Comment gérer une popularité croissante ? Dans le monde de la musique, rien de plus compliqué. La situation est la suivante : après un ou deux albums particulièrement remarqués, tant sur le plan de la créativité musicale qu’au niveau médiatique, quelle attitude adopter pour continuer à plaire ? Pour Iron Maiden par exemple, la réponse a été de jouer la carte de la stabilité, avec le succès que l’on connaît, en proposant une recette simple, basée sur une identité musicale très marquée, mais avec à chaque nouvel album cette touche de fraicheur qui a toujours fait la différence. Pour Metallica, après le succès des années 80, l’orientation musicale prise avec Load (qui témoigne d’un besoin d’évolution musicale du groupe) a fortement segmenté l’une des plus grosses « fan base » du métal, même si commercialement les américains s’y sont toujours retrouvés. Objectivement, voilà deux groupes au potentiel musical exceptionnel, mais qui ont choisi deux voies différentes dans leur carrière. Je ne porterais pas de jugement de valeur sur l’une ou l’autre, mais avec le recul, la recette Maiden a clairement été la plus consensuelle.

Si je vous parle de ça, c’est que le cas de Lacuna Coil s’en rapproche fortement. Sans avoir connu la popularité des groupes cités au-dessus, on peut constater que la formation transalpine bénéficie d’un crédit certain sur la scène métal à chanteuse, puisqu’elle faisait partie, au même titre que Within Temptation, Nightwish ou The Gathering, des pionniers au niveau européen. Au-delà de ce statut de précurseur, les italiens ont sur imposer leur griffe dans un style désormais saturé, avec des albums comme Unleashed Memories, chantre d'un métal original et décomplexé. Mais depuis quelques années, la belle dynamique amorcée est en train de s'essouffler, et on attendait donc avec Shallow Life un tout autre visage que celui affiché sur Karmacode. En fait, il y a deux niveaux de lecture avec cet album : sur la forme et sur le fond. Sur la forme, rien de négatif à signaler, la production est honorable, la parité chant féminin / masculin est fluide et intéressante, l'équilibrage instrumental est bien respecté, mais on n'en attendait pas moins d'un groupe aussi expérimenté.

Si le plaisir de l'écoute ne peut se nier, on ne peut fermer les yeux sur le fond musical de l'album, d'une inquiétante faiblesse. Encore une fois, sur la forme, on ne peut reprocher grand chose au groupe, mais le contenu est réellement décevant. Malgré quelques titres qui sortent du lot (à l'instar du frontal Survive qui ouvre l'album, ou encore Spellbound), Shallow Life s'apparente quelque peu à une succession de chansons sans ressort, aux riffs simplistes (les guitares désaccordées dans les graves ne tromperont personne), surmontés de claviers omniprésents pour faire passer la pilule. Même Cristina Scabbia, si brillante par le passé, est clairement en perte de vitesse, et les trop nombreux filtres vocaux n'aident pas à nous convaincre de son talent. Si réécouter l'album n'est pas déplaisant, il n'apporte rien de plus qu'à la première écoute, donc autant vous dire que la durée de vie de Shallow Life est limitée dans le temps.

Ma note pourra donc paraître sévère à certains, car au final les ingrédients principaux d'un album de qualité sont tous plus ou moins là : bonne production, riffs qui accrochent, basse qui défrise... Seulement voilà, le fond musical est pauvre, et surtout, de moins en moins consistant à chaque nouvel album des transalpins. C'est donc cette lente dégradation musicale qui inquiète aujourd'hui, et là où des albums comme Unleashed Memories ont montré que le groupe avait les capacités à innover et diversifier sa musique, Shallow Life s'enfonce dans un métal binaire qui, à mon sens, montre que Lacuna Coil a clairement choisi la facilité au détriment de la démarche artistique. Frustrant lorsqu'on sait pertinemment que les italiens sont capables de bien mieux faire. Il n'y a donc pas eu d'électrochoc depuis Karmacode, on ne peut que le regretter au niveau originalité et créativité, mais les amateurs de métal mélodique efficace y trouveront tout de même leur compte. On ne retiendra malheureusement que ça de Shallow Life, en espérant un improbable réveil au prochain album.