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Que dire du terme « Progressif » ? Il définissait autre fois une musique hors normes et « progressiste ». C’est-à-dire qu’elle apportait quelque chose de nouveau au paysage musical des 70’s. Les morceaux étaient longs, savamment écrit et ils comportaient des arrangements complexes pour l’époque. L’utilisation de synthétiseurs (Moog) et de Melotrons définissait la couleur musicale du genre et, en ces temps reculés, c’était tout nouveau. C’est d’ailleurs le principe de cette musique : apporter du neuf ! Depuis, le terme a été repris dans le métal pour créer le style « Métal Progressif » qui a été initié par des groupes comme Rush et dont le flambeau a été repris par Dream Theater pour ce qui est des années 90’s. C’est alors qu’est apparue une flopée de groupes jusqu’à nos jours (Madsword, Pantommind, Spheric Universe Experience, Dreamscape et beaucoup d’autres) qu’on a qualifié de « progressifs » mais qui ne l’étaient pas vraiment. Tous étaient plus ou moins des copies de Dream Theater, ce qui faisait perdre toute crédibilité au terme. Il n’y avait plus rien de vraiment neuf. Le genre qui ne devait pas devenir une étiquette (puisqu’il définissait plus une façon de faire qu’une musique en soi) en est devenue une. Cette tendance ne s’arrête plus et on voit une tripotée de jeunes groupes qui se revendiquent comme « progressifs » tout ça parce qu’il y a une mesure à 2/4 et une modulation dans leurs morceaux qui dépassent tous difficilement les 5 minutes. Inutile de dire que ça ne suffit pas à créer une musique originale et savante quand tout ce qu’on fait c’est réutiliser les codes d’un genre maintenant erroné. Le terme « progressif » ne définit rien en soi et ne donne pas nécessairement de « cachet » à un groupe, et ça, les mecs (nombreux d’ailleurs puisque c’est un projet qui implique beaucoup de monde) de Reign Of The Architect ne l’ont pas compris. C’est pourquoi il est grand temps de leur expliquer qu’empiler des pistes chœurs soit disant épiques sur des chansons sans âme avec une ribambelle de chanteurs/chanteuses et musiciens connus (le bassiste de Symphony X, le claviers de Ayreon et d’autres encore) ne suffit pas à faire un super (concept, à priori) album.

Pourtant, tout ne commençait pas si mal que ça. L’intro, « Set », laissait entendre des sonorités orchestrales sympathiques et même quelques mélodies assez originales bien que sous mixées. Les arrangements sont intéressants, le tout n’est pas trop lisse. On se dit « Aaaah ! Ça commence bien » ! Que nenni mes amis ! Que nenni ! « Different Heart » nous fait vite déchanter ! Ca y est c’est déjà lisse et ennuyeux tellement c’est maniéré et répétitif. « Putain…ils disent qu’ils sont progressifs parce qu’il y a trois mesures impaires qui se courent après à 60 bpm ! Ils sont faits comme des rats les vilains ! ». Voilà ce qui m’est venu à l’esprit. Pour un opener c’est vraiment mou du genou et ça n’est pas l’ajout d’une voix féminine toute droite sortie de The Voice qui nous fera changer d’avis. Cette voix se fera entendre plusieurs fois dans l’album mais sans vraiment être pertinente. Parfois, des sons de percussions et quelques envolées de piano viennent nous faire croire que ça va partir, mais non. L’harmonie est ennuyeuse à mourir, les mélodies sont ultra prévisibles et la production est vraiment très moyenne…ah oui ! La production ! J’allais presque omettre d’en parler de celle-là tellement elle est insipide.

Ben ça ne vole pas haut hein. La batterie est sous mixée, je ne parlerais même pas de son timbre tellement il est peu identifiable. Elle n’a que des aigus dans son spectre, c’est juste moche. On ne peut pas dire que le jeu de batterie soit très riche en plus de cela. Chez Reign Of The Architect, on se contente de taper bêtement les mesures écrites en rajoutant deux ou trois coup de Charley ouvert/fermés en faisant passer ça pour des « finesses ». Un régal…

La basse est juste inexistante (un comble avec un bassiste d’un tel calibre) donc je ne vois pas comment en parler. La guitare, quant à elle, a un son banal mais un tantinet criard et « électronique ». C’est presque comme si elle avait été enregistrée avec des plug-ins et non un vrai ampli. On y décèle peu de personnalité. La seule « patte » qu’on peut trouver, elle se trouve dans les soli de guitare. Le phrasé est très bon mais les choix d’harmonies dans certains soli sont juste très discutables. Par exemple, dans « False », le guitariste a voulu se prendre pour Allan Holdsworth. Ben c’est raté ! Holdsworth, lui, construisait ses dissonances et son jeu out sur une harmonie précise et intelligente. Il ne se contentait pas de donner une couleur pseudo Jazz-Fusion avec sa tige de vibrato en jouant un peu de mineur harmonique par ci et un peu de mineur mélodique par-là (tout en étant toujours out) sur deux accords et ceci très vite histoire qu’on ne se rende pas compte que ça n’a aucun sens. Les soli plus conventionnels (celui de « Different Heart ») sont de meilleures factures et, parfois, la recherche de son est intéressante (dans « …As The Old Turns To Sorrow »).

Les synthés et la voix sont ce qu’il y a de mieux au niveau de la production. En effet, ils sont très bien rendus. Les sons d’orchestres sont bons et variés. Le travail de couleur est intéressant. On retrouvera même des ambiances assez exotiques (l’intro de « Secret In The Hallway » qui fait très asiatique) ce qui n’a pas manqué de donner un peu de plaisir durant l’écoute. Les soli (le) sont très conventionnels, ça va vite, et ce avec un son de lead très léché (celui de « Distant Similarities »). L’exécution est parfaite et le jeu est expressif ! C’est donc plaisant. Dommage que l’album soit saturé de nappes en tout genre à cause de l’intégration trop peu intelligente du clavier dans les compositions.

Les voix sont très bien enregistrées, on capte bien toute les nuances du timbre et les inflexions du phrasé mais elles sont un peu sur-mixées. Techniquement, il n’y a rien à dire, les chanteurs sont incroyables (en dehors de la voix féminine qui est plate et inintéressante). Les timbres sont de qualité, ils maitrisent tous leurs registres (qui sont très larges), on entend une excellente voix saturée (dans « One Single Sour Grape », c’est particulièrement impressionnant puisqu’elle est quasiment à nue) et des growls très convaincants avec un timbre intéressant (dans un des meilleurs morceaux de la galette « Crown Of Shattered Dreams »). Seulement, la façon de chanter est beaucoup, beaucoup trop maniérée. C’est presque agaçant. Il y a vraiment un côté artificiel dans la façon de prononcer les textes. On sent que les émotions sont « préfaites » et c’est très dérangeant. Le dernier souci est que cette variété de timbres fait perdre de la personnalité au chant de façon générale. En effet, les échanges entre les chanteurs sont mal faits (voire absents) et on se demande par conséquent quelle est vraiment la voix de Reign Of The Architect. C’est vraiment dommage car le chant aurait pu tout sauver avec un tel potentiel.

Et les autres morceaux ? Que valent-ils ? Déjà, on s’ennuie ferme jusqu’à « Leaking Wounds » qui est le premier morceau qui va nous laisser entendre du métal avec du riff ! Les titres d’avant sont mous et assez ennuyeux (« Hymn To Loneliness », avec ses cœurs empilés jusqu’à l’écœurement et son tempo trop lent après « Different Heart », plombe trop la progression du disque). On décèle donc un problème de construction de l’œuvre qui empêche à des morceaux d’être appréciés et pertinents (pour un concept album, ça marque mal). Pourtant il y a des efforts qui sont faits sur la variété des timbres. Les guitares folks sur « Such A Celebration », par exemple, élargissent le paysage sonore et les mélodies un tantinet modulantes sont intéressantes. Mais vu qu’on s’ennuie depuis le début, ça peine à convaincre. A partir de « Leaking Wounds » donc, on se retrouve avec des morceaux beaucoup plus métal. La voix se fait beaucoup plus brutale comme sur « …As the Old Turns To Sorrow » où on n’attendait pas des « balls » si fournies (pardonnez l’expression). Inutile de dire que ça fait du bien ! Les quelques changements de mesures et les structures impaires sont agréables car elles évitent la redondance mais elles ne coulent pas non plus de source dans l’écriture. Elles auraient pu être parfois évitée et éviter par conséquent le clichesque « notre disque est prog parce qu’il y a des mesures composées et c’est tout ». Les compositions sont donc meilleures par la suite mais elles manquent de choses qui se retiennent. Ça manque de mélodies, de riffs, de refrains fédérateurs (dans du Power, même prog, c’est important !). Le seul riff qui fait mal est dans « Crown Of Shattered Dreams » qui est aussi le meilleur morceau du disque de par ses chœurs intéressants, ses growls somptueux et sa structure logique et bien ficelée.

Les autres chansons auraient pu être mélangées entre elles que ça n’aurait presque pas gêné (en plus on retrouve beaucoup de fois la même tonalité). Elles n’ont donc pas de personnalité propre et cela leur enlève beaucoup d’intérêt. Elles n’ont pas non plus de réelle cohésion dans leur écriture et c’est bien dommage car là encore, on sent un certain potentiel. Cette tendance se remarque encore plus dans l’instrumental « The Green Flame » qui n’a absolument aucun intérêt sans le chant. C’est juste un morceau sur lequel on a enlevé la voix…dur à écouter sans s’ennuyer tant la partie « instrumentale » est sans reliefs. On a même pas droit à un final digne de ce nom puisque le dernier titre, « Hopeless War », est d’une banalité sans nom (en dehors de son break avec les arpèges de guitare acoustique qui sont très beaux mais qui n’ont rien à faire là). Je ne parlerais pas de l’écriture harmonique qui est restée assez banale tout au long de l’album malgré quelques passages modulants intéressants et plaisants, ni du soi-disant côté symphonique qui est inexistant (autant au vrai sens du terme qu’au sens « métal »).

Mais, après l’écoute de ce disque, il demeure une unique question…pourquoi ? Le potentiel était vraiment là ! Il y a des qualités disséminées un peu partout dans l’album! Il faut que le groupe réapprenne à écrire de façon plus cohérente (et sans oublier le clavier sur les morceaux plus métal !). On a pu entendre des idées très intéressantes comme dans « I, The Architect », interlude instrumental à claviers où il y a de très bonnes idées au niveau du choix des sons (les percussions notamment). Pourquoi avoir fait de telles séparations et ne pas avoir unifié les bonnes idées avec les morceaux plus métal au lieu de tout mettre sur des pistes séparées ? Le groupe sait faire pleins de choses, maintenant, il faut réunir toute ces qualités afin de créer un vrai bon album avec de la personnalité et de la cohérence.

La note ne sera donc pas plus élevée, ni plus basse que 5/10 car tout n’est pas mauvais, comme on aurait pu s’y attendre au début du disque. Il y a cependant beaucoup trop de défauts qui empêchent réellement à l’auditeur de prendre du plaisir à l’écoute. On est jamais vraiment surpris, ni enchanté par ce qui est proposé. On est juste souvent déçus. Il faut donc encore du travail et plus de réflexion car il est certain que Reign Of The Architect pourra sortir quelque chose de beaucoup plus abouti que « Rise ». Mais, en plus dudit travail, il va falloir aussi un peu de génie pour ne pas nous laisser amorphes. Et ça, ça n’est malheureusement pas donné à tout le monde.

Adrian Frost

0 Comments 17 avril 2013
Whysy

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