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Evereve. Si ce groupe ne vous dit rien, pas de panique car ce dernier ne bénéficie pas comme certains de ses homologues allemands d’une grande renommée dans le milieu metal, et encore moins en France. Evereve est un groupe que je qualifierais de « seconde zone » (à ne pas prendre au sens négatif du terme, bien au contraire). Et pourtant… saviez-vous que ces Allemands ont assuré en 1997, lors d’une tournée européenne, la première partie d’un groupe finlandais qui fait encore aujourd’hui l’objet de critiques élogieuses, à savoir Amorphis ? J’ose même la comparaison entre ces deux groupes, délivrant pourtant un message bien différent mais se rapprochant dans l’utilisation de certains instruments et par l’alternance entre chant clair et chant hurlé. Je peux ainsi vous assurer que « Seasons » n’a rien à envier à un « Elegy » par exemple, les deux albums étant marqués par l’utilisation de guitares heavy et de claviers aptes à délivrer des ambiances énigmatiques et oniriques.

Le Evereve en activité aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui des années 90. Le groupe qualifie lui-même sa musique (attention aux yeux) de « Cyber Goth Rock Metal ». Mais que cela ne vous déroute pas, car nous avons affaire ici à l’ancienne équipe qui s’est fait un malin plaisir de mélanger à foison diverses étiquettes. Il est difficile de ranger le groupe dans un style musical précis. Les Allemands réalisent ici une parfaite alchimie en fusionnant le gothic/dark metal avec du death/black/doom metal progressif et atmosphérique. Rien que ça ! C’est vous dire la richesse musicale qui vous attend à l’écoute de cet album.

Oui car parlons-en de cet album. Ce dernier est en fait un album-concept qui repose sur les quatre saisons durant lesquelles les tourments d’un homme nous sont contés. Les thématiques de l’album sont d’une extrême noirceur puisqu’elles traitent de la mort, de la disparition d’un être cher, du deuil, de la mélancolie, de la tristesse et de la dépression, autant de sentiments forts propres à l’univers dépeint par les Teutons. Les titres des musiques parlent d’eux-mêmes comme avec « Prologue: The Bride Wears Black » (La mariée porte le noir) ou « A Winternight Depression » (Une dépression de nuit d’hiver). Les paroles, exemptes de clichés, sont chantées à la perfection par Tom Sedotschenko qui sait attirer l’attention de l’auditeur. Usant aussi bien de la langue de Shakespeare que de celle de Goethe dans ses paroles, Tom surprend par ses capacités vocales. Chants clairs vibrant de précision, cris torturés lorgnant ostensiblement vers le black, chant death plus rares, growls du plus bel effet et enfin chuchotements rappelant la dernière production de Dornenreich : voilà ce qui vous attend ! Vous l’aurez remarqué, l’éventail de voix est très large et c’est ce qui fait en partie la grande richesse de la musique qui nous est ici proposée. A mon avis, c’est sur « The Phoenix/Spring » que Tom dévoile tous ses atouts. Une voix narrative féminine ouvre timidement la danse, suivie peu de temps après par un riff tranchant et une batterie frénétique puis par un cri hystérique. Le ton est donné. Le dosage chant black/chant clair est parfait, ce dernier nous permettant de reprendre notre souffle après les passages plus brutaux où Tom déverse pleinement sa rage et son désespoir.

Un travail a également été réalisé au niveau des ambiances. J’en ai pour preuve la chanson « Untergehen und Auferstehen » ou l’auditeur est littéralement écrasé par un bulldozer lancé à vive allure ! Les nappes de clavier funèbres du début et les riffs de guitare à la Black Sabbath nous étouffent, nous écrasent, nous submergent. La chanson diminue toutefois en intensité et l’apocalypse en est retardée pour cette fois. L’utilisation de l’orgue amplifie une ambiance qui se veut délibérément lugubre comme sur « Autumn Leaves » ouvrant d’entrée de jeu par un vent nous sifflant aux oreilles, nous annonçant en même temps l’arrivée de l’automne. Le groupe se permet même d’inclure quelques mélodies au piano, certes discrètes mais pas inintéressantes. On en a un exemple frappant dans « The Dancer/Under a Summer Sky » où l’instrument occupe une place importante en harmonie parfaite avec les riffs pêchus délivrés par le guitariste. Cette chanson est poignante, Evereve jouant un metal atmosphérique de haute volée et nous ensorcelant par une mélancolie exacerbée par le chant cristallin de Tom. Les guitares sont utilisées à bon escient et l’une d’entre elles nous gratifie à la fin d’un solo en même temps que le claviériste se déchaîne sur son instrument en jouant des sonorités futuristes.

Les titres s’enchaînent les uns après les autres dans une linéarité exemplaire. La magie opère toujours et ce grâce à une recette savamment orchestrée. Les compositions font la part belle à l’instrumental en intégrant des riffs puissants et des solos dévastateurs comme sur « A New Winter » où le chant de Tom se transforme sur la fin en des chuchotements donnant à la musique un aspect des plus intimistes, comme si le chanteur cherchait à nous faire partager ses secrets.

Mais Evereve peut encore faire mieux. La quintessence de « Seasons » se retrouve à mon sens sur « A Winternight Depression », une chanson d’une tristesse absolue qui prend aux tripes durant pas moins de neuf minutes. Les envolées lyriques sont saisissantes, notamment en dernière partie où ces dernières atteignent leur paroxysme avec un chant désespéré, les guitares s’ajustent au tout sans aucune fausse note tandis que le clavier égrène ses notes énigmatiques. Le rythme se veut tantôt rapide, tantôt à la limite du doom. Il est difficile, notamment pour votre serviteur, de rester insensible devant un tel talent.

Ainsi, avec cette première offrande, les Allemands frappent fort et nous en mettent plein la vue (ou plutôt l’ouïe, devrais-je dire) à travers une musique soignée où tous les instruments s’emboîtent comme il faut, en parfaite harmonie. Evereve nous délivre une musique certes marquée par des sentiments très négatifs, mais si addictive qu’il est difficile de ne pas s’émouvoir à l’écoute de ces dix morceaux. Vous l’aurez donc compris, cet album est à acquérir absolument. Mis à part le titre « Twilight », un interlude d’une petite minute n’apportant pas grand-chose à l’ensemble et le titre quasi instrumental « To Learn Silent Oblivion » qui ne convainc guère, « Seasons » surprend par sa maturité. Les groupes de gothic metal étant légion, Evereve sait se démarquer en créant son propre univers et en développant à travers ses mélodies une atmosphère lourde de chagrin, mais d’une beauté tragique.

L’année suivante, le groupe réalisera « Stormbirds ». Les Allemands réussiront-ils un nouveau tour de force ?

0 Comments 04 janvier 2010
Whysy

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