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A l'occasion de la sortie de "Stage 01", le premier album de Shinray, nous nous sommes entretenus avec Benjamin Dupré, sémillant chanteur et claviériste de la formation. Chacun a sorti ses petits doigts pour taper sur un clavier et vous offrir ceci :

Spade : Salut Benjamin ! Shinray a déjà été chroniqué sur Heavylaw, mais pas encore d'interview. Peux-tu nous présenter le groupe, son histoire et l'évolution du line-up ?

Benjamin Dupré (chant - Shinray) : Alors à la base, c'était un groupe de potes de lycée tous fans de heavy. Si on savait jouer d'un instrument, tant mieux, sinon on en prenait un par défaut. Et puis au fil des années, des départs des uns ou des autres pour leurs études ou le boulot, ou encore des différences de motivation pour continuer la musique, on a fini par se retrouver, Benoit et moi, pour monter ce qui allait devenir le line-up actuel, avec de monter un projet sérieux et plus ambitieux. Entre-temps, Hugo Merabti a joué avec nous pendant un moment et a enregistré les basses sur notre album, Stage 01. Et maintenant c'est Stéphane qui nous a rejoint à la basse, et Matthieu qui est à la batterie depuis un petit moment maintenant.


D'où vient le nom du groupe ?

La question qui tue... A la base, on voulait s'appeler Shinra, référence à un corporatisme d'exploitation énergétique qui apparait dans le jeu Final Fantasy VII, mais le nom était déjà pris. Alors on a rajouté le "y", qui rappelle Gamma Ray. Shinra + Gamma Ray = Shinray, du coup. Ca fait un beau résumé de nos influences, puisqu'on emprunte aussi bien au heavy qu'à la musique de jeu vidéo, avec des compositions des Nobuo Uematsu pour la série des Final Fantasy, ou encore Harry Gregson-Williams pour Metal Gear Solid.


Votre premier album vient de sortir, avec le recul, que penses-tu de l'EP sorti il y a trois ans ?

Je t'avoue que son écoute m'est assez douloureuse maintenant ! Le chant est vraiment nul, le son assez bancal. Et en même temps, c'était une étape nécessaire, afin de se faire une expérience studio, et de toutes les étapes de production d'un CD. Et ça nous a permis de coucher sur support physique certaines compositions de l'époque qui seraient restées dans l'oubli sinon. Je pense notamment à Earthquake, My Crying Heart et The Butcher's Killing Machine, les deux autres ayant fini sur l'album.



Dans "Stage 01", on trouve bien évidemment des morceaux inédits mais donc certains repris de l'EP. Comment le choix de ces morceaux s'est-il effectué ?

On a justement gardé ces deux morceaux car ils nous paraissaient qualitativement au dessus du reste de l'EP, dont la composition était plus mature. Pourtant, Rest in peace est une de nos plus vieilles compositions... Mais c'était cohérent avec ce que nous avions composé depuis, dans le cadre d'un album. Et c'étaient aussi celles qui marchaient le mieux en live. Voilà comment s'est fait le choix.




Comment s'est déroulé l'enregistrement ?

Et bien, comme beaucoup d'enregistrements j'imagine : en studio ! Nous sommes allés dans le studio de notre batteur, Matthieu, pour y enregistrer chacun nos parties. Ça n'a pas été sans mal, puisque par exemple, les prises initiales de guitare avaient un son vraiment mauvais, a cause du matériel utilisé. Benoit a du tout ré-enregistrer une deuxième fois sur un matériel différent... Ensuite nous avons mixé l'album avec Matthieu, ce qui a été aussi assez long, puisqu'à la base ce n'était pas nous qui devions le faire, mais un gars que nous avions payé et qui nous a lâché au dernier moment (un certain TT...). Et comme nous faisons ça en parallèle de nos activités principales (boulot ou études), on avançait assez lentement au gré des disponibilités de chacun. Au final, on a mis plus d'un an et demi pour tout faire, ce qui aurait pu avoir raison de nos nerfs a plus d'une reprise. Mais on a tenu bon, et voilà : il est là !


Tu as composé la majeure partie de l'album, ce rôle s'est-il imposé naturellement ou bien chaque plainte se voyant assortie d'un coup de fouet, tes camarades ont fini par revoir leurs ambitions à la baisse ?

Non, chacun est libre de composer dans le groupe tant que ça colle avec le style.  Donc on va dire que ce rôle s’est imposé naturellement à moi, puisque je suis assez productif à ce niveau… enfin tout est relatif, je dois pondre environ une composition tous les trois mois !  Benoit compose aussi, et nous avons co-signé quelques titres, ce qui permet de varier un peu plus le style, puisque lui va avoir des idées plus « guitaristiques » que moi, auxquelles je n’aurais pas pensé, alors que ce que je compose pour la guitare est parfois chiant à jouer parce que ça demande des doigtés improbables, mais qui ne seraient pas venus naturellement à un guitariste, ce qui nous permet de faire de nouvelles choses, des sonorités plus inhabituelles. Donc on se complète là-dessus. Et derrière, on fignole le tout ensemble avec Matthieu et Stéphane, qui vont encore proposer de petites modifications ici et là, avant d’arriver à la compo définitive.



Tu es le compositeur principal et tu joues du clavier. Serais-tu le Tobias Sammet français ?

Ça doit être ça ! Plus sérieusement, c’est marrant que tu parles de Tobias Sammet, parce que nous aimons bien  garder une touche humoristique constamment dans Shinray, ne pas se prendre trop au sérieux, comme ça peut être le cas sur certaines compositions ou sur les aspects entourant la musique (visuel, communication). Et c’est une constante chez Edguy, Tobias Sammet étant un grand pitre dans son genre. C’est une chose que l’on retrouve aussi chez Helloween ou Gamma Ray, particulièrement à la grande époque, ou encore Devin Townsend, ou Queen, dans d’autres registres. L’humour est donc une composante essentielle de Shinray et nous le cultivons. Il suffit de voir nos vidéos sur YouTube pour s’en assurer d’ailleurs.



Le plus drôle, c’est que certaines personnes ont même cru que nous nous prenions au sérieux, et donc pour des rock-stars, lorsque nous avons publié le teaser de notre album, ou encore la vidéo d’introduction de notre concert de Release Party (vidéo à venir sur notre chaine).




Le son de batterie paraît très synthétique, s’agit-il d'une boîte à rythme ou bien d'une batterie triggée ? (ou bien votre batteur possède la frappe la plus chirurgicale du monde)

Tu as l’oreille fine ! Oui effectivement, nous avons triggé la grosse caisse et la caisse claire sur l’album. Pour être plus précis, nous avons mélangé le son d’origine avec du trig pour obtenir un son plus compact et plus percutant tout en gardant le jeu et la frappe d’origine. Le reste est bien issu des prises studio.


Plusieurs styles différents sont abordés dans "Stage 01". On passe du heavy metal au hard rock en passant un peu par le prog. Est-ce une volonté de ne pas cantonner Shinray dans un style bien défini ou tout simplement "ben les morceaux étaient là, on n’allait pas les jeter, vous comprenez..." ?

Effectivement, nous aimons bien varier les styles, comme tu l’as constaté. Pour moi, c’est ce qui a fini de tuer le heavy ces dernières années, c’est de s’être enfermé dans ses propres codes. Par exemple, tu ne verras plus dans un groupe de heavy actuel caricatural, comme Stormwarrior, faire un break de basse slappée comme tu pouvais en voir dans Mission Motherland de Helloween. C’est un tout petit passage, mais ça fait une grosse différence pour moi. Donc nous essayons de ne pas tomber dans ces erreurs, en ouvrant notre musique à tout ce qui peut passer par là : la musique de jeu vidéo, le jazz, la musique classique, la funk… peu importe ! On ne se prive d’aucun délire, quitte à être étiquetés « prog » (ce que nous ne sommes pas, selon moi).  Certains groupes, comme Voyager ou Theocracy, récemment, ont apporté du sang neuf au heavy en proposant des mélanges innovants, avec de l’électro ou du black. C’est dans cette direction qu’il faut aller, selon moi, pour faire avancer le genre.



Vous êtes-vous inspirés de certains groupes pour cet album ?

Évidemment. Nous sommes forcément influencés par les pionniers du genre que sont Iron Maiden, Helloween ou Stratovarius. Mais aussi, comme je le disais, par des compositeurs comme Nobuo Uematsu. Et aussi des groupes plus prog, du coup, comme Dream Theater.


A qui est destiné le très poétique "Who's That Bitch" ?

Personne en particulier, désolé de te décevoir !


J'ai vu Shinray en concert à Grenoble il y a plusieurs mois et vous avez eu un accueil du tonnerre. Comment estimes-tu la popularité du groupe dans la région ?

Je ne sais pas trop, il faudrait plutôt demander à ceux qui viennent nous voir. Mais je pense qu’on a réussi à faire pas mal circuler le nom de Shinray dans la sphère metal grenobloise en tout cas. Les gens savent que nous existons et ont l’air d’apprécier notre musique, donc c’est déjà pas mal !



Je suppose qu'en dehors du coin, ça doit déjà un peu moins bien marcher. Cet album est-il là pour passer à la vitesse supérieure ?

Oui exactement. Ça nous permet de démarche des salles de concerts ou des organismes de promotions, qui demandent quasiment tous qu’on leur envoie un album. Ou encore pourquoi pas un label… la question reste ouverte.


Sur scène tu chantes, joues du clavier, quelquefois les deux en même temps. Te vois-tu dans un futur proche ou lointain te consacrer exclusivement à une seule de ces fonctions, que ça soit en studio ou bien sur scène ?

Pas vraiment non… je suis très attaché aux deux fonctions, et même si je suis loin d’être particulièrement bon dans l’un ou dans l’autre, j’aurais beaucoup de mal à m’en séparer, puisque j’aime beaucoup les deux. Mais il ne faut jamais dire jamais. Je pense notamment à Tony Kakko qui a finit par se séparer du clavier car ça devenait trop exigeant d’assurer les deux en live pour lui. Nous verrons bien !



Si tu ne pouvais emporter sur une île déserte qu'un seul morceau de "Stage 01", lequel prendrais-tu avec toi ? (ne cherche pas une quelconque cohérence dans cette question)

Je pense que je prendrais la dernière piste, It Only Needs One Man. Elle représente assez bien Shinray, parce qu’elle est percutante, qu’elle a quelques breaks inattendus aux influences douteuses, et parce qu’elle possède ce côté humoristique que nous cultivons.



Étant toi-même chroniqueur musical, possèdes-tu un recul différent sur ta musique ? Est-ce que ça te pousse à être perfectionniste ou bien au contraire tu sais que tu es le meilleur donc rien à battre des critiques ?

En l’occurrence, je ne suis plus chroniqueur depuis un petit moment, mais effectivement, ça donne un éclairage différent. Je sais a peu près ce qui pourra plaire à un chroniqueur ou non… mais en même temps, c’est loin d’être un gage de succès, les avis étant parfois opposés d’un chroniqueur à l’autre. Et d’un autre côté, c’est impossible d’avoir sur sa musique le recul et le détachement total que l’on peut l’avoir pour l’œuvre d’un groupe qui nous est totalement inconnu. Pour les groupes auxquels on est attachés, c’est différent, car il y a toujours une composante émotionnelle qui empêche de juger le groupe impartialement.


Qui sont tes idoles musicales ?

Si je ne devais citer qu’un groupe, ce serait Iron Maiden, mais sinon, il y en a plein ! En metal, il y aurait Helloween (et forcément Gamma Ray), Savatage, Stratovarius, Dream Theater. Pour le reste, Queen, Beethoven, Dave Brubeck… bon la liste pourrait s’étendre pendant un bon moment, donc je vais m’arrêter là.


Un petit jeu de sel ou poivre (ou les deux ou rien du tout) :

- Rhapsody : "of Fire" ou "Luca Turilli's" ?

Rien du tout. Aucun ne m’a convaincu réellement. J’aimais bien ce que faisait Turilli en solo à l’époque de Rhapsody, mais depuis le split, il n’y a rien de bien convainquant. Même avant, ça sentait le roussi depuis un petit moment.

- Nergal : "avec" ou "sans" cheveux ?

Alors là, on est pas vraiment dans mon domaine de compétences… mais ça me fait bien marrer, en tout cas, comme la chevelure d’un musicien peut faire débat ! Dans Shinray, plus personne n’a les cheveux longs, d’ailleurs. On est totalement « untrue ».

- Dream Theater : "avec" ou "sans" Portnoy ?

J’aurais répondu sans Portnoy s’il n’y avait pas eu cet album éponyme vraiment raté. A Dramatic Turn of Events était vraiment très réussi et m’avait donné bon espoir pour la suite, mais là c’est la douche froide.

- Nightwish : "Tarja" ou "Floor" ?

Tarja symbolisait l’âge d’or, donc difficile de passer à côté… mais j’ai hâte de voir ce qu’ils vont faire avec Floor quand même. Il n’y a pas eu une chanteuse entre les deux, d’ailleurs ? Probablement pas… Blague à part, je pense que les plus belles années musicales de Nightwish sont derrière eux, mais j’attends tout de même le prochain avec impatience.

- Les CDs : "support physique" ou "numérique" ?

Le support physique n’est plus là que pour faire joli maintenant et pour avoir quelque chose à distribuer en concert, donc je réponds « numérique ». Et puis, j’ai grandi avec. Tout passe par là maintenant, et c’est un formidable moyen de promotion. Donc vu qu’il est quasiment impossible de vendre des CD aujourd’hui pour un groupe qui débute, autant vivre avec son temps et s’adapter. Je ne vois pas les gens subitement prendre conscience du fait que le téléchargement, c’est mal, allez, zou, on arrête les copains et on retourne chez le disquaire. Ça n’arrivera jamais et toutes les tentatives d’interdiction du style HADOPI on fait un flop retentissant.

- La bière : "brune" ou "blonde" ?

Les deux. Brune pour savourer, blonde pour se la coller.



Que penses-tu du téléchargement illégal ?

C’est mal, bouh, caca ! C’est marrant, parce que même un groupe comme nous, qui sommes très très peu connus, deux jours après la sortie de l’album on pouvait déjà nous télécharger illégalement sur le net sur des forums russes obscurs ou via des fichiers torrent. Mais si ça peut permettre au groupe de se faire connaitre, alors autant qu’un max de monde nous télécharge et nous écoute ! De toute façon, comme je le disais plus haut, on ne peut pas lutter contre, donc autant faire avec et s’en servir !


Yossi Sassi (Oprhaned Land) avait dit "Pour lutter contre le piratage, il faut faire des t-shirts". Mais, de toutes façons dans deux ans on pourra en imprimer, est-ce que cela te fait peur ?

Non, pas vraiment. D’autres solutions existent, comme le financement participatif, qui permet au groupe de ne pas avancer les frais. Et si le groupe est suffisamment bon, il y aura toujours suffisamment de fans et de passionnés prêts à débourser quelques euros pour faire en sorte que le groupe continue à produire de la musique. Un groupe comme Spock’s Beard fait cela depuis un bon moment maintenant, et de plus en plus de groupes amateurs s’y mettent. Par contre, pour vivre de la musique, ça devient vraiment compliqué.


Demain tu gagnes 1 million d'euros mais tu ne peux le dépenser que pour ton groupe. Comment dépenses-tu tout cet argent ?

Je pense que si je gagnais un million d’euros demain, je le dépenserai pour le groupe de toute façon. Donc, je paie un tourneur pour qu’il nous fasse faire la première partie d’un groupe connu, histoire que nous allions jouer dans le monde entier, ensuite on se paie un deuxième album avec une production de dingue, et on repart en tournée dans la foulée. Là, on serait lancés pour conquérir le monde (« comme tous les soirs, Minus »).


Quels ont été tes albums préférés de l'année 2013 ? As-tu eu des révélations, des déceptions ?

J’ai beaucoup aimé le retour en grâce de Stratovarius avec Nemesis. J’ai aussi fait de très belles découvertes, comme Spiritual Beggars (quelle tuerie !). Et j’ai enfin réussi à accrocher à Devin Townsend, après de nombreuses tentatives, grâce à l’album Epicloud. Le dernier Haken est aussi très bon, et m’est avis que ce groupe est promis à une belle carrière. Du côté des déceptions, je suis passé à côté du Leprous, à mon grand regret, leur changement de style n’ayant pas pris chez moi, Et bien évidemment déçu par le Dream Theater, qui est le premier vrai ratage dans la discographie du groupe, pour moi.


Qu'attends-tu de l'année 2014 musicalement parlant ?

De nouveaux kiffs comme Voyager, Theocracy, Haken, ou Spiritual Beggars : on en veut plus ! Sinon, que Shinray se fasse connaitre auprès d’un maximum de monde.


Et pour finir deux questions stupides (mais traditionnelles chez nous) :
Si tu pouvais jammer sur scène avec un personnage de Walt Disney, qui choisirais-tu ?

Avec le génie dans Aladdin, bien sûr ! Il pourrait tout faire, et vu que le personnage est bien délirant, ça collerait parfaitement avec Shinray !


Un génie apparaît devant toi et te donne deux vœux, que lui demandes-tu ?

De doubler ma tessiture vocale et me programmer une tournée mondiale dès maintenant.


As-tu quelque chose à rajouter ?

Oui.

0 Comments 14 février 2014
Whysy

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