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J'ai déjà, dans une chronique précédente, exprimé tout l'amour que je portais au talent exceptionnel de Neal Morse, il ne sera donc pas nécessaire d'en refaire une thèse. Rappelons seulement que le mec est un génie. Mon code déontologique m'oblige également à rappeler que l'individu en question est profondément croyant (un converti récent, les pires), et qu'il s'étale dans les grandes largeurs sur le sujet. Doux euphémisme, c'est vous dire l'étendue du truc.

Pour autant il serait dommage de bouder son plaisir pour quelques broutilles, après tout c'est une question de foi bien subjective: Jésus, Batman, Roswell, c'est un peu le même combat, et ça ne vous a pas empêché d'aimer X-Files ou Heath Ledger. Faites-donc comme moi, et occultons ensemble les paroles un peu doux-dinguesques (je suis comme ça, j'invente des mots) de Papy Neal pour nous concentrer sur l'essentiel, le son. Et pour la énième fois, l'homme nous en a remis plein la gueule.

Testimony 2 est, purement et simplement, une merveille, une collection ébouriffante de trouvailles mélodiques, de rythmiques endiablées et réjouissantes, bref, un long moment de bonheur. La variété des ambiances proposées est assez dingue, et Neal fait preuve sur cet opus d'une inventivité maladive, comme si sa vie en dépendait. C'est son credo à lui, ne jamais proposer de passage un peu chiant à la Dream Theater, toujours alterner virtuosité et simplicité, grandiloquence et humilité. Là où le vrai talent réside, c'est dans la capacité que possède cet homme à transformer ce qui pourrait être un fatras de gimmicks mis bout à bout en oeuvre cohérente, et ce par deux moyens: l'organisation de sa pièce en trois parties et son découpage en treize morceaux, et la réminiscence de nombreux thèmes mélodiques et rythmiques tout le long de l'album. Il est à signaler que plusieurs de ces thèmes étaient présents lors de Testimony 1, paru en 2003, qui présentait un peu le même aspect et s'organisait autour du même concept avec néanmoins une différence de taille: l'album était nettement moins bon.

J'occulte volontairement le deuxième CD, et je n'en parlerai que très peu car, n'ayant pu faire l'interview, je n'ai pas pu lui poser la question qui me brûle les lèvres: « Bordel de merde Neal, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, c'est quoi ce truc? » La réponse, je l'ai, je le crains, il s'agit de toute évidence d'une erreur, une faute de goût. Bonus disc? Je l'espère, car ces trois chansons (dont deux sont carrément pathétiques et la troisième longue et chiante comme un morceau de Mike Portnoy) ne rentrent absolument pas dans le cadre du premier « disque », ne s'inscrivent ni dans la même logique ni dans la même exigence de qualité. Mais putain de nom de Dieu, que je sois voué aux gémonies si cela devait m'empêcher de claquer la note maximale! Vindiou.

Je sais que quelques bons mots iconoclastes ne vous suffiront pas, va falloir justifier. Si vous croyez, bandes de mécréants impies, que j'ai pu être aveuglé par la ferveur pathologique de Neal Morse au point d'en avoir oublié mes plus ardents principes lucifériens de refus de tout dogme et de pratique d'analyse critique tendant vers l'objectivité eh bien vous vous trompez, mais peut-être pas autant que la construction alambiquée de cette phrase incompréhensible pouvait le sous-entendre. Oui je l'avoue, entendre une telle sincérité, entendre l'humilité et l'émotion avec laquelle il parle de lui, de sa vie et de ses passions, c'est touchant. Un exemple. Il raconte, dans « Jayda », comment sa fille est née avec un problème au coeur qui a failli la faire mourir, très rapidement après sa naissance. Le morceau est un superbe tempo lent, tout en douceur et beauté, un moment de calme aérien et d'émotion, une supplication pour que sa fille survive. La chanson suivante, « Nighttime Collectors », raconte un peu la suite de l'histoire, mais sur un tout autre ton, car vous vous en doutiez, l'issue en est joyeuse: le bébé survit. Ca pulse, c'est rapide et virtuose, on sent la joie et le bonheur sans pour autant verser dans une naïveté pathétique, bref, c'est magique. Je vous parlais de sincérité touchante, voici les mots de Neal:

I was drunk when I heard about her healing
When the phone rang I fell out of bed
When I got the news it blew out a fuse in my head

J'étais raide quand j'ai appris sa guérison
Quand le téléphone a sonné je suis tombé du lit
Quand j'ai eu la nouvelle j'ai pété un câble

Je vous ferai la joie de vous épargner une étude stylistique mais vous noterez tout de même le talent d'écriture: syntaxe parfaite, rythmique calibrée et rimes intelligentes et accrocheuses. Un exemple parmi d'autres, Testimony 2 est truffé de ce genre de passages poignants.

Evidemment, certains morceaux sont plus intéressants que d'autres sur cet album. J'attire votre attention sur « Time Changer », sorte d'hommage aux grandes années de Spock's Beard, tout en virtuosité, dont l'ambiance survoltée et l'atmosphère mélodique très britannique se retrouve dans « Time has come today » et « Chance of a lifetime ». Un pur régal. Les notes progressives du talent époustouflant de Neal se font plus planantes et majestueuses avec « Jesus bring me home » et « It's for you », qui me donnent envie de chanter en levant les bras, je vous laisse imaginer le spectacle. L'album se termine avec magnificence et grandeur sur « Crossing over/Mercy street reprise ». L'émotion est grande et palpable, et la production parfaite vous filera une chair de poule monumentale.

L'idée géniale d'avoir découpé l'album en treize morceaux apporte vraiment un plus: c'est vrai que malgré mon amour immodéré pour le prog sous toutes ses formes, j'ai toujours été un brin ennuyé par les pièces de 25 minutes. Aéré et plus concret, Testimony 2 s'écoute ainsi beaucoup mieux que Sola Scriptura, pour ne citer que lui. Un exemple à retenir.

Je terminerai cette chronique en développant un dernier argument: même s'il est vrai que certaines phrases peuvent choquer, souler ou faire vomir (rayez la mention inutile), le shoot de bonheur offert par Neal Norse avec cet album dépasse l'entendement. On se sent mieux après l'avoir écouté, indéniablement, n'en déplaise aux esprits chagrins. Je vais de ce pas rédiger une pétition demandant l'inscription de Testimony 2 sur la liste des produits remboursés par la Sécurité Sociale.

And I can't describe how hard it was
Or how much we loved each other

0 Comments 12 mai 2011
Whysy

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