Par un savant calcul, on en arrive à 10 minutes en moyenne, ce qui à l’époque est déjà un défi en soi. Mais loin d’être incohérent. En écoutant simplement la chanson d’ouverture, In Mist She Was Standing, on peut estimer déjà avoir tout vu et tout compris de la musique du groupe. Réducteur me direz vous, pas tant que cela au final. Avec une ouverture directe, sans fioritures, on plonge directement dans l’ambiance si particulière que Opeth s’attache à créer : des riffs gorgés de mélodies, une lead guitare pleine d’à propos et de subtilité, un travail rythmique incroyable emmené par des parties batterie d’une technique impressionnante pour l’époque, entre vélocité et toucher, mais avec une souplesse enivrante. On est rapidement entraîné par cette facilité déconcertante et cette justesse évidente, puis la partie plus sombre vient déjà bouleverser cet équilibre : les riffs se durcissent, plus compacts, plus brutaux, et le vocal fait son apparition. C’est là que l’on peut se rendre compte de la similitude avec le black par exemple, Mickael Akerfeldt (guitare lead et chant) nous gratifie d’un chant death très rugueux, très profond mais avec des modulations continuelles entre grave et aigu. Evidemment, un temps d’adaptation est nécessaire, et les erreurs de justesse sont présentes bien que rares, mais n’altèrent pas la qualité des compositions.

A ce moment, on se dit qu’on a compris, c’est du death assez brutal mais relativement accessible. Encore raté. C’est là que le silence se fait, et puis une petite guitare acoustique fait son apparition, toute discrète qu’elle est. On croit nager en plein surréalisme, mais on écoute bien du Opeth. Cette capacité à passer d’un death métal très dur, brutal, à des passages acoustiques d’une sensibilité, d’une finesse qui contrastent complètement avec le reste, c’est véritablement la marque de fabrique du combo suédois. Toujours déstabiliser l’auditeur, leur devise. Et force est de constater que ça marche, on se prend rapidement au jeu, découvrant à chaque écoute de nouvelles choses.

Pour en apporter une preuve plus concrète, Silhouette, instrumentale piano (du vrai piano), nous mystifie complètement : en 3 minutes seulement, Opeth nous montre tout son talent de composition, toute la profondeur et la beauté qu’il sait insuffler à chacun de ses morceaux, peu importe les instruments utilisés. Et puis il y a le chant clair : on pourrait penser aussi qu’il y a un autre chanteur, mais c’est bien le même Mickael qui se charge de cela, tout en contraste lui aussi, entre puissance et brutalité sur le chant death et tout en subtilité et richesse sur le chant clair. Voilà clairement le gros point fort de Orchid et du groupe en général, cette ubiquité de styles qui peut arriver à tout moment, sans que l’on s’y attende le moins du monde.

Opeth sait très clairement créer des ambiances très froides, très personnelles, très lourdes, dans lesquelles il faut savoir rentrer pour en apprécier l’essence. Sans passer en détails sur chaque titre, Opeth ne se répète pas, nous étonne à chaque minute, sait faire la part entre parties métal et acoustiques. Le chant, perfectible sur bien des points, se fait finalement assez discret, laissant la place aux parties musicales pures. Même si l’ennui est absent, il y a quelques longueurs sur certains titres, mais rien de vraiment étonnant pour un premier album. De manière générale, l’ensemble est savamment construit, avec intelligence et finesse, et le résultat s’en ressent.

Le problème majeur que l’on peut rencontrer avec Opeth, c’est de retranscrire leur musique avec des mots. Vraiment difficile, il faut écouter pour le comprendre. Tout comme il faut entrer dans la musique et dans les ambiances élaborées par les suédois pour en apprécier pleinement la saveur. Mais passé ce cap, on prend vraiment un plaisir énorme à écouter Orchid. Certes, tout n’est pas parfait, entre autres le vocal qui peut s’améliorer et les quelques longueurs qui se dissimulent de ci de là, mais l’ensemble est tout de même d’une maturité impressionnante. Mickael Akerfeldt, qui deviendra le gourou de la secte, fort de son bagage musical et de son talent indéniable de composition et d’écriture (le song writing est de grande qualité lui aussi), nous livre pour son coup d’essai un album qui frise le coup de maître. Sans prétention, mais avec génie, tout simplement.

0 Comments 09 mai 2006
Whysy

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