Vous recherchez quelque chose ?

Ecouter un album de Wuthering Heights, c’est comme écouter un vieux conte lors d’une veillée des anciens temps: c'est une invitation au voyage, c'est fermer les yeux pour se laisser conter, au soir dans une chaumière, une histoire portée par l’imaginaire, bercé par les flammes du foyer qui crépitent en d’indescriptibles danses autour des bûches. Mais le conteur n’est pas papi Anselme, c’est un lutin malicieux et trublion, amateur de rythmes trépidants et saccadés: Ah les amis,quel plaisir de renouer avec la patte créative d’Eric Ravn.

Trois ans après le majestueux et tout simplement inusable The Shadow Cabinet, le groupe le plus inspiré de l’univers métallique, les danois de Wuthering Heights reviennent pour un nouvel opus reprenant à la lettre la formidable recette de leur style bigarré et ultra-mélodique: une approche poétique qui imprègne un coktail de speed folk à tendances progressives. Rien n’a changé ou presque si ce n’est la trame thématique de l’univers exalté (et exaltant) de ce nouvel opus, intitulé Salt.

En effet, la poésie et l’évasion onirique sont toujours les deux piliers des compositions échevelées des Danois, seulement, ici, Eric Ravn a transposé sa magie dans un univers marin entre cauchemars des abysses et visions dantesques de tempêtes, thématiques fécondes en images, en ambiances, en atmosphères. Ici point de chars de Neptune bodybuildé où d’hypothétique Amphitrite (essayé de le dire rapidement amis lecteurs :p) nue dans une coquille ciselée, l’univers de Salt est poétique mais brute, volontiers gouailleur, plus proche de la flibuste (Water Of Life) que de capitaines perruqués romantiques même si la grandiloquence et la démesure ne sont pas du tout étrangères aux musiques d’Eric Raven (La complainte survitaminée du Desperate Poet ou la composition fleuve,Lost At Sea, Away).
La dimensions folklorique est ainsi vraiment poussée à son paroxysme des gigues celtiques et sautillantes du Mad Sailor aux hymnes à la mer de Water of Life ou Weather the Storm .Comme un Alestorm féérique et mélodiques, les ritournelles joyeuses sont combinées aux passages les plus rapides pour une efficacité diabolique tel un Hugo Fray du metal (hissez hauuuts!!)sur Water Of Life on a envie de rejoindre les chants valeureux des hommes de la mer tout au long de l'écoute.

Mais cette approche folk n'est pas, et de loin, le seul atout de ce Salt: Les mélodies baroques et survoltées, bigarrées et prenantes, quasi burtoniennes au temps où celui-ci était inspiré, forment toujours la richesse ébouriffante qui caractérise le son Wuthering Heights. Une nouvelle fois cette densité qui transparaît de cinquième album (comme sur le sublissime Far From The Madding Crowd) est étourdissante: chaque titre fourmille d’idées, de plans, de passages différents mais dans un registre sensitif très marqué. L'enchaînement des titres s'apparente ainsi à une farandole d’émotion vertigineuse, mélancolique, guillerette, sautillante, contemplative, sombre, jubilatoire, déclamatoire et j’en passe… Salt est un magnifique bouquet d’émotions des plus enivrantes. On pourrait faire 10 albums de folk uniquement avec les mélodies présentées dans ce Salt ce qui pourrait étourdir l’amateur de compositions brutes et dépouillées.
Le titre Last tribe (Mother earth) est ainsi caractéristique de la patte Wuthering Heights, celle qui défouraille à coup de flambées les fan club de Xavier Darcos. Ce morceau s’éloigne des sempiternelles structures intro-couplet-refrain-couplet-refrain-solo-refrain par ses breaks, ses introductions soignées, ses accélérations supersoniques et un chant si riche de conteur d’histoire. Un travail d’orfèvre vous dis-je nom d‘un capitaine Igloo massé par Hulk Hogan.

La voix chaude et si particulière de Patrick Johanson ajoute en effet un supplément de grandeur, de mystère, d’âme à la musique. Cette voix peut dérouter tant elle s’éloigne de tout formatage aseptisé, étrangère qu’elle est au moindre beuglement déplacé ou à toute incursion dans les aigües. C’est le chant d’un acteur, d’un orateur, d’un conteur qui accompagne l’auditeur dans son immersion musicale. Tour à tour, , plaintif ou rugueux, l’artiste se veut unique, la seule comparaison possible lorgnant du côté de Russel Allen dans ses moments les plus rageurs. Narrateur unique d’une épopée océane il emmène avec lui l’auditeur et ne le lâche qu’à l’issu d’une composition de gala, un Lost At sea de plus de 16 minutes. Ah quel morceau, les enfants, un début tourbillonnant tel un homme à la mer balloté par les vagues, lutte chimérique entre un mortel, et les éléments déchaînés avant une coupure à la basse, des chœurs fantomatiques du désespoir un final envoutant à la basse sur fond de vagues qui se jettent sur le rivage de nos incertitudes…et une nouvelle fois la richesse et le talent sont... comment le dire.... Unique comme toujours avec Wuthering heights!

Noter un tel album est, vous l’aurez compris amis lecteurs, bien secondaire et anecdotique par rapport à l’immersion, au voyage que propose ce Salt. Comme la poignée de groupe unique qui ont leur propre style, ce groupe ne s’évalue que par rapport à lui-même,et ce Salt est le pendant marin de Far From the Madding Crowd Il reste juste en dessous de Shadow Cabinet mais si proche dans la perfection que salt est assurément pour moi, l’un des albums de l’année.

0 Comments 10 mai 2010
Whysy

Whysy

Read more posts by this author.

 
Comments powered by Disqus