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Il y a des albums qui nous marquent, qui, qu’on le veuille ou non, sont plus importants à nos yeux que les plus classiques de tous les classiques. Objets d’un amour inconditionnel de la part des personnes qui les idolâtrent, ces CDs particuliers hantent et poursuivent les passionnés. Les raisons de telles vénérations sont multiples, profondes, quelques fois obscures (il faut bien l’avouer) mais surtout durables. Que cela soit l’album par lequel on découvre un groupe ou un genre, un disque prêté par une personne chère, un opus qui nous rappelle des souvenirs ou encore une découverte qui est tout simplement tombée au bon endroit au bon moment, on a tous des albums fétiches. The Carnival Bizarre est de ceux-là.

Alors que certains rentrent par la Grande Porte (oui avec une majuscule à grande et une à porte : on ne doit reculer devant rien quand on parle de Cathedral) dans l’univers particulier des anglais, en l’occurrence le monument qu’est Forest Of Equilibrum, j’ai modestement croisé la route du groupe par hasard, à vrai dire, au détour du clip de la chanson “Hopkins (The Witchfinder General)” (que je vous conseille par ailleurs). Par hasard, dis-je, sans me douter que je venais de découvrir la meilleure chanson du monde mais j’y reviendrai. Depuis, je n’en suis toujours pas revenue. The Carnival Bizarre tourne en boucle ou presque. Maintenant,  je mets de côté mon fanboyisme aigu (au moins jusqu’à ce que je parle de Hopkins à nouveau) et mes yeux larmoyants de cocker pour vous parler plus sérieusement de The Carnival Bizarre.

Le troisième album de Cathedral est doté d’un son nettement moins lourd que ses prédécesseurs. La tonalité générale est plus enlevée. On pourrait presque pousser le vice jusqu’à dire enjouée mais cet adjectif ne colle pas vraiment à l’image des anglais. Le doom, c’est un peu comme le black, c’est sérieux alors pas question de trop plaisanter (par contre, il est bien sûr évident que côté musique, ça n’a rien à voir). Toutefois, on a bien quitté les rivages pesants de Forest of Equilibrium et on retrouve dans The Carnival Bizarre, des ambiances plus légères, plus rapides aussi. Ainsi, Lee Dorian, au sommet de son art, fredonne les textes mystérieux, mystiques ou tout simplement décalés avec toute la fougue et l’éloquence qui peuvent le caractériser. Il sait aussi se faire envoûtant pour les besoins de la cause (“Blue Light”). Le frontman prouve qu’il peut abandonner son ton rauque et funeste des disques précédents pour une voix plus frivole pour coller parfaitement à la musique quand c’est nécessaire.

On retrouve toutefois toujours les accents lents et doomy qui ont fait le succès du groupe comme sur l'inquiétante “Night of the Seagulls” avec ses riffs pesants et son ambiance étrange et effrayante. Les musiciens savent produire plus qu’une mélodie doom, une véritable atmosphère qui évolue, change, se transforme chanson après chanson. En fait, l’album est varié et les quatre anglais alternent des morceaux frénétiques ("Vampire Sun"), des titres plus mélancoliques (la belle “The Carnival Bizarre” et son triste solo) et des parties plus déjantées (“Inertias’s Cave”). En fait, The Carnival Bizarre s’illustre parfaitement. L’auditeur se retrouve prisonnier d’un univers torturé et fantasque à la fois. Cathedral ne se prend pas au sérieux et module ses effets en y ajoutant un rouage qui ne tourne pas tout à fait rond, un grain de folie qui fait dérailler la machine, une certaine irrévérence qui sent bon le temps jadis. Même si en l'occurrence le temps jadis n’est pas si loin que ça, il fait bon le retourner un peu quelques fois.

Vous l’aurez compris, The Carnival Bizarre est un pur produit estampillé Cathedral. Sans prétention, sans artifice, sans déploiement d’effets destinés à en mettre plein la vue, les anglais ont composé un album d’une grande qualité. Avec sa pochette un peu moche et son air de ne pas y toucher, The Carnival Bizarre sait rester humble et témoigne de l’immense maîtrise de nos voisins d’outre-Manche. Pas besoin de toujours sortir l’artillerie lourde pour marquer les esprits, il suffit d’être un peu sincère. C’est précisément ce que sait si bien faire Cathedral. Et tout ce qui nous reste à faire c’est de le dire aussi fort, aussi souvent qu’on le peut. On finira bien par nous entendre.

Avant de finir, revenons-en, si vous le voulez bien, à la meilleure chanson du monde, j’ai nommé "Hopkins (Witchfinder General)". Alors oui, des meilleures chansons du monde il y en a 34 857 et elles changent évidemment en fonction de qui fait la liste et des nouvelles sorties mais Hopkins mérite vraiment sa place dans ce (faux) top. Et, ce n’est pas à cause des petits sautillements et des grimaces de Lee Dorian dans le clip (quoique, rien que pour ça...) mais bien parce que cette chanson est une vraie réussite. Elle est l’archétype de ce qu’on peut attendre d’un groupe qui fonctionne à l’unisson. Les mélodies et les solos, subtils et justes, sublimés par les paroles scandées par un chanteur survolté, donnent tout son entrain et sa fraîcheur au titre. Hopkins est l’emblème de cet album et du groupe, tout simplement. Elle donne les clés pour comprendre Cathedral. Et, même si ça veut dire beaucoup de choses et rien en même temps, elle porte magnifiquement son fardeau.

The Carnival Bizarre est un des albums les plus faciles d’accès de Cathedral. Il renferme des petites perles taillées sur mesure par les musiciens pour ravir nos petites oreilles. Écoute après écoute, il ne perd pas en qualité et parvient encore à surprendre. La preuve : 16 ans après sa sortie, il n’a pas pris une ride et les riffs (même si on les connaît par coeur) font mouche à tous les coups. Je vous invite donc, si ce n’est pas déjà fait, à vous pencher sur The Carnival Bizarre. Il sera, j’en suis sûre, trouver les arguments pour vous plaire. Si cet argument est un Lee Dorian gesticulant dans tous les sens sur une vidéo, qui, elle, a vieilli alors c’est encore mieux. Cette chronique, que j’avais en tête depuis un moment, a été motivée par l’annonce de l’arrêt de l’aventure pour les quatre compères. Cathedral est un grand groupe, autant sur CD qu’en concert. Et même s’il reste un album à venir, ça me fait mal de me dire qu’un jour pas si lointain il faudra dire : Cathedral était un grand groupe.  

Nola

0 Comments 14 février 2011
Whysy

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