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Le monde du progressif constitue une nouvelle branche sur l’arbre du métal, qui vient étoffer son arborescence. Le prog métal est en grande partie issu du rock prog de Marillion, Rush, Genesis, Kansas, Pink Floyd, Yes… L’indéniable talent de ces monstres du rock a irradié les sphères du métal. Les groupes de métal progressif se multiplient et ne se ressemblent souvent pas. Les plus jeunes formations vont parfois être inspirées par leurs prédécesseurs dans le mouvement Prog métal. Toutefois, Riverside, formé en 2001, n’est pas ou alors seulement partiellement de ceux-là. En effet, si l’on peut rapprocher leur musique de certains aspects de celles d’Opeth ou encore Anathema, la présence du rock prog reste manifeste; qu’il soit moderne ou plus ancien ; on citera alors Pink Floyd entre autres et Porcupine Tree pour l’univers rock prog plus récent. Le groupe, même s’il est nouveau, n’est cependant pas constitué de musiciens tout jeunes. Tous doivent trainer environ dix ans de bagage musical derrière eux et donc d’expérience. C’est deux ans après la formation de Riverside que les Polonais viennent proposer leur premier album : Out Of Myself.  Les chansons de Out Of Myself s’articulent autour d’une histoire précise, celle d’un homme se cherchant, cherchant à fuir le monde extérieur, sa personnalité. Il s’agit donc d’un album triste et légèrement torturé, une sorte de fuite ambigüe : Fuite de soi-même ou fuite des autres ? Refuge en soi-même ou dans d’autres horizons ?  Je vous avouerai d’emblée que ce thème me parle beaucoup. Comment le groupe le traduit-il en musique ? Et bien le groupe s’y prend d’une bien belle manière. Je m’explique : Tout d’abord l’album se présente comme rythmiquement lent et mélodiquement posé. Les ambiances qui s’y trouvent forment une part essentielle de la musique puisque c’est en elles que les textes du groupe ainsi que les mélodies viennent acquérir une signification réelle.  Les textes demeurent pauvres, mais collent tout à fait au concept puisque dans ce genre d’instants peu de mots émanent de notre bouche ; on se trouve alors plongé dans des sortes de rêves/cauchemars qui envahissent le vivant et viennent nous étreindre. Les mots nous parcourant sont souvent tels une fumée, trouble, nous échappant peu à peu sous forme de gracieuses volutes allant rejoindre l’invisible. L’introspection est personnelle et se manifeste moins par des mots que par des processus psychiques (souvenirs, imaginations, réflexions), ici symbolisés par la musique de Riverside. Les ambiances sont sombres, froides sans toutefois verser dans la violence ou l’horrifique. Elles font preuve d’une douce tristesse à laquelle le chanteur se serait résolu. Pour instaurer ce climat, le clavier utilise des nappes très discrètes et évite de manifester trop sa présence.  Le chanteur possède une voix profonde, langoureuse qui colle tout à fait au style de l’album et utilise souvent des répétitions de certains vers, ce qui accentue l’idée de trouble, de recherche et de questionnement. Afin d’accentuer encore l’effet de trouble, le groupe utilise certains effets déformant la mélodie, filtres, wah… mais cela toujours avec parcimonie. Les tonalités employées par le chanteur ne manquent pas de nous impressionner par leur incroyable feeling et de nous provoquer de multiples frissons et parfois même parvenir à faire pleuvoir les larmes des plus sensibles. Il assure également le rôle de bassiste et ce avec brio puisque la basse est un élément très présent dans la musique de Riverside. A contrario de nombreux groupes où la basse fait figure d’artifice, elle fait ici entendre sa belle voix profonde en faisant vibrer ses cordes sur des rythmes peu communs. En effet, les Polonais de Riverside emploient des rythmiques dépaysantes qui permettront de rassasier quelques musiciens avides de renouveau rythmique. La batterie possède un jeu léger et original, ce qui est étonnant connaissant le passé Death du batteur, témoignant du savoir-faire des musiciens et soutenant le caractère atmosphérique de leur musique.  Quant au guitariste, celui-ci contribue à la tenue rythmique mais aussi mélodique du groupe. Il use la plupart du temps pour ses mélodies d’un son clean ou alors légèrement saturé qui confère au son de Riverside une certaine fluidité et douceur. Pour les rythmiques il pousse légèrement la saturation sans pourtant prendre un son aussi heavy que les groupes de heavy metal. Par moments s’immisce une guitare acoustique venue nous charmer, se permettant même de tutoyer les travaux d’Opeth sur Damnation (cf. In Two Minds).  Le groupe se plait à composer une musique pour une bonne part instrumentale, avec les parties instru internes des chansons (de 0.00 à 7min30 sur la longue The Same River), mais aussi lors de pistes proprement instrumentales comme Reality Dreams Part I & II. Le groupe se trouve là bien loin du cliché progressif où l’on peut admirer chacun des musiciens enchaîner des parties à une cadence effrénée. Et bien non, Riverside a su se conformer à l’optique d’Out Of Myself et, par conséquent, abandonner le speed aux mains d’autres sans toutefois abandonner la technique instrumentale. Ici, nulle montée descente mais plutôt des mélodies magistralement senties, orchestrées sur des tempos soutenus. Certes Reality Dreams II est en rupture avec le reste de l’album par son approche plus tonique mais le tout reste cohérent, les mélodies restant basées sur les mêmes atmosphères.  Même si l’ensemble est doux on reconnaît des chansons qui font figure de ballades comme In Two Minds qui nous berce et nous fait vaciller par leur feeling. OK en fera de même par son chant langoureux et son refrain entêtant et bouleversant There is sadness in my mind, OK, there is darkness in my mind, OK. Ce doit être la chanson la plus atmosphérique de l’album, elle ferme la marche d’une bien belle manière et nous incite à nous replonger dans l’album, une fois de plus, armé d’une attention totale.  Out Of Myself, pouvait-on mieux nommer cet album ? Je ne crois pas car celui-ci nous incite aussi bien verbalement que musicalement à nous plonger dans des horizons lointains (pourtant pas si lointains puisque nous allons les quérir au plus profond de nous-même). Certains albums s’écoutent dans les bars entre amis, d’autres comme celui-ci se contemplent religieusement. On se laisse envahir et mener par le flot musical afin de faire corps avec la musique. Un autocollant devrait être mis sur la boite avec écrit « A écouter attentivement, les yeux fermés dans l’obscurité. N’hésitez pas à le consommer sans modération ». Riverside fait très fort avec ce nouvel album et s’inscrit à la fois dans l’atmosphérique et le progressif en nous fournissant un premier album tout en émotions parées de velours et de subtilités.  Dreamer

0 Comments 12 juin 2006
Whysy

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