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J'avais déjà eu l'occasion d'interviewer brièvement Tony Kakko, le chanteur, compositeur et leader incontestable de Sonata Arctica, lors de leur tournée de promotion d'Unia. Malheureusement, un magnétophone défectueux m'a empêché de la publier... La sortie du nouvel album du groupe, The Days of Grays, m'a fourni la possibilité de jouer le match retour!


Fin août 2009, le téléphone sonne. « Bonjour, c'est Tony Kakko à l'appareil! »...


-Quelle est la question des journalistes que tu détestes le plus?

-Hmmm… Il n’y a pas vraiment de question que je déteste, mais certaines sont un peu frustrantes… Cela fait 10 ans que ce groupe existe, mais il y a encore des gens qui montrent qu’ils ne savent rien de Sonata Arctica en me demandant « Parle-moi de ton groupe ». Ça commence à être une question assez large, je suis censé me lancer dans un historique de 10 ans ?


-Comment s’est passé l’enregistrement de The Days of Grays?

-Vraiment très bien, il y avait une ambiance très détendue, même si on a été un peu pressés par le temps. Au départ on pensait publier l’album en novembre, voire au début de l’année prochaine, mais on a eu l’opportunité de tourner avec Dragonforce aux US en septembre-octobre, et donc de pouvoir jouer dans des salles un peu plus grandes et devant un public qui ne fait pas forcément partie du milieu metal… Il fallait absolument sortir l’album avant cette tournée pour avoir du nouveau matériel à présenter. On a donc du travailler un peu dans l’urgence, mais sans avoir à paniquer toutefois. J’ai délégué le travail sur les orchestrations à Mikko P. Mustonen, qui s’était déjà occupé des orchestrations de Northern Kings. Je n’ai pas eu à me prendre la tête avec ça, Mikko est un grand professionnel et le résultat est vraiment génial.


-Tu parles de travailler dans l’urgence, ce n’était tout de même pas comparable avec l’enregistrement de Winterheart’s Guild ?

-Je ne sais pas… en comparant à Unia, si, en quelque sorte. Pour Unia nous étions vraiment relax, l’enregistrement s’était étalé sur une longue période et j’avais même passé deux ans à composer les morceaux. Pour The Days of Grays, tout a été fait en trois mois. Je devais avoir deux ou trois morceaux de prêt à la fin de la tournée, en décembre. Mais je suis habitué à travailler sous pression. Je crois que j’ai besoin d’avoir une deadline, si j’ai le temps j’ai toujours d'avantage envie de faire autre chose…


-Avez-vous beaucoup de chutes de studio ?

-Je crois que tous les titres que j’ai composés finiront sur un support ou un autre, tout le monde aura son bonus : les européens, les japonais, les américains… Nous avons également fait une reprise du Hell Is Living Without You d’Alice Cooper, mais je ne sais pas encore ce que nous allons en faire. En tout, nous avons enregistré 15 ou 16 titres pour l’album.


-J’ai vu qu’une édition de The Days of Grays comprendra un album orchestral…

-Oui, Mikko Mustonen a vraiment fait du bon travail, et nous avons souhaité publier des versions orchestralement plus riches de certains morceaux, avec uniquement le chant et les orchestrations. Je les aime énormément, quelques unes rendent même mieux que les versions normales !


-Il y a eu des rumeurs de DVD bonus également, à cause de la forme de la box de l’édition limitée...

-Non non, il n’en a pas été question à ma connaissance. En revanche nous sortirons sans doute un DVD à la fin de l’année prochaine.


-Une idée de son contenu ?

-Nous avons enregistré notre prestation dans notre fief de Kemi (Il s’agit de la deuxième édition du Sonata Arctica Open Air, qui a lancé la tournée de The Days of Grays), le concert sera un bonus du DVD. Et puis nous avons prévu de filmer un concert au printemps. Il y aura aussi un historique pour fêter nos dix ans de carrière – même si le groupe a été fondé en 1996. Arrivés à ce stade, c’est sympa de collecter et de rassembler des souvenirs des années écoulées, aussi bien pour les fans que pour moi-même. Nous avions par exemple une caméra avec nous lors de notre première tournée européenne avec Stratovarius… Bon, je ne supporterai sans doute pas la vue de ma face sans barbe, mais ça devrait être intéressant à regarder! (rires)


-Ce concert aura lieu à Helsinki ?

-Non, pas en Finlande. Pas au Japon non plus, puisque notre premier DVD a été tourné là-bas. Ce sera quelque part en Europe. Nous avons quelques idées en tête, mais je ne peux pas t’en dire plus pour le moment… La Suède, la France, l’Espagne, l’Italie…


-Cela a-t-il un quelconque rapport avec l’accueil plutôt tiède réservé à Unia au Japon ?

-Non non, en aucun cas. Nous avons enregistré notre premier live là-bas, en 2001, puis le CD/DVD For The Sake Of Revenge… Je pense qu’ils ont eu leur compte ! Et puis il y a des gens au Japon qui ont préféré Unia à nos albums précédents, par exemple le magazine Burrn ! lui a donné une meilleur note qu’à Reckoning Night. Mais c’est vrai que beaucoup s’attendaient à un album plus direct, alors qu’Unia est plus sinueux, plus compliqué, avec des touches progressives… Ce n’est pas grave en soi, nous avons trouvé de nouveaux sympathisants ailleurs ! Notre style a pas mal évolué, je ne crois pas que l’on puisse encore nous classer dans le power metal… Je suis certain que nous sommes devenus un groupe plus intéressant pour beaucoup de monde ! Continuer sur la lancée de Reckoning Night aurait été bien plus sûr, mais le plus important est de faire de la musique qui nous satisfasse réellement et qui nous fasse avancer dans notre parcours.


-Comment se fait-il qu’il y ait sur cet album deux morceaux tout droit sortis de Winterheart’s Guild ? Était-ce une demande du label ?

-En fait c’était ma propre décision de faire un petit pas en arrière. Sur chaque album j’ai essayé de placer quelques morceaux plus directs pour nos fans old-school, et aussi dans le but d'avoir un fil rouge dans notre discographie. Même sur Unia il y avait des titres plus directs… Il faut penser aussi à ceux qui ne jurent encore que par notre premier album ! Flag in the Ground devait à l’origine être un bonus track. Il date de 1996, c’est le premier morceau que nous ayons jamais enregistré. Sous un autre nom et avec des paroles complètement différentes, mais la mélodie était la même.


-Quel était son nom d’origine ?

-Blackout. C’était un morceau très différent, assez punk.


-Ne crains-tu pas que les fans old-school comme tu les appelles puissent être trompés par le contenu du single ?

-A vrai dire c’est le problème de la maison de disques, c’est à eux de voir comment ils veulent promouvoir l’album… Personnellement j’aurais choisi The Dead Skin ou Juliet, mais ce sont sans doute des morceaux trop complexes pour faire de bons singles. Et puis The Days of Grays n’est pas si compliqué comme album en fin de compte, il y a beaucoup de passages directs. Si le single avait été un morceau moins accessible, peut-être que certains fans échaudés par Unia n’auraient même pas voulu écouter l’album…





-Pourrais-tu nous décrire en quelques mots chacun des morceaux de The Days of Grays?

Everything Fades to Gray (version instrumentale): Ce morceau a déjà quelques années, il n’attendait que la bonne tribune et le bon moment pour être publié. Fin 2008 j’ai commencé à chantonner une mélodie par-dessus et les paroles sont venues toutes seules. Le résultat se trouve en conclusion de l’album.

Deathaura: L’exemple-type d’un petit morceau dont on perd le contrôle et qui devient un titre incroyablement épique de huit minutes. J’ai lu un jour dans un magazine un article sur les chasses aux sorcières du Moyen-Age. Cela m’a donné l’étincelle pour une histoire de sorcière qui a fini par donner ce morceau.  J’ai quand même fait quelques recherches sur le sujet. Ensuite j’ai demandé prudemment à Johanna Kurkela si elle serait intéressée par des apparitions sur deux de nos titres, et oui elle l’était ! La session d’enregistrement était sans doute la plus drôle de tous les temps avec ses imitations vocales en tous genres, et le résultat final est incroyablement bon. Mikko P.Mustonen a effectué un travail fantastique avec les orchestrations! En fait l’album a failli s’appeler Deathaura. Ce morceau ne pouvait figurer qu’au début ou à la fin de l’album, et c’est finalement le premier titre parce que c’était la meilleure manière de troubler l’auditeur...

The Last Amazing Grays: La wolf song de l’album. Si l’on veut trouver un thème à cet album, ce serait alors peut-être le temps qui s’écoule, le vieillissement et la mort. Et ce morceau parle de devoir transmettre tout ce qui importe à une nouvelle génération et puis d’espérer qu’elle est suffisamment sage pour écouter et comprendre au moins une partie de ce que les vieux sages ont à dire. Ces derniers grands, qui n’auront pas de successeurs. Le monde change. J’aurais pas une saloperie de crise d’âge moi? (rires) Le premier single de l’album donc, dans une version mutilée. Je trouve qu’il contient de sacrées bonnes mélodies.


-D’où vient cette tradition de « wolf song » ?

-Sur le premier album il y avait cette histoire de loup-garou avec Fullmoon, sur le second il y avait Wolf&Raven, et d’ailleurs un loup pour la première fois dans le livret.  Au fil du temps c’est devenu une mascotte. Au moins, quand je ne trouve pas d’inspiration pour un texte, j’ai toujours l’option de la wolf song ! (rires)


Flag In The Ground: Je réfléchissais au thème irlandais de ce morceau et à comment j’arriverais à écrire des paroles adéquates. « De la misère à la richesse » sonne peut-être un peu trop américain, mais ce passage de l’insignifiant à un certain bonheur fonctionne. De l’emprisonnement à la liberté. Ça c’est ensuite mué en ce thème des serfs des îles britanniques du milieu du XIXe siècle et des fameuses courses « du terrain gratuit pour les plus rapides » des USA. Le titre le plus optimiste et le plus positif de l’album. Et puis il sert de support au clip. Nous l’avons tourné en Pologne, et le résultat sera certainement notre plus beau clip à ce jour. Pour l’instant je n’ai pu en voir qu’un petit extrait…

Breathing: Une ballade-relations humaines-angoisse-laissez-moi-respirer-bordel. Il en faut. Elle a failli devenir un bonus, mais on s’en est tous un peu trop entichés… Je n’arrive pas à croire que ce morceau faisait à l’origine presque 7 minutes ! Ce fut douloureux, mais le raccourcissement a valu le coup.

Zeroes: Un morceau un peu plus étrange de notre part, qui contient des éléments complètement nouveaux. Certains y entendent des influences néo-metal. Peu importe. Un morceau bizarre et amusant quoi qu’il en soit. Peut-être quelques prises de position politiques par-ci par-là. Les élites ne peuvent pas faire des millions sans les ‘zéros’, c’est comme ça que ça se passe. Le vers "It's not my ass, per se, on the line" me fait toujours rire. Et il fait aussi beaucoup rire Henkka (Henrik Klingenberg, claviériste de son état).

The Dead Skin: Une crise de nerf causée par une histoire d’amour. Encore quelque chose de nouveau pour nous de bien des manières. C’est mon morceau préféré de l’album, peut-être justement du fait de cette différence. Il contient sans doute les passages les plus « bourrins » de l’album. Il devrait faire son effet en live!

Juliet: Unia a donné un nom à l’homme. ”Caleb”. Maintenant la demoiselle reçoit le sien elle-aussi. Ainsi donc, le thème de stalker commencé sur Silence se poursuit. Il faudrait sans doute réfléchir un jour à la possibilité d’enchaîner toute la saga en concert. Ce titre est en réalité un putain de bon morceau. Peut-être un peu plus sinueux que tous ses prédécesseurs, mais au moins aussi bon.


-Le morceau date-t-il de l’époque où vous songiez à faire un EP consacré à l’histoire de Caleb ? (Après Winterheart’s Guild)

-Nous songions effectivement à faire un EP sur cette histoire de stalker à une époque, mais ça ne s’est pas fait notamment à cause des complications engendrées par un changement de label. Mais Juliet est un nouveau morceau. L’histoire n’était pas censée continuer après Caleb, mais finalement je pense qu’il y en aura d’autres autour de cette thématique. Pas forcément directement liés à l’histoire de Caleb et Juliet, je ne sais pas s’il est vraiment utile de poursuivre ce fil rouge. Toutes les histoires d’amour ne parlent pas de la même relation…


No Dream Can Heal a Broken Heart: Tout le monde rêve sans doute de l’amour. Ici ces rêves sont douloureux. Jossu Kurkela pose sa magnifique voix sur un passage en lead. Ce morceau devait au départ être un single, puis un bonus, mais on s’est finalement rendu compte qu’il fallait l’intégrer à l’album. Ce fut vraiment difficile de choisir les bonus cette fois… Même si l’on avance en terrain connu, on y trouve encore une fois des éléments assez atypiques pour du Sonata. Les structures en arrière-plan des couplets me mettent de bonne humeur !

As If The World Wasn't Ending: La seconde ballade à proprement parler de l’album. Selon moi. Ce doit être le premier morceau que j’aie terminé, dès le début de 2008. Il parle de marcher sur le fil du rasoir et du fait que finalement, on ferait parfois mieux de faire comme s’il n’y avait pas de lendemain. Laisser les soucis derrière soi, au moins pour un soir. Tchin tchin!

The Truth Is Out There: OK, ça sent l’abus de picole. Mais ce n’est même pas spécialement mon truc... Donc ce drôle de morceau varié parle des évènements du type ”jour d’après” et du fait que la vérité n’est parfois visible que dans les yeux des gens qui nous entourent. Et puis il y a bien sur cette ambiance X-files. A un moment donné ce ne devait être qu’une histoire d’OVNI, un truc à la X-files, mais ensuite elle s’est mélangée avec ces autres éléments et… euh… le résultat est pour le moins intéressant, sur plusieurs plans. Les lignes vocales sont par moments assez étranges, même pour moi. Un de mes morceaux préférés. Ah oui, on y entend aussi un Redneck Horn, un truc qu’on a acheté pendant la première manche américaine de la tournée et qui émet toutes sortes de cris quand on appuie sur un bouton. On jurerait entendre hurler notre chauffeur de bus de l’époque, Craig. « You're a goddamn moron! »  (rires)

Everything Fades To Gray: J’ai commencé à perdre des gens autour de moi, emportés par l’âge et les maladies. Pas comme les feuilles en automne, mais tout de même. Je me suis peut-être simplement mis à réfléchir d’avantage au vieillissement et à ses implications ces derniers temps. Tous les personnages forts de mon enfance commencent tout de même à prendre de l’âge. Plusieurs atteignent l’âge de la retraite ou se retrouvent mis à la retraite, ce qui est franchement flippant. Imagine que l’on te prive d’une si grande partie de ton réseau social et qu’à la place tu te retrouves avec énormément de temps dont tu ne sais même pas forcément quoi faire. Si tu sais, génial ! Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Déprime. Et juste quand tu aurais le temps de faire tout ce dont tu as rêvé pendant des années et des années, on t’enlève tout. Et puis les proches ont ensuite tout le temps pour se demander ce qui s’est passé, et regretter surtout ce qui n’a pas été fait… Un titre sacrément sombre en un sens,  mais en même temps peut-être le meilleur de l’album. Perttu Kivilaakso d’Apocalyptica y laisse une trace superbe! Je kiffe vraiment ce morceau. Et pourtant il me file le cafard…


-Tu parles beaucoup de vieillissement… J’imagine que c’est la signification du mot ‘grays’ ?

-Exactement. La mort, la peur de la mort, le vieillissement, les crises d’âge... C’est le thème principal de l’album.


-As-tu de nouveau composé l’intégralité de l’album ?

-Oui, à l’exception d’un bonus japonais, Nothing More, qui est un morceau de Henkka Klingenberg.


-Quels morceaux de The Days of Grays comptez-vous jouer en concert ?

-Tous, a priori. Pour l’instant nous avons joué The Last Amazing Grays et Flag in the Ground, mais plus tard nous ajouterons Deathaura dans notre set, The Dead Skin, les deux ballades… Il y a beaucoup de morceaux, qui, j’en suis sur, marcheront bien en live. Une longue tournée nous attend, nous allons jouer une partie des titres dans les mois à venir, et nous changerons surement pour la deuxième partie de la tournée.


-Pourrez-vous enfin utiliser les effets pyrotechniques qui ornent vos concerts finlandais depuis déjà quelques années lors de la tournée européenne ?

-J’ai bien peur que cela reste encore trop cher pour nous. Et puis il y a beaucoup de salles où nous nous produisons où c’est interdit… Peut-être de manière épisodique, si nous arrivons à jouer dans de plus grandes salles, je l’espère ! Ceci dit, je ne veux pas que la musique soit reléguée au second plan, les morceaux que nous jouons doivent rester la principale attraction !





-D’où vous est venue l’idée de lancer un concours pour l’illustration de la pochette de votre second single, Flag in the Ground ?

-En fait ce n’est pas un vrai single, mais un cd promo festiné aux médias. A l’origine je voulais faire dessiner la pochette de l’album par les fans, mais c’était compliqué à réaliser. Puis quand on m’a demandé plus tard si j’avais des idées pour une pochette de single promo, j’y ai repensé. C’est une forme de reconnaissance. Nous avons reçu énormément de participations très différentes les unes des autres, c’est vraiment chouette !


-A propos de pochette, celle de The Days of Grays me fait penser à celle de Silence. Était-ce volontaire ?

-D’une certaine manière, oui… Mais le concept est différent. En fait c’est une image dans une image : la pochette forme la tête d’un loup, avec les oreilles en haut, le nez, la lune en guise d'œil. Il faut apprendre à la regarder! Quand on l’observe suffisamment longtemps le cerveau remplit les vides, ce qui n’est pas dessiné…


-Une question me taraude depuis 2 ans maintenant : comment les gens de Nuclear Blast ont-ils réussi à se rater de la sorte avec le livret d’Unia ?

- (long soupir) Notre graphiste, "ToxicAngel", avait voulu rendre les choses les plus simples possible : il n’y avait qu’à appuyer sur un bouton pour imprimer la bonne version. Au final, personne n’a pris le soin de vérifier qu’il s’agissait de la bonne version, ils ont tout imprimé sans faire attention. Et voilà… Ça me fait vraiment ch… , encore aujourd’hui. Il n’y a que la version japonaise qu’ils ont réussi à imprimer correctement !


-J’ai toujours considéré Silence comme étant une version plus mature et mieux maitrisée d’Ecliptica, et j’ai aujourd’hui le même sentiment à propos de la doublette Unia/The Days of Grays. Qu’en penses-tu ?

-Oui, c’est peut-être vrai. Unia était à l’époque clairement notre album le mieux réalisé et le mieux produit. Il a fallu apprendre, et sur The Days of Grays les orchestrations ont un énorme impact. J’ai appris à m’occuper des harmonies vocales multiples sur le tas, ça partait peut-être un peu trop dans tous les sens sur Unia. Avec toutes ses pistes de chant superposées, il n’était vraiment pas évident à mixer. Il sera d’ailleurs plus facile de reproduire les nouveaux morceaux en live, car il y a des lignes vocales lead claires et distinctes – ce qui n’était pas le cas sur Unia. Je me rappelle que lorsque l’on a commencé à répéter It Won’t Fade pour la précédente tournée, les gars se sont arrêtés de jouer quand j’ai commencé à chanter la mélodie lead du refrain : ils se sont demandés ce que je faisais parce qu’ils pensaient que le leadd était tout autre… Du coup j’ai appris à choisir dès le départ quelle est la ligne lead et quels sont les chœurs, les lignes secondaires. Sur Unia elles étaient presque au même plan, mais c’était délibéré, je trouvais ça intéressant ! En tout cas, je trouve The Days of Grays vraiment réussi, et sur certains aspects, nettement meilleur !


-J’imagine que tu es heureux du changement de style opéré avec Unia ?

-Oui bien sur, on se demandait après Reckoning Night combien d’albums on allait encore avoir la force de faire. Nous étions tous las, la musique que l’on jouait ne nous plaisait plus, artistiquement parlant nous faisions du surplace, il fallait changer quelque chose. J’aimerais que nous puissions continuer avec ce groupe le plus longtemps possible, jusqu'à l’âge de la retraite, et pour que ce soit possible il est nécessaire de faire évoluer notre musique avec le temps. Avec Unia nous avons retrouvé l’enthousiasme, même si avec le recul l’album aurait pu être un peu moins compliqué, plus simple à assimiler. Mais je suis certain que nous sommes sur de bons rails désormais !


-Unia est disque d’or en Finlande, et Paid in Full a été joué par les radios jusqu’à l’écœurement. Crois-tu que vous puissiez encore grandir, commercialement parlant ?

-En réalité, notre courbe de ventes d’albums est plate: depuis le premier, il n’y a pas eu de grosses variations dans un sens comme dans l’autre. La grosse différence réside dans les concerts : les tournées sont de plus en plus longues. En Finlande nos ventes progressent régulièrement. Reckoning Night est devenu disque d’or en six mois, et Unia en six semaines! D’ailleurs, il pourrait être prochainement disque de platine ! L’accueil a toujours été très bon ici, j’espère qu’il en sera de même pour le nouveau ! Naturellement, nos attentes sont importantes… (Depuis, The Days of Grays est devenu disque d’or en… un jour !)


-Les musiques de Nightwish et de Sonata Arctica ont récemment convergé, y a-t-il un quelconque lien avec ton amitié avec Tuomas Holopainen ?

-Je suis un grand fan de Nightwish, mais je ne pense pas que cela joue vraiment. Ce qui nous rapproche, ce sont sans doute les orchestrations. Sur The Days of Grays elles sont très présentes, et peuvent faire effectivement penser à Nightwish. Mais si on passe outre, je ne crois pas que les similitudes avec Nightwish soient flagrantes, même s’il doit bien y avoir quelques morceaux qui sont dans le même esprit que les leurs.  Ceci dit, nos musiques n’ont jamais été si éloignées l’une de l’autre, simplement à un moment donné Nightwish a commencé à utiliser des orchestrations de manière massive. Si l’on est un fan de Nightwish, je pense qu’il n’est pas si surprenant que l’on puisse apprécier notre musique…


-Oseras-tu un jour faire une reprise de Queen ?

-Queen, c’est une sorte de vache sacrée. J’y ai souvent pensé, mais je n’ai pas encore réussi à faire une version suffisamment bonne d’un morceau pour que ce soit pertinent de l’enregistrer. Il faudrait que Brian May puisse l’approuver… Mon niveau d’exigence est trop élevé pour que je puisse m’y atteler sérieusement.


-Et quid d’un morceau en finnois ?

-Je n’ai rien contre ! Je chantais en finnois dans mon premier groupe, on jouait du humppa (de la musique populaire dansante) et des valses dans les mariages. Mais Nightwish a franchi le pas avec Once, et je ne porte vraiment pas le résultat dans mon cœur ! (rires) Si je faisais un morceau en finnois, les gens se marraient en disant que ça y est, Sonata Arctica l’a fait aussi ! Et puis les paroles devraient être exceptionnelles, puisque je m’exprimerais dans ma langue natale. L’anglais, c’est plus un outil de travail…


-Comment Jörg Michael est-il devenu votre tour manager ?

-Jörg collabore avec notre management, et comme il avait déjà officié en tant que tour manager, il nous a proposé ses services il y a quelques années, je ne me rappelle plus pour quelle tournée… Nous n’avons pas hésité une seule seconde ! Je pense que c’est le meilleur tour manager que nous ayons eu : il est extrêmement professionnel et comprend exactement les besoins d’un groupe en tournée, et sait également ce dont il n’a pas besoin. En revanche, je ne suis pas certain que les promoteurs soient du même avis ! (rires) C’est encore aujourd’hui une situation étrange pour Tommy (Portimo, le batteur), parce que Jörg est son modèle. Maintenant il est censé lui demander de lui apporter une serviette ! (rires) C’est amusant à voir ! (rires)


-Le fait de passer de Spinefarm à Nuclear Blast en 2004 a-t-il changé quoi que ce soit dans la vie de Sonata Arctica ?

-Non, pas vraiment. La plus grosse différence, c’est que l’on ne peut plus communiquer en finnois. Tout ce décide en Allemagne, donc il y a une certaine distance. Bien sur, c’est également une bien plus grosse machine que Spinefarm !


-A propos, te rappelles-tu comment vous avez eu votre premier deal avec Spinefarm ?

-Oui, très nettement ! Nous venions de faire notre quatrième démo, qui contenait les morceaux Fullmoon, UnOpened, 8th Commandment et Mary-Lou. Ahti Kortelainen, l’ingé son du Tico Tico Studio m’a demandé s’il pouvait l’envoyer à Spinefarm. Il était en relation avec Ewo(Pohjola, patron de Spinefarm Records à l’époque), et se disait qu’il y avait plus de chances que quelqu’un l’écoute s’il servait d’intermédiaire. Au bout de quelques jours, Ahti a reçu une réponse et il m’a appelé directement. J’étais à l’école à Tornio, mais j’ai quand même décroché. Il m’a dit qu’Ewo de Spinefarm voulait utiliser un morceau de la démo pour une compilation. Evidemment, j’ai accepté et je lui ai demandé de lui donner mon numéro. Ewo m’a appelé quelques jours plus tard et m’a directement proposé un contrat de trois albums ! Ca m’avait laissé sans voix… Un des meilleurs moments de ma vie, je n’oublierai jamais !


-Depuis quand vivez-vous de votre musique ?

-C’est devenu possible pour moi un peu plus tôt que pour les autres, étant donné que je touche les droits de compositeur. Je dirais à partir du deuxième album, et les gars à partir du troisième. Il n’y avait plus besoin d’aller au travail ou de demander de l’argent à papa-maman.


-Pouvoir vivre de son art dès le second album, c’est un luxe pour un groupe de metal !

-J’étais encore étudiant, donc je n’avais guère que mon loyer à payer… En fait ce n’est devenu un vrai salaire qu’avec le troisième album, lorsque je n’ai plus eu le temps de continuer mes études et que j’ai commencé à considérer Sonata Arctica comme mon travail. C’est dommage, il ne me manquait plus qu’une année pour être diplômé…


-Quel est le morceau dont tu es le plus fier ?

-Hmm… Je dirais Don’t Say A Word, je trouve que c’est un très bon morceau, il n’y a strictement rien que je voudrais changer. Et on aime toujours autant le jouer en concert, on ne s’en est pas lassé. C’est déjà significatif en soi !





A ce stade, Tony m'informe gentiment du fait qu'il était censé appeler un collègue pour une autre interview depuis un moment... La discussion a cependant pu se terminer par mails interposés.





THE DAYS OF GRAYS


-Pourquoi le clip de Flag in the Ground est-il votre premier clip qui soit vraiment travaillé depuis Wolf&Raven ?

Nous n’avions peut-être pas la bonne équipe autour de nous pour s’en occuper par rapport au budget dont nous disposions…


-As-tu écouté Knockin’ on Heaven’s Door de Bob Dylan en écrivant les paroles de l’album? :P

Haha, non. :)


-Comment vous est venue l’idée de faire ce solo de clavier étrange dans le morceau Zeroes?

Il faut poser cette question à Henrik, et uniquement à Henrik. Je n’ai aucune idée de ce qu’il avait mangé ce jour-là. HAHA !


SONATA EN CONCERT


-Je trouve que tu as énormément progressé en tant que frontman, et ton chant en concert s’est également énormément amélioré. Je me rappelle qu’il y a environ cinq ans tu avais dit dans une interview que tu n’aimais pas vraiment les tournées et que tu préférais être dans un studio. Ton opinion aurait-elle évolué ?

Effectivement. Je dirais qu’actuellement la balance penche du côté du live à raison de 60/40. J’aime bien les deux, mais trop c’est toujours trop. Passer six mois en studio tout comme enchaîner les tournées pendant deux ans.


-Beaucoup de fans se plaignent du fait que l’on entend mal les chœurs en live. Cela ne vaudrait-il pas le coup de tricher un peu avec des chœurs préenregistrés, vu leur importance sur vos derniers albums ?

Nous avons des bandes avec certains méga-chœurs, mais leur volume en concert est entre les mains de l’ingénieur de son. Le groupe est tout de même plus important que les décorations que l’on rajoute autour.


-Il y aura-t-il toujours une place pour votre chouette medley dans le futur?

Probablement. Il faudra seulement choisir au préalable les morceaux qui le constitueront. J’espère que nous trouverons le temps.


-Songez-vous à vous produire un jour en concert accompagnés d’un orchestre ?

Ce serait extrêmement intéressant d’essayer. Mais je doute fortement que l’on puisse un jour faire une tournée dans cette configuration, à moins que l’un d’entre nous ne gagne des millions au loto…


-Quel est l’endroit le plus étrange où tu aies joué?

Il n’y a aucun lieu vraiment étrange qui me vienne à l’esprit sur le moment… Dans le temps nous avons sauté l’étape des concerts donnés à l’angle d’une pizzeria, et tant mieux d’ailleurs. Parfois nous nous sommes retrouvés dans des endroits qui ne me paraissaient pas très appropriés pour jouer du metal, comme le House of Blues de Chicago. Quand nous y sommes rentrés pour la première fois, il y avait un chœur de gospel qui était en train de répéter… quelque part j’ai eu l’impression de commettre un sacrilège. Un endroit magnifique.


-Y a-t-il un groupe avec lequel tu rêverais de tourner ?

Hmmm… je ne sais pas. Je tournerais de nouveau avec Nightwish n’importe quand. Avec Queen ce serait une superbe expérience, mais il est bien peu probable que cela se produise un jour.





TOUT ET N’IMPORTE QUOI…


-Ne crains-tu pas que les fans se lassent de voir des loups sur à peu près tous les t-shirts, comme c’est le cas aujourd’hui ?

Bientôt il y aura des corbeaux, des bateaux et même des aliens. Donc nous en prenons compte. :)


-Aimerais-tu composer la BO d’un film un jour ?

Oui ! Un jour, quand j’aurai le temps pour ça.


-Les projets Northern Kings et Raskas Joulu auront-ils une suite?

Je l’espère.


-Penses-tu avoir le temps de réaliser ce fameux projet avec Tuomas Holopainen avant d’atteindre l’âge de la retraite ?

Au pire, ce sera à ce moment là :D


-Quel est ton opinion sur le fait que le metal passe sur NRJ et dans l’émission Idols ?

Cela contribue indéniablement à populariser le metal et cela permet à de nouvelles personnes de découvrir ce style musical. Après, est-ce que c’est une bonne ou une mauvaise chose, c’est une question plus délicate.


-Venons-en à un sujet brûlant : que penses-tu du téléchargement illégal ?

N’importe quel mot ou concept devant lequel tu ajoutes « illégal » devient quelque chose d’illégal, un délit, un vol, et donc ça craint. Honnêment, je n’arrive pas à comprendre comment une personne se disant intelligente pourrait percevoir les choses différemment. Et puis il existe quand même de nos jours des plateformes de téléchargement légal. Un vol est un vol.  Comme le dit le proverbe, dans le ciel les culs se font goudronner! :)  (Je n'ai vraiment pas trouvé d'équivalent français, navré! xD)


-Le support CD est-il important pour toi ?

Oui. Comme n’importe quel format physique de distribution de la musique. 33-tours, cassette, CD, DVD… Les disques durs finissent toujours par se casser de toute façon.


-Quels groupes écoutes-tu en ce moment?

Ces derniers temps, beaucoup de Strapping Youg Lad et de projets solos de Devin Townsend.


-Qu’est-ce que tu aimes en dehors de la musique ?

Tout à l’heure, je suis allé dans le jardin rembobiner le long tuyau d’arrosage de la pelouse. C’était plutôt chouette. :) L’ordinateur, les jeux-vidéos, les balades, les chiens, les voyages, les randonnées et autres expéditions, les amis...


-Qu’as-tu étudié?

J’ai eu mon bac. Ensuite j’ai étudié pendant un an la logistique dans un ammattikorkeakoulu (plus ou moins l’équivalent d’un IUT), puis j’ai fait 3-4 ans de licence de communication dans un autre ammattikorkeakoulu. Mais là encore je ne suis pas allé au bout parce que je me suis fais happer par le groupe. Les enfants, restez à l’école !!! Sérieusement…


-Que ferais-tu si Sonata Arctica n’avais jamais existé?

J’aurais probablement eu ma licence de communication et j’aurais un métier qui en découle. Le domaine de la publicité me fascine. Ou bien je serais devenu menuisier. Le bois est un matériau noble.


-Terminons par la question traditionnelle de Heavylaw: quels sont les deux vœux que tu formulerais au génie d’Aladdin?

La santé et une longue vie pour moi et pour mes proches. Cent millions d’euros sur mon compte en banque, pour que je puisse rembourser toutes mes dettes, ainsi que celles de mes proches. L’argent rassure.


-Merci infiniment pour cet entretien!

Merci à toi, passe une excellente soirée !

0 Comments 01 août 2009
Whysy

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