Vous recherchez quelque chose ?

I have a wish to sing
Of time before the beginning
When nothing was all
But how to sing of nothing?



Il est de notoriété publique que, quand le marché va mal, les valeurs refuges prennent de la valeur. Amorphis est une valeur refuge. Comprenez que, comme l’or, Amorphis voit sa cote grimper au fil du temps. Ca n’a jamais été plus vrai que depuis l’arrivée de Tomi Joutsen au sein du groupe. Ainsi Eclipse, Silent Waters puis Skyforger ont, chacun en leur temps, été unanimement reconnus comme d’excellents crus (il suffit de regarder les commentaires et soundchecks des chroniques de ces albums pour voir qu’aucune note n’est inférieure à 7, et que les notes entre 7 et 8 se comptent sur les doigts d’une main, tout le reste étant à 9 et 10).

Autant dire que les finlandais sont attendus au tournant, d’autant plus que les valeurs refuge sont parfois surestimées. L’once d’or vaut-elle vraiment 1230€ (et le lingot un peu plus de 33000 ?)? Amorphis vaut-il vraiment cette pluie de 10 ? Le plus fort de la crise étant passé depuis la sortie de ce nouvel album, on peut aujourd’hui jeter un regard plus apaisé sur the Beginning of Times, loin de la folie de la spéculation à base de « Amorphis ? C’est devenu tellement commercial », de « Bon, ouais, Tomi chante bien, mais il sait faire autre chose que ce qu’il fait depuis trois albums ? » ou de « Amorphis c’est toujours aussi génial (l) ».

Rassurons nos amis investisseurs : on ne devient pas une valeur refuge par hasard. Amorphis, c’est toujours de l’or, en témoignent pour commencer la production impeccable, et le mixage qui arrive à mettre en valeur tous les instruments et toutes les voix sans qu’aucun ne vienne gâcher le plaisir d’entendre les autres.

En ce qui concerne les caractéristiques de la valeur Amorphis, elles restent les mêmes : mélodies à la fois douces et puissantes, teintées de mélancolie, voix tantôt chaude, tantôt caverneuse, maîtrise parfaite de tous les instruments, et structures progressives complexes.

Ecouter un album d’Amorphis, c’est toujours un voyage dans la mythologie finlandaise et ses mystères ; on accompagne ici dans ses pérégrinations Vaïnämöinen, barde éternel à la voix d’or, et en recherche d’une épouse et figure centrale de la création du monde. Parce que, oui, comme ses prédécesseurs, the Beginning of Times est un concept album. Point intéressant : c’est Vaïnämöinen lui même qui chante son histoire.

Le voyage de the Beginning of Times nous porte dans un univers plus mélancolique que jamais plein d’amours déçues, impossibles ou tragiques (Mermaid, On a Stranded Shore, Reformation), de mort (Three Words, Reformation toujours), d’emprisonnement, de solitude et de regrets. On traverse aussi des passages plus optimistes, comme Escape qui raconte le retour du héros à la vie, mais ces passages sont brefs, et malgré tout teintés d’obscurité.
L’Odyssée du barde commence avec Battle for Light, une introduction réussissant l’exploit d’être à la fois puissante et calme, qui pose le décor d’un combat épique avant le retour du soleil.

La qualité de l’écriture est à noter, les textes sont tous poignants, et expriment à merveille l’émotion transmise par la musique.

Prenons l’exemple de Reformation, incontestablement un temps fort de l’album : la voix de Tomi Joutsen, à la fois chaude et triste, accompagnée de chœurs lointains et d’un piano lead, implore un être cher de ne pas avoir peur, de ne pas pleurer sa mort. On frissonne avec lui, on devine Vaïnämöinen devant faire preuve de courage pour se montrer fort dans ces derniers mots.
Autre exemple, celui de Crack in a Stone dont les orchestrations respirent la détermination et l’optimisme pour commencer, avant de s’engouffrer dans une rage du narrateur, traduite par ses hurlements, une rage de prendre son envol qui transparaît aussi dans les paroles.

On l’aura compris, la recette d’Amorphis reste la même pour demeurer une référence du marché, même si on trouve dans ce Beginning of Times une surprise pour les investisseurs habitués à leur petit confort : sur plusieurs titres, la jeune Netta Dahlberg vient soutenir de ses chœurs le chant de Tomi.

On fait donc la connaissance de Netta sur l’ouverture au piano de la jolie et entraînante Mermaid, avant de l’y retrouver dans les chœurs, mais aussi dans You I Need (si si, pendant cinq secondes, à 1’15 de la fin), Song of the Sage et Soothsayer. Si elle ne fait que des apparitions ponctuelles, et discrètes, elle remplit bien son rôle de fondre dans la mélodie, en contrastant le chant lead masculin.
Soothsayer est d’ailleurs le seul morceau où Netta prend un vrai second rôle, donnant la réplique à Tomi avec maîtrise et émotion.

Song of the Sage est une autre escale marquante du voyage de Vaïnämöinen, prenant aux tripes dès les premiers riffs, aux nombreuses ruptures de rythme, alternant les passages légers, les passages sombres et lourds, et les passages folk à la flute et guitare sèche qui reviendront accompagnés de cris, de guitares lourdes ou d’un chant plus simple, sans fioritures, interlude instrumental suivi d’un solo de guitare vibrant ... Tout y est pour nous rappeler pourquoi Amorphis est un grand nom du metal finlandais.

Seulement, si tout l’album est de qualité, si toutes les mélodies sont une invitation au voyage, plusieurs morceaux se reposent trop sur les acquis du groupe. Par exemple My Enemy n’a pas le potentiel tubesque d'un Sky is Mine, et You I Need fait pâle figure face à son prédécesseur en tant que single découverte Silver Bride. Enfin la chanson Bonus Heart’s Song aurait mieux fait de laisser l’album se terminer par sa chanson éponyme, d’une part pour boucler le concept (il faut reconnaître qu’elle fait une parfaite conclusion), d’autre part parce que Beginning of Times est peut-être l’un des morceaux les plus aboutis de l’album en termes d’atmosphère : à la fois optimiste et angoissante.

C’est certainement cet aspect de presque stagnation qui fait craindre aux plus pessimistes la formation d’une bulle Amorphis. Comme l’or aujourd’hui surévalué, et auquel on tente de substituer le cuivre ou le zinc, Amorphis a atteint le sommet de sa valeur, et est aujourd’hui à un moment décisif de sa carrière. Si les finlandais continuent dans cette voie, d’autres groupes finiront par profiter de cette position, et par leur voler leur place de rois.

Amorphis obtient donc un triple A ... Euh, un 8/10, mais avec une perspective négative.

0 Comments 06 octobre 2011
Whysy

Whysy

Read more posts by this author.

 
Comments powered by Disqus