Amorphis n’a pas voulu s’arrêter en si bon chemin. Tandis que le précédent album, « Eclipse », avait plus ou moins redéfini les codes de son univers musical, le nouveau brûlot, « Silent Water », ne semble pas aussi aventureux. En effet, les mêmes ficelles sont utilisées. Nous sommes donc en terrain connu, et même si l’album ne recèle pas autant de surprises qu’espéré, nous restons face à un excellent disque. Après tout Amorphis, fière de ses 17 ans d’existence, possède l’expérience nécessaire à l’élaboration d’un bon disque. Toutefois « Silent Waters » n’est pas qu’une simple copie de son prédécesseur, de nouveaux éléments font une entrée plutôt remarquée.

En effet, cet album fait l’apologie de la diversité. Tout en conservant une identité musicale, les compositeurs ont laissé voguer leurs esprits créatifs à la recherche d’éléments inédits. Éléments qui caractérisent, entre autre, l’une des meilleures chansons de l’album, « Towards And Against » qui fait figure d’ovni par ses rythmes et ses mélodies inhabituelles. Une chanson pointue et d’une richesse inouïe. Malheureusement il s’agit de l’unique chanson véritablement « fraîche ». Le reste de l’album n’a pas bénéficié de cette volonté d’innovation et s’avère de facture plus classique. On retrouve les ingrédients qui ont fait le succès d’ « Eclipse » : les vocaux nuancés, les mélodies enchanteresses, la maîtrise instrumentale… « Silent Waters » propose un excellent travail artistique, aux ambiances posées et distillées avec soin. Après tout, Amorphis est un groupe adulte.

Ce nouvel album insiste davantage sur le double visage de la formation. A savoir son aspect doux, parfois candide souligné par ses guitares acoustiques, son chant mystique, ses rythmes divers, ses influences parfois folkloriques et ses discrets pianos… Et son aspect plus « brut », parfois violent orchestré de guitares saturées, d’une batterie vitaminée et d’un chant extrême excellent. « Silent Waters » puise son inspiration dans ses œuvres passées pour offrir un album d’une grande variété. Si « Weaving The Incantation » ou « The Servant » surprennent par leur force mêlée de mélodies, ce sont les superbes ballades et autres compositions lentes qui parviennent à émouvoir. En effet, le cœur de l’album – « I Of Crimson Blood » , « Her Alone » , « Enigma » - semble jouer sur l’émotion. Le talent de composition prend, encore une fois, tout son sens à la simple écoute de « The White Swan » et « Black River » subtilement placées en fin d’album.

Finalement, seule « Sign » semble en deçà des autres chansons. On ne peut pas enlever à Amorphis son talent de composition. Ce feeling dans l’écriture de superbes mélodies et dans l’arrangement de ses chansons. Toutefois, « Silent Waters » reste trop proche de son prédécesseur et ne dispose pas du même effet de surprise, ni de sa fraîcheur. De plus ce nouvel album ne possède pas le même capital sympathie à mes yeux : selon moi les mélodies se montrent moins envoûtantes, les chansons – bien que d’une qualité exemplaire – m’apparaissent moins enivrantes tant elles semblent suivre des schémas désormais connus. Ainsi l’album précédent m’apparaît plus profond et surtout beaucoup plus sincère. Et c’est pour toutes ces raisons – totalement subjectives – que, dans mon cœur, les qualités incontestables de « Silent Waters » sont éclipsées par son incontournable prédécesseur.

« Silent Waters » est un album exemplaire dans son interprétation. Avec des musiciens en place, une production excellente et bien sûr son frontman de génie : Tomi Joutsen. Véritable révélation lors du précédent album, il confirme une nouvelle fois son impressionnante maîtrise vocale. Un timbre guttural davantage utilisé et une alternance de voix plus fréquente amplifient l’aspect « extrême » du disque. Une note qui peut paraître sévère, mais totalement justifiée. Amorphis est grand certes, mais « Silent Waters » repose trop sur le succès de son sublime prédécesseur.

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