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Je suis particulièrement fier de pouvoir chroniquer le dernier album de Virgin Steele, The Black Light Bacchanalia, car pour moi ce groupe a beaucoup fait : quand je rédigeais mon mémoire sur le mythe et la philosophie, dans mon lecteur The house of Atreus - Act 1 tournais en boucle. Cette musique m’a inspiré et elle a mis en scène ce que peut être un mythe.

Terminés les souvenirs, voyons ce qu’on a à se mettre sous la dent. Le groupe n’est pas très prolifique puisque depuis 2000 il a sorti seulement deux albums : Visions of Eden (2006) et The Black Light Bacchanalia aujourd’hui (2010). Néanmoins au bout de vingt-neuf ans d’activités Virgin Steele affiche douze albums studio au compteur. Le titre d’abord : il est question du "Bacchanalia" c'est-à-dire les fêtes qui se déroulaient dans l’empire romain pour célébrer Bacchus le dieu du vin, de la fécondité, de la sexualité et de l’extase. Le Bacchus latin est parent proche du Dionysos grec. Pendant ces fêtes il y avait souvent des débordements à tel point que le sénat les interdira par décret (senatus consultum de Bacchanalibus) en 186 après J-C.

En même temps ce titre est une métaphore qui exprime selon les termes du chanteur et maître à penser du combo David DeFeis "La Grande Inversion". Sur son site il explique : « Quand on conquiert une autre culture, les divinités du peuple conquis deviennent les démons de la religion des conquérants. Tout est chamboulé ... sens dessus dessous. C'est essentiellement ce qui s'est passé au paganisme et au gnosticisme. Les païens ont été tués, et leur culte de Bacchus / Dionysos avec leurs bacchanales a été supprimée. Mais […] les autres couleurs se fondent dans l'ombre […] Les païens entrent dans la clandestinité ».

Je ne discute pas ses propos (car on peut les nuancer) et je m’excuse de la longueur mais tous ces mots me paressaient importants pour arriver à cerner ce The Black Light Bacchanalia qui se présente comme un concept album et qui plus est comme la suite de Visions of Eden. On retrouve ici la déesse Lilith qui avec sa mort (To crown them with halos) signe la fin et le déclin d’une civilisation et du principe du féminin divin.

Pour la forme on commence par le gros défaut de l’album (mais il faudra nuancer) : comme pour Visions of Eden les guitares sont sous-mixées, et même les morceaux plus rapides ne font même pas peur ! En même temps la voix de DeFeis est tellement douce et belle à tel point qu’elle peut porter toute seule cet album, mais cette voix a oublié sa hargne, sa rage d’antan. Si la production de Visions of Eden en avait déstabilisé plus d’un, il en va de même avec The black light bacchanalia : il faut s’y faire- il s’agit du cru 2010 de Virgin Steele. En effet en schématisant on pourrait parler d’une première période assez brute du début sans vraiment une direction précise du groupe ; on arrive au diptyque The marriage of heaven and hell part 1 & 2 qui marrie un coté heavy / hard et quelques symphonies, ensuite Invictus et encore un dyptique The house of Atreus part 1 & 2 où le coté symphonique et heavy sont pleinement assumés et à leur sommet ; on arrive ainsi à cette décade où le lion DeFeis ne griffe plus mais il fait place plutôt à l’introspection et à la symphonie tout court. Le mixage refléterait alors un changement de direction et de maturité peut-être du groupe.

Certes l’ouverture By The Hammer Of Zeus (And The Wrecking Ball Of Thor) est vraiment réussie (rapide, envoutante, avec un joli refrain) et on pourrait la lire aussi sous un aspect autobiographique car David DeFeis possède un studio d’enregistrement qui s’appelait autrefois The Hammer Of Zeus et aujourd’hui The Wrecking Ball Of Thor. Mais dès la deuxième piste Pagan Heart on retrouve ce coté introspectif déjà cité et pas mauvais mais atypique pour Virgin Steele. The Orpheus Taboo est une chanson particulièrement réussie où la mélancolie et la voix de DeFeis font venir la chair de poule.

En résumant on tient un album où les trois ballades (Nepenthe, Eternal Regret, The Torture's Of The Damned) font la part belle et les titres plus rapides ont perdu l’élan et la pêche d’antan. Les puristes qui chercheraient des titres rapides, heavy, directs doivent rebrousser chemin ; par contres ceux qui aiment les ambiances alambiquées, parfois progressives, parfois mélancoliques et aux textes savoureux seront satisfaits.

Donc et je le redis car ceci a été mon cheminement : depuis les premières écoutes j’étais déçu car en connaissant le groupe je m’attendais du heavy metal, avec des symphonies certes, mais un album « rentre dédains » et assez direct. J’étais même prêt à lui donner un 4/10 tellement la production est mauvaise (les guitares il faut vraiment les chercher ainsi que la basse), tellement la voix de DeFeis n’exprime plus sa réelle puissance et tellement le groupe a changé.
Néanmoins si on multiplie les écoutes (car l’album est très élaboré) et si on accepte qu’un groupe puisse évoluer en restant lui-même et si on est prêt à ranger ce cd sur l’étagère des compositeurs classiques tels qu’un Mahler ou un Wagner et pas à coté du heavy et du hard, alors ce The black light bacchanalia a toute sa place et sa valeur.


PS : l’image de la pochette représente Asmodée (le démon de la destruction) et elle est tirée du Dictionnaire Infernal (Edition de 1863) de Collin de Plancy.

PS : l’album est disponible en plusieurs formats : vous pouvez cliquer ici

PS : l’album est actuellement entièrement en streaming


Wanderer

0 Comments 16 novembre 2010
Whysy

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