Luttant contre la fatigue, avançant à tâtons, redoutant l’obscurité naissante, l’on s’avance dans cette inextricable forêt, berceau de rites oubliés, temple de dieux farouches et redoutables… Mais nous, puissants guerriers de la belle nation slave, ne craignons rien. Ce lieu est nôtre, et ce vent ancien qui refroidirait les corps les plus endurcis réchauffe nos cœurs, car il porte en lui toutes nos légendes… Que nous sommes aujourd’hui venus honorer fièrement ! Tendez donc l’oreille aux récits épiques de nos ancêtres, et jamais n’oubliez leur force et leur courage !


Tel semble être le message vindicatif que défend gaillardement la jolie Masha « Scream », chanteuse et leader d’Arkona, l’un des tous meilleurs représentants du Folk/Pagan Metal actuel. Et si un prologue chargé de mystère, de mysticisme, nous installe dans une ambiance plutôt inquiétante, le grognement bien rauque et le déchaînement rythmique monstrueux, entre thrash et black, qui ouvrent le deuxième morceau nous affichent clairement les intentions du groupe : cet album sera plus extrême et original encore que son prédécesseur, ou ne sera pas ! Et il faut avouer qu’une fois passé l’effet de surprise devant une ouverture aussi crue et directe (mais vraiment jouissive et guerrière à souhait, ne nous y trompons pas), on se retrouve, sourire aux lèvres à se demander ce que notre petite russe au visage angélique mais à la voix et à la démarche de troll a bien pu nous concocter pour cette nouvelle cuvée 2008 !

En réalité, cet album date de 2007 (soit deux ans après le déjà culte « Vo Slavu Velikim »), mais fort de sa signature avec Napalm Records, le groupe nous en offre ici une seconde édition, qui devrait logiquement être plus facile à se procurer (ce qui est loin d’être un désavantage, il faut bien l’avouer). Et tous ceux qui se sont régalés de l’album précédent auront certainement grand hâte de découvrir celui-ci... Mais je me dois de préciser d’entrer de jeu qu’Arkona emprunte ici une voie relativement différente, et l’on ne retrouvera qu’à de biens rares moments ce charme heavy/humppa bondissant et purement folk qui régnait dans l’opus précédent (excepté sur l’excellente « Kupala I Kostroma », tout en chant clair, très joyeuse et entraînante au possible).

Ici, la face folk s’exprime très franchement, couplée aux parties Metal (tenant maintenant équitablement du black et du heavy) ou indépendamment, comme sur les surprenants interludes qui jalonnent l’album. A noter que, contrairement à d’autres groupes, Arkona puise sa force sur les instruments à vents et non à cordes ; c’est donc un grand nombre de flûtiaux et autres bombardons et guimbarde qui viendront taquiner vos oreilles tout au long de cette dépaysante et majestueuse écoute.

Et l’album d’alterner et de mélanger ainsi passages plus folkloriques ou métalliques, parfois avec brio (les pièces maîtresses que sont « Pokrovy Nebesnogo Svartsa », dont la débauche d’énergie du début est suivie de chœurs et passages folk ultra prenants, et le morceau titre), parfois un peu plus maladroitement (les chœurs de certains morceaux sonnent de façon étrange, peut-être trop exaltés et donc pas très agréables), au risque de déboussoler l’auditeur, notamment sur la longueur, l’album étant particulièrement dense, avec pas moins de 14 titres, pour une durée d’écoute dépassant les 70 minutes ! Mais les riffs sont solides, la production excellente, les parties folk personnelles et inspirées, le chant de Masha énorme en clair comme en black, l’ambiance fortement épique, pleine de fougue et de conviction… Donc cela reste un vrai plaisir !


Que ce soit dans les ambiances plus sombres (rageuse et émouvante « Nad Propastiu Let », aux breaks pour le moins inattendus, où le chant black de Masha donne toute son intensité), ou au contraire plus forestières et bucoliques (« Slavsia, Rus’! »), ou tout simplement épiques en diable, cet opus, qui peut sembler un peu décousu, conserve une aura particulière, et qui fait qu’en dépit de quelques longueurs et maladresses, on l’aime (presque) autant que l’ineffable « Vo Slavu Velikim » ! Voilà pourquoi, après maintes hésitations, j’accorde le 8/10 à un album qui a enchanté mon été (surtout le second titre, rien de mieux pour se réveiller le matin !) A recommander, à découvrir, au même titre que les trois précédents opus !


Gounouman